Des élections pour rien ?
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Mise en ligne : 30 mars 2007
Voici trois exemples qui montrent comment fonctionne la nouvelle législation des retraites :
Premier cas : M. et Mme N… sont de nationalité étrangère et d’un âge très avancé. Il y a un quart de siècle, ils ont fui leur pays parce que ce dernier était livré à une guerre civile atroce qui déboucha sur son occupation par une armée étrangère. Depuis, leur existence a été consacrée, pour une bonne part, au service de la France. Ils ont effectué toutes les démarches nécessaires pour acquérir la nationalité française, mais elle leur a été refusée parce que les papiers de référence avaient été détruits ! En un combat douteux, leurs multiples réclamations furent jugées vaines : ne les désignez pas sous le vocable de “harkis” de la République, mais c’est tout comme !
Ils ne se plaignent pas de leur sort. Vivant en HLM, quelque part en région parisienne, ils perçoivent en tant que couple, l’allocation de solidarité réservée aux personnes âgées, un minimum vieillesse de 1.114,51 euros par mois. Bénéficiaires de l’APL, ils acquittent un loyer modéré, incluant des charges communes d’entretien, ils bénéficient de la CMU, qui prend en charge leurs dépenses de santé. D’autres menus avantages leur permettent, avec l’aide généreuse de la famille qui s’agrandit d’année en année, de retourner de temps à autre dans leur pays d’origine, aujourd’hui pacifié. Voici donc des étrangers à qui l’installation en France fut bénéfique et qui n’ont aucune raison de s’en plaindre !
L’une de leurs filles, Mme X…, de nationalité française acquise par mariage, a moins de chance. Elle a travaillé dur et cotisé pour sa retraite pendant 22 ans. Vers la cinquantaine, elle a du s’inscrire à l’ANPE mais les services de l’emploi ne lui ont rien proposé, car au-delà de 50 ans, toute recherche d’emploi ou de formation qualifiante rémunérée n’a aucune chance d’aboutir. Elle était trop âgée … y compris pour être bénéficiaire d’une indemnité de chômage. Ayant atteint le cap des 60 ans elle vient de solliciter la liquidation de sa retraite. Hélas, ceux qui croient pouvoir partir à cet âge se font des illusions, et si on laisse faire, l’âge légal de la retraite sera bientôt repoussé à 70 ans, on en évoque déjà la perspective, puis à 75 ans. Les gens ne vivent-ils pas de plus en plus vieux ? La CNAM considère donc que cette sexagénaire est trop jeune pour prétendre à une retraite, elle doit attendre d’avoir 65 ans. Et si elle confirme sa demande dès maintenant, sa retraite sera ramenée au tiers, soit 170 euros par mois ! Sa pension est donc nettement moindre que celle de ses parents, qui n’ont jamais exercé une activité professionnelle en France !
Autre cas : Monsieur Y..., après avoir travaillé jusqu’à 65 ans, a été licencié pour limite d’âge ! Il avait cotisé 42 ans au taux maximum dans la perspective d’avoir, au bout, une retraite décente. Effectivement, dix ans plus tôt, sa retraite lui aurait permis de vivoter modestement, dans la dignité et une relative indépendance. Mais aujourd’hui, prélèvements obligatoires (impôts, factures d’eau, de gaz, d’électricité, de téléphone, de mutuelle, d’assurances, etc.), remboursement de plus en plus élevé de ses emprunts, auxquels s’ajoute la hausse continue, voire accélérée, malgré les démentis officiels, du coût de la vie, font qu’il ne lui reste pratiquement rien pour vivre. Alors qu’il a compté sur un niveau de vie croissant au fil des ans, il se retrouve condamné à la mendicité publique. Son député lui rétorque : la réponse au problème posé par les retraites passe par le travail !
Travaillez plus, plus longtemps, et vous cotiserez plus ! C’est dans cet esprit que l’on veut inciter les retraités à reprendre du travail. Quelle hypocrisie ! Allez reclasser un salarié de plus de 50 ans ! Plus le travail se précarise, plus il s’émiette, et moins il est rémunéré. Les salariés paient un tribut de plus en plus lourd à cette machine infernale qui consiste à ponctionner les salaires pour alimenter les caisses des ASSEDIC, de la Sécurité sociale, de l’État, des collectivités territoriales. Ce système pouvait être valable lorsqu’existait l’échelle mobile des salaires, parce qu’on pouvait instaurer une parité de contribution aux différents budgets publics entre salariés et patrons. Mais aujourd’hui les actionnaires acquittent une part de plus en plus dérisoire, et il ne reste aux salariés que leurs yeux pour pleurer.
Revenons à Mme X : peut-elle patienter encore cinq longues années pour percevoir, si c’est encore possible vu l’incertitude qui pèse sur les retraites, 300 euros par mois ? Non, c’est tout de suite qu’elle en a besoin ; c’est une question de survie, à moins d’aller rejoindre les “Don Quichotte” le long du canal Saint Martin à Paris. Que va-t-elle faire avec ses 170 euros mensuels ? Elle commence, elle aussi, à ressentir le poids des ans, et elle n’est pas prise en charge à 100% pour ses dépenses de santé !
Si elle se compare à ses parents qui perçoivent plus de 1.000 euros par mois sans avoir travaillé, elle se dit : à quoi bon avoir travaillé pendant 22 ans ? Mais d’eux, elle sait qu’ils méritent bien leur quiétude actuelle parce qu’ils ont trimé toute leur vie dans leur pays d’origine et qu’ils ont subi les affres d’une guerre épouvantable. Par contre, elle sait aussi que ce n’est pas le cas de tout le monde. Et elle songe ces “parachutes dorés”, plus que confortables, acquis “en dormant. Alors elle se demande : pourquoi certains perçoivent-ils des indemnités sans travail alors que d’autres, qui ont trimé toute leur existence, voient leurs revenus diminuer d’année en année, sans que les pouvoirs publics, qui devraient être soucieux du “bien commun”, interviennent pour y mettre bon ordre ?
Pourquoi maintient-on des dispenses du paiement de l’impôt sur des critères de “seuil” qui n’ont pas été réévalués depuis des années, alors qu’ils sont contestables ? À peine une équipe gouvernementale se hisse-t-elle au pouvoir qu’elle s’empresse de faire voter ses propres lois (plusieurs milliers de pages par an), sans considérer ce qu’ont voté ses prédécesseurs. De sorte qu’on assiste à un empilement de dispositifs légaux, qui s’ajoutent les uns aux autres, mais sans constituer un édifice cohérent. Un gouvernement doit avoir le souci de préserver certains intérêts acquis, mais, dans le même temps, faire le ménage dans ce foutoir de dispositifs légaux complètement obsolètes.
De qui se moque-t-on ? Tant d’inégalités sociales, tant de disparités de statuts suscitent un vrai malaise. L’empilement de dispositions légales est à ce point ahurissant qu’on pourrait conclure : si vous souhaitez obtenir une retraite décente, ne travaillez jamais. Vivez de l’air du temps, débrouillez-vous pour organiser quelques trafics illégaux, ou bien livrez-vous à la mendicité publique, ou privée !
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L’“impôt négatif” en faveur des plus modestes n’est pas une mauvaise chose en soi, ce qui est contestable c’est la manière dont il est mis en œuvre, parce qu’il donne lieu à de nombreuses injustices.
Mieux vaudrait l’instauration d’un revenu de base pour tous, dont la valeur évoluerait en fonction des stocks, réels ou potentiels, des biens disponibles et des services existant sur le marché. Il s’agirait là d’une démarche de solidarité vraie, en même temps que d’un assainissement public. Ces biens ou services de grande consommation, accessibles à l’aide d’une monnaie spécifique, doivent être préalablement listés pour être fiables. Quant aux produits et service de luxe et de semi-luxe, rares sur le marché donc chers, ils seraient accessibles par des revenus complémentaires acquis par des activités diverses (commerce, échanges, etc.)…
J’attends des candidats à la magistrature suprême autre chose que des beaux discours sans lendemain ou des promesses de Gascon, cent fois ressassées. Des perspectives de réalisations concrètes immédiates. Dans un esprit de solidarité vraie, de partage librement accepté et assumé, de mise en commun de toutes les énergies et connaissances disponibles, toutes orientations qui font défaut dans notre société soumise aux aléas boursiers, à un individualisme forcené et à la concurrence des individus et des groupes sociaux entre eux.
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Pendant les grand’messes des uns et des autres, notre planète f... le camp sous l’effet d’un réchauffement climatique suscité par les activités humaines, en particulier celles qui sont productrices de CO2 ! La banquise et les glaciers fondent, inondations, sécheresses, grosses chaleurs, cyclones se multiplient, comme en témoignent les splendides clichés de M. Yann Artus Bertrand.
Il urge donc d’aller plus loin que les grands discours émanant de la réunionnite aiguë, des rencontres au sommet qui donnent le vertige, des bonnes résolutions jamais mises en œuvre (le protocole de Kyoto, a près de dix ans d’âge, il fait suite à la Conférence de Rio de 1992, dont les orientations furent mollement appliquées ou pas observées, en particulier par l’hyper-puissance qui produit plus de 35 % de la pollution de la planète). Et le Président de la République a déclaré vouloir mettre en œuvre la révolution écologique proposée par Nicolas Hulot, confortée par les conclusions des spécialistes du Groupe International d’Étude du Climat. Cette initiative devrait, paraît-il, déboucher sur une Organisation Mondiale de l’Écologie.
Complément obligé de ce très sage pacte pour une révolution écologique, c’est un autre pacte qu’il faut offrir à « ses chers compatriotes » et au monde entier, un pacte pour une révolution économique et monétaire. Car si perdurent les mœurs actuelles, si les investissements budgétaires continuent à se perdre dans une spéculation financière stérile au profit d’une minorité, alors que le sort de la grande majorité s’aggrave de jour en jour, à quoi servent les bonnes intentions ? Vers quoi s’acheminent les programmes les mieux élaborés ?
La liberté et la démocratie sont de grands principes de base auxquels nous sommes tous et toutes attachés. Mais la liberté trouve ses limites dans les dommages que ses excès peuvent causer à autrui, et la démocratie libérale sombre dans l’ultra-libéralisme.
Soyons donc attentifs aux réalités que dissimule, sous certains vocables, une kyrielle de promesses électorales.