Une bastille à prendre

Les réactions de la presse :
par  S. GANET
Mise en ligne : 30 juin 2007

Marie-Louise Duboin réussit un tour de force. Aborder un sujet aussi aride que la monnaie avec pédagogie est le pari réussi de la directrice de la revue la Grande Relève. Dans ce livre, Mais où va l’argent ? publié aux très dynamiques Éditions du Sextant, elle pose une question essentielle : qui décide de la création monétaire ? Qui contrôle la monnaie ? L’omniprésence de la monnaie, la place de “l’argent” dans notre vie quotidienne, les pièces au fond de nos poches nous paraissent, à nous, quidams, quelque chose de très banal. Rien de plus simple en effet, que d’aller retirer à un distributeur automatique des billets de banque. Et pourtant, cette simplicité apparente cache en réalité l’une des questions les plus complexes en économie. Comme l’écrit René Passet dans la préface, « la connaissance des mécanismes monétaires échappe aux communs des mortels ». L’ancien président du conseil scientifique d’Attac pose alors aux responsables politiques une question de toute première importance : « Comment ont-ils pu accorder de tels privilèges (celui notamment de décider de la création monétaire et de la politique monétaire) à des institutions privées ? »

Commençant par un rappel historique des trois formes de la monnaie (pièces, billets et monnaie bancaire), Marie-Louise Duboin poursuit son explication en abordant le rôle primordial de la Banque centrale, véritable pivot du système monétaire. Par son action sur le système bancaire ordinaire, elle encourage ou freine « l’ouverture de crédits par les banques commerciales ». Le constat est fondamental : « L’essentiel de la monnaie est maintenant une monnaie de dette, émise par les institutions de crédit qui sont des sociétés privées. Celles-ci tirent profit de ce privilège interdit aux États, et elles ont, en outre, le pouvoir de choisir les bénéficiaires de cette manne ». Bref, les banques privées peuvent décider de financer une opération de placement boursier plutôt que des investissements productifs créateurs d’emplois, et ce, grâce à leur pouvoir de création monétaire. « La création monétaire échappe ainsi à toute décision politique », relève avec force l’auteur.

Pour une société « plus humaine », Marie-Louise Duboin appelle à une création monétaire qui prenne en compte « d’autres critères que la rentabilité financière ». Pour l’auteure, il s’agit d’un impératif pour qui voudrait « inventer un système économique qui place en tête des motivations d’autres considérations que l’obsession de rentabilité et de retour sur investissement ». À cette fin, elle dresse toute une série de propositions allant de la nécessité d’un « nouveau réseau bancaire », d’un « contrat civique », d’une « éducation renouvelée » ou encore d’un « revenu individuel versé par la société à tous ses membres et pendant toute leur vie », car le salariat actuel est profondément lié à la domination des institutions privées sur l’immense pouvoir de création monétaire.