Le bon sens en action
par
Mise en ligne : 31 décembre 2007
Comment faire comprendre à tous ceux qui veulent un monde plus humain et plus respectueux de l’environnement que ce souhait est incomptablible avec l’organisation économique actuelle, parce qu’elle donne à la finance tous les pouvoirs de décision ? Les écologistes devraient être les plus sensibles à nos analyses et propositions, mais elles demandent quelque effort de réflexion…
Heureusement, nous ne sommes plus seuls à essayer de faire réfléchir en ce sens : nous avons eu la bonne surprise de découvrir qu’en dehors du site de La Grande Relève, quelqu’un, que pourtant nous ne connaissons pas, a entrepris de présenter l’économie distributive aux internautes sur le site http://realiste.info. Voici le texte de sa présentation :
Concernant l’environnement, il paraît que la situation est grave. Pour tenter d’y remédier, on pourra toujours organiser autant de grands raouts écologiques que l’on veut, rien ne sera réglé tant que la finance ne sera pas mise au pas. Se donner bonne conscience en criant stoïquement aux loups dans l’espoir de noyer le poisson est le genre d’attitude irresponsable que je laisse volontiers aux ronds de cuir réactionnaires qui empêchent toute véritable réflexion. En réalité, nous avons affaire à un problème de fond. Maintenant que les dégâts sont avérés, rien ne sert de les ressasser en boucle. Il vaut mieux faire travailler un peu ses méninges pour trouver un remède. Pour employer une métaphore médicale, je dirais qu’actuellement on cherche à circonscrire la maladie qui ronge le monde en s’attaquant aux symptômes plutôt qu’à la cause. Cette méthode typiquement occidentale ne fait que prolonger l’agonie. Il n’est pas non plus au programme de se laisser embobiner par le premier Grenelle venu.
Aujourd’hui, plus que jamais, j’ai envie de partager ma vision de l’éco-gestion distributive. C’est un concept simple, qui respecte à la fois la planète et tous ses habitants. Il ne s’agit aucunement de politique partisane, il est tout simplement question de bon sens. Et il faut avouer que c’est une valeur qui fait gravement défaut à notre époque.
La vie ou la bourse ?
L’économique a pris le pas sur le politique. Je ne vais pas vous endormir plus longtemps à décrire le problème, nous le connaissons tous. À moins de vivre cloîtré dans une bulle de bonheur artificiel, il n’y a vraiment pas de quoi trouver le système reluisant. Inégalités, injustices, violences, pillages et destructions sont le lot quotidien des citoyens de ce monde. Nous voici retournés à l’époque féodale. Les "grands" de ce monde auraient-ils inventé une machine à remonter le temps sans rien nous dire ? ... Alors serrez bien vos ceintures, car l’âge des cavernes c’est la prochaine étape. Mais n’ayez crainte, il n’y a pas de fatalité car il existe toujours un grain de sable pour bloquer les rouages.
La cause, toujours !
Tout ce que nous possédons aujourd’hui, nous le devons aux générations précédentes, en particulier tout ce qui touche à la connaissance. C’est pourquoi il est impératif de partager. Depuis l’ère industrielle, nous sommes entraînés dans une productivité sans cesse accrue due, notamment, aux progrès de la mécanisation et de la robotique. La durée et la pénibilité du travail se réduisent sans cesse… Là où le bât blesse gravement, c’est que ce qui devrait être une forme de progrès à la base est distribué de façon complètement inégalitaire, ce qui le transforme en totale régression. Il est tout aussi utopique d’aller demander à une multinationale de renoncer à ses profits que de demander à un enfant d’arrêter les bonbons. C’est bien connu, les milliardaires s’accrochent tous à leur fortune tels des berniques sur leur rocher et tout ce qui la fait grossir encore plus est bon à prendre. Il faut bien le dire, à part celle du sang et de la sueur, l’argent n’a pas d’odeur. Schématiquement, voilà pour la seule et unique cause du problème. À partir de là, vous pouvez ranger votre petit livre rouge, il n’est pas question de faire une resucée de la lutte des classes, ni de couper des têtes. Il s’agit simplement de faire évoluer les règles du jeu afin que chacune et chacun puisse vivre en harmonie aussi bien avec ses semblables qu’avec son environnement.
Comment ça marche ?
Il ne fait pas l’ombre d’un doute que l’on aura toujours besoin de nombreux corps de métier qui sont indispensables au bon fonctionnement de la société : médecin, chercheur, pompier, agriculteur bio... sont autant de professions qui participent à la qualité de vie collective. À partir de là, étant entendu qu’il y a une charge de travail à fournir pour le bien être de la communauté, ce n’est que justice que de la répartir équitablement, et s’il y en a qui veulent travailler plus, ça ne sera pas pour gagner plus, mais par simple plaisir.
Maintenant, quel que soit le continent, il faut bien que tout le monde puisse vivre convenablement. C’est là où ça devient intéressant… Tous les services publics, tels que la santé ou l’éducation deviennent 100 % gratuits pour toute la population, sans exception. Il est tout à fait scandaleux que quelqu’un ne puisse pas se soigner convenablement par manque de moyens. De même qu’il est inadmissible que l’accès à la culture et à la connaissance soit aux mains de la finance. C’est une mesure simple, très facile à appliquer. Ensuite, un premier organisme indépendant est chargé de répartir les tâches communes, et un second est chargé d’estimer les ressources globales de la planète. On équipe alors tout le monde de carte à puce éco-gestionnaires, qui sont créditées chaque mois.
Les prix sont fixés* au jour le jour en fonction de la disponibilité des produits et de leur empreinte écologique. Avouez que c’est quand même bien plus logique que de se laisser gouverner par d’obscurs algorithmes boursiers !
Là où le concept prend toute son ampleur, c’est qu’une fois qu’un achat de bien ou de service est effectué, le montant correspondant est automatiquement annulé. Il n’y a donc plus de circulation de monnaie. Il coule de source que tout ce qui touche de près ou de loin au crédit et aux intérêts est purement et simplement inexistant, le but étant d’éviter toute forme de spéculation et d’enrichissement éhonté. L’organisme financier perd sa vocation de marchand pour devenir un véritable service public. Le résultat final de l’opération est fort simple : au lieu de perdre sa vie à essayer de la gagner, tout le monde progresse dignement en toute sérénité.
Pour celles et ceux qui ont du mal à comprendre, je vais prendre un exemple concret. Imaginez un peu le cas d’un plombier polonais. Pourquoi “plombier” et “polonais” ? Tout simplement parce qu’un plombier c’est bien utile et que les Polonais font peur aux esprits étriqués lorsqu’ils exercent cette profession. Cette piètre boutade me vaudra peut-être un jour de séjourner soit dans un goulag soit dans une prison Bouygues si la société continue de se radicaliser. Après cette petite touche d’humour qui n’aura pas manqué de vous arracher une mimique simiesque, revenons à notre brillant exemple. Notre brave plombier exerce en circuit court, il n’aura donc pas besoin de venir de Varsovie pour déboucher vos toilettes sèches car il est installé dans votre quartier. Il doit rendre service à la collectivité 15 heures par semaine. Et sa carte est créditée de 2.500 éco-points par mois, qu’il peut dépenser comme bon lui semble en fonction de l’offre réelle du marché. Si jamais il y a moins de travail tant mieux, ça ne change rien pour lui, il aura plus de temps pour s’adonner à ses loisirs. En revanche, s’il y en a plus et que c’est récurrent, il faudra faire appel à un électricien qui n’a pas son quota d’heures… Et c’est pareil pour tout le monde. Pouvez-vous m’expliquer pourquoi un médecin devrait manger plus et mieux qu’un plombier, fusse-t-il polonais ? Pourquoi un député devrait-il être mieux logé qu’un électricien, fusse-t-il mandarin ? Pourquoi un sportif qui galope derrière la baballe et une bimbo médiatisée qui rassemblent péniblement à eux deux le QI d’un lombric devraient toucher plus que ce qu’un chercheur ne gagnera jamais en une seule vie ? Personnellement, je ne trouve pas de réponse cohérente à ces épineuses questions. Quoi qu’il en soit, au fur et à mesure que les éco-points seront dépensés ils seront effacés de la carte. Et à la fin du mois, on remet les compteurs à zéro pour toujours coller au plus près de l’offre et de la demande réelles. Ce qui, au final, permet d’obtenir de façon égalitaire une très bonne gestion des ressources planétaires, puisque les prix sont bien sûr fixés d’une manière complètement cohérente. De plus, l’introduction de l’équité dans les échanges permettra à court terme de diminuer les ressentiments de frustration, de jalousie et de sensation d’inutilité. La perfection n’étant pas de ce monde, il n’est pas question de fantasmer sur un quelconque paradis. Le but est simplement d’arriver à vivre ensemble en toute intelligence. Ce qui est déjà un bon point de départ pour cheminer vers une véritable évolution durable.
Faire progresser le système
Pour que ce concept puisse évoluer, il ne faut pas avoir peur de dégraisser le mammouth. Pour ce faire, l’autonomie à un rôle primordial à jouer. Car plus on en possède, moins on a recours aux autres. Ceux-ci ayant mieux à faire que nous assister, moyennant finance. Un système éducatif universel, d’excellente qualité, est mis en place ; il permet de faire augmenter le nombre de chercheurs de façon exponentielle. Ce qui débouche inéluctablement sur de nouveaux procédés pour soulager les tâches communes. Bien sûr, cela favorise aussi les progrès médicaux et l’avancée de la science en général. Parallèlement à cela, une norme draconienne exige que toutes les manufactures produisent des produits très solides, réparables et recyclables. Ce qui permet de bien gérer les ressources et de recourir à moins de main d’œuvre. Avec ces trois axes de développement, l’humanité est enfin sur la voie du progrès. À condition toutefois d’avoir la sagesse de recourir à un véritable système démocratique.
L’utopie ?
Dire que l’éco-gestion distributive est utopique, d’accord, mais elle l’est tout autant que peut-l’être la fin du capitalisme sauvage. Il faut bien regarder les choses en face. Le système actuel est voué à l’échec, alors autant songer au plus tôt à comment le remplacer. La nostalgie des trente glorieuses est en train de s’estomper. Tout le monde commence à se rendre compte que nous ne reviendrons jamais à cette époque où l’ensemble de la population occidentale était sensée être heureuse et épanouie grâce à la société de consommation et au plein emploi dans les usines. Depuis, la robotique et la main d’œuvre bon marché de ce que l’on appelle pudiquement les pays du sud prennent de plus en plus le relais du bon Français avec son béret et sa baguette sous le bras. Ce qui aggrave d’autant plus l’amenuisement des ressources, du fait du gain de production … irraisonnée et du transport. L’illogisme complet du toujours plus ! conduit forcément et très vite au plus rien du tout ! C’est pourquoi il est plus que temps de redresser la barre pour aboutir à un mode de consommation basée sur le durable et le renouvelable.
Celles et ceux qui pensent que ce concept est calqué sur la décroissance se trompent lourdement dans la mesure où il est question par la même occasion d’augmenter la qualité de vie … Il faut aussi se méfier des fausses alternatives. Pour avoir joué le jeu à fond pendant plus de trois ans, je suis bien placé pour affirmer que le prix libre, malgré d’indéniables qualités, est une aberration. Au bout du compte, celle ou celui qui propose finit toujours par se faire avoir. En réalité, c’est un jeu de dupes qui ne fait qu’accentuer les inégalités. Qu’on le veuille ou non, les choses ont un prix et c’est la nature qui le fixe. C’est en l’estimant au plus juste en fonction de plusieurs critères logiques que l’on arrive à une véritable gestion respectueuse des personnes et de l’environnement.
Si jamais chez Réaliste nous avions eu l’idée tordue de distribuer nos éoliennes à prix libre, on n’aurait même pas eu le temps de démarrer que l’aventure se serait déjà arrêtée. De même que si nous faisions appel au bénévolat plutôt que de rétribuer comme il se doit les artisans qui nous épaulent, cela ferait bien du monde dans la galère et presque pas de moyens pour avancer. C’est toujours dans l’action que la philosophie s’exprime le mieux. Car c’est par l’expérience vécue que l’on peut faire le tri entre ce qui est utopique et ce qui peut être appliqué. La tendance actuelle est lourde, il y a beaucoup de monde pour disserter sur tout et rien. Beaucoup de monde aussi pour prendre de bonnes résolutions. Mais dès qu’il est question d’agir, il n’y a presque plus personne à l’appel. Voilà la réalité, la critique est facile et l’art est difficile.
Il est certes évident que vous n’entendrez jamais parler d’éco-gestion distributive dans les médias marchands, car c’est aux antipodes du message qu’ils sont grassement payés pour passer en boucle : Tais-toi et consomme ! Le quidam n’a donc que très peu de chances que cette alternative vienne lui taquiner les neurones. C’est un fait, mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Chaque être humain est en lui-même un média et rien, sinon l’inaction, n’empêche le triomphe de la logique. Rien ni personne ne vous empêche de faire avancer les choses en faisant circuler l’information. Malgré les performances sans cesse grandissantes des moyens de communication modernes, qui ne font en définitive que toujours plus nous isoler les uns des autres, le bouche à oreille reste extrêmement performant.
Du réalisme clairvoyant et audacieux en action, il n’y a rien de tel pour sortir du bourbier ! En attendant, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bonne chance dans le système actuel si parfait que même les centrales nucléaires et les avions à réaction sont, parait-il, devenus écologiques !… Sans parler de la fameuse sacro-sainte croissance qu’il faut aller chercher à bout de bras au prix de grands sacrifices. Jusqu’à quand cette farce grotesque et cruelle va-t-elle encore durer ? Sans doute jusqu’à ce que les dindons soient plumés jusqu’au trognon. Comprenne qui pourra ! Réflexion et action ou bien démission, telle est la question. Vous pouvez maintenant reprendre une activité dite « normale » et faire comme si de rien n’était. Vous avez également la possibilité de vous servir de cet article et du journal pour affiner le concept et faire des propositions concrètes afin d’aider à la mise en place. J’aurai l’occasion d’approfondir le sujet un peu plus tard quand tout cela aura bien mûri dans quelques esprits débordants, ce qui m’évitera un douloureux claquage de l’hémisphère droit.