Malthus avait tort

Etranger
par  P. SIMON
Publication : janvier 1977
Mise en ligne : 14 mars 2008

 [1] Le Docteur Malthus vient de recevoir un nouveau démenti du Conseil International du Blé. En effet , la production mondiale de cette céréale pour la campagne 1976-1977 va dépasser les 400 millions de tonnes, soit une augmentation de 10 % par rapport au record de 1973. Ce progrès considérable est dû à un accroissement des rendements et des surfaces cultivées ainsi qu’à l’introduction de nouvelles variétés de blé dans les zones tropicales. Partout dans le monde, à l’exception de l’Europe, des Etats-Unis et de l’Australie, la récolte de cette année a été très bonne et il est prévu que la prochaine le sera également.
Entre 1949 et 1976, la production mondiale de blé est passée de 160 millions à 410 millions de tonnes. Dans le même temps, la population mondiale a crû de 2,4 milliards à 4 milliards d’humains. La production de blé augmente donc plus rapidement que la population. Comme les autres céréales et la viande suivent une évolution parallèle, le spectre de la famine paraît donc écarté.
Bien sûr, devant cette abondance, les prix mondiaux ont baissé cette année. Aux Etats-Unis, la baisse atteint près de 25 % et le blé s’y vend un peu moins cher que le maïs. C’est donc un désastre pour les producteurs dont les profits diminuent et qui demandent l’aide du gouvernement fédéral. Déjà, pour soutenir les cours, les gouvernements des Etats-Unis, de l’Australie et du Canada avaient diminué les surfaces cultivées en blé et contingenté la production dès 1969, engendrant ainsi la rareté selon la recette traditionnelle.
Les excédents de céréales pourraient pourtant servir à nourrir les animaux dont la chair serait sans doute plus savoureuse. Mais les cours fixés en Europe par la Politique Agricole Commune pour sauvegarder les revenus des agriculteurs sont si hauts qu’ils découragent les éleveurs, et la part des céréales dans la ration alimentaire du bétail ne cesse de décroître.
Toutes ces données montrent bien l’embarras dans lequel l’abondance place l’économie de marché. Seule l’Economie Distributive nous permettra de sortir de ces contradictions en supprimant la nécessité de soutenir des cours en organisant la rareté.


[1Titre et données empruntés au «  Financial Times » de décembre 1976.