Au fil des jours


par  J.-P. MON
Publication : février 1977
Mise en ligne : 17 mars 2008

Ça devait arriver ! Le slogan « Achetez Français » fait sa réapparition. Les industriels français se plaignent en effet que la pénétration des produits étrangers a atteint un seuil critique dans de nombreux secteurs. L’ennemi numéro un c’est bien sûr le Japon, mais aussi Formose, la Malaisie, Singapour...
C’est à cause de ces pelés, de ces galeux du Tiers Monde (payés au maximum 200 francs par mois) que quatre cent mille européennes ont perdu leur emploi dans le textile.
Suprême horreur ! Les commandes passées à l’Etranger par les services publics français représentent la perte de 10 000 emplois...
Si encore nos concurrents étaient fair play... Mais non, ils ne nous ouvrent que très étroitement leurs frontières. (Vous vous rendez compte, pourtant, de tout ce que pourraient nous acheter les Malaises avec leurs 200 francs de salaire mensuel !)
Moralité : vive l’exportation... à condition qu’on soit les seuls à exporter.

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D’ailleurs, et c’est, bien connu, si les choses vont mal, c’est la faute des autres.
C’est ce que pense M. Marcel Cavaillé, Secrétaire d’Etat aux Transports, lorsqu’il s’indigne du fait que, pour remplacer ses vieux Boeing 707, la compagnie américaine Western Airlines a finalement préféré des Douglas DC10 et des Boeing 727 aux Airbus fabriqués par la France et l’Allemagne.
Les offres du consortium Airbus Industrie étaient pourtant inférieures de 8 millions de dollars par appareil à celles de Douglas et les coûts d’opérations commerciales de l’Airbus sont évalués à un million de dollars par an de moins que ceux du DC 10.
Vertueusement, M. Cavaillé déclare donc : « Je suis encore persuadé que l’Airbus était le meilleur choix, à la fois sur le plan technique et sur le plan financier. Je me demande dans ces conditions si l’Airbus, qui est un avion franco-allemand, n’a pas été victime d’un certain contexte politique qui a fait abstraction de ses qualités ».
Voilà bien une vertueuse indignation que nous ne pourrions qu’approuver si nous n’apprenions par ailleurs qu’Air-France, compagnie française, dont le ministre de tutelle est justement M. Cavaillé, va remplacer dans les trois mois qui viennent ses 29 Caravelles par des Douglas DC 9 et des Boeing 737.
De qui se moque M. Cavaillé ?

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Ce n’est pas tout, ce monsieur qui a décidément beaucoup d’estomac, se permet de critiquer le manque d’initiative de la Société Nationale Industrielle Aérospatiale et principalement de son bureau d’études. Comme si les commandes d’appareils dépendaient du bureau d’études de la S.N.I.A.S. dont les syndicats ont soumis à M. Cavaillé depuis longtemps un plan d’urgence pour la sauvegarde de l’industrie aéronautique française.
Mais ça, M. Cavaillé n’en parle pas. Il est vrai que pour nos gouvernants tout ce qui est nationalisé est suspect.
Alors, après l’informatique, le nucléaire, la société libérale avancée va aussi brader l’aéronautique aux Américains.

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Ils n’ont pas plus de pudeur que les marchands de canons...
Bien après les Etats-Unis et de nombreux pays industrialisés, la France vient de découvrir les risques cancérigènes liés à l’amiante.
Et que croyez-vous que font la Chambre syndicale de l’Amiante et le Syndicat de l’Amiante Ciment ? Ils contestent la validité des rapports sur les d a n g e r s présentés par l’amiante. Ils soulignent « le caractère indispensable et irremplaçable  » de l’amiante et s’étonnent que l’on ne tente pas de rapprocher la « notion de risques éventuels » de celle de services rendus ; ils accusent certains » scientifiques, syndicalistes ou groupes politiques de ne pas faire référence aux conséquences que leurs campagnes d’information peuvent avoir sur les activités économiques.
Autrement dit, nous devons mourir de cancer de la plèvre pour que les industriels de l’amiante continue à faire du profit.

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En Allemagne Fédérale, malgré un des plus faibles taux d’inflation du Monde (5 % par an), malgré la relance incontestable de l’activité économique, !’accroissement du chômage se poursuit : le nombre de chômeurs qui avait dépassé un million en décembre 76, vient encore d’augmenter de 14,6 % dans le seul mois de janvier, portant le taux de chômage à 5,5 % de la population active.
Le phénomène s’explique si l’on sait qu’au lieu d’embaucher, les patrons allemands préfèrent rationaliser leurs productions. A tel point que le chancelier SCHMIDT reconnaît enfin au chômage un caractère structurel ; il pense qu’un moyen efficace de le combattre est d’assurer une meilleure répartition du travail disponible entre les salariés et les chômeurs.
Au lieu de continuer à affirmer que le chômage est dû à l’inflation, « le meilleur économiste français  » ferait mieux de suivre l’exemple du chancelier Schmidt.