L’utopie du plein-emploi

DOSSIER : LE CHOMAGE
par  J. CARLESSE
Publication : juin 1977
Mise en ligne : 19 mars 2008

QU’ILS soient au pouvoir ou dans l’opposition,tous les partis se disputent l’honneur dedéfendre le plein-emploi. C’est à qui indiquera le meilleur moyen de créer des emplois nouveaux pour résorber le chômage. Le P.C. va jusqu’àaffirmer que grâce à sa panacée il peut prévoirune augmentation de 2 460 000 emplois avant 1982.
Ils veulent donc tous arrêter le progrès technique et le machinisme ? Seraient-ils tous devenus à ce point écologistes  ?
Prétendre créer des emplois nouveaux à l’ère de la force nucléaire et de l’automation c’est bien abuser des Français dont la répugnance pour les questions économiques est légendaire.
Hitler déjà, en Allemagne, avait eu de telles intentions. Mais lui au moins connaissait un moyen infaillible de procurer des emplois à la jeunesse de son pays sans freiner le progrès technique et même au contraire en le stimulant : c’était de l’enrégimenter pour préparer la guerre.
Je pense que ce n’est pas à des emplois de ce genre auxquels on songe pour résorber le chômage en France et qu’on finira par comprendre qu’on peut trouver d’autres occupations à la jeunesse qui soient moins suicidaires.
Une nation qui est riche de plus d’un million de chômeurs peut se permettre d’être très généreuse avec sa jeunesse laquelle ne demande qu’à démontrer sa propre générosité et son dévouement à des tâches nationales et internationales. Car posséder un million de chômeurs cela veut dire que toute la production nationale a pu s’accomplir largement sans leur concours. Alors pourquoi vouloir à tout prix les occuper à un travail productif ? Pour leur servir un salaire sans lequel ils ne pourront acheter leur part de la production ? Même ceux qui prétendent lutter contre « les gachis matériels et financiers » ne voient pas cet arbre qui leur cache la forêt.
N’est-ce pas plus économique, matériellement parlant, de subventionner directement des consommateurs que de financer une hypothétique « relance » qui doit, par ricochets successifs, leur procurer un salaire ?
A en croire, en effet, l’étude chiffrée par le P.C. du programme commun, cette relance coûterait 493 milliards de francs ce qui représente un revenu moyen de près de 50 000 francs pendant dix ans pour chaque chômeur actuellement recensé.
Plus modeste, M. Barre se contente de 13,3 milliards pour éponger une faible partie du chômage.
Mais tous sont d’accord pour faire payer la note à ceux qui restent encore en activité.
Faire payer la note... impôts nouveaux... austérité... on n’en sortira donc jamais ? Ils ne savent, nos augures en mal d’imagination, que se complaire dans ce genre d’exercice.
Même en ayant de la répugnance pour les questions économiques, on doit finir par trouver bizarre qu’à une époque où la production est telle qu’elle refuse des bras, on doive se priver pour la répartir.
Or, ce sont les revenus qui répartissent cette production. Et plus celle-ci est mécanisée, moins elle en distribuée ! Il faut donc servir aux chômeurs la part que la machine a permis de réaliser.
Ce prélèvement ne peut se faire automatiquement et sans gêne pour personne que si l’Etat possède la maîtrise de la création monétaire. Lui seul peut donner à son volume la mesure exacte de la production et en assurer la distribution équitable.

Et si on tient absolument à occuper la jeunesse à des tâches utiles justifiant le revenu social ainsi attribué, il ne manque pas d’occasions d’encourager son besoin de s’instruire et de se perfectionner toujours dans la branche professionnelle choisie pour son entrée future dans la vie active.

Si cela est de l’utopie ou du simplisme, que dire des programmes que nous proposent tant les gouvernants que les opposants  ? Ils ont en plus le défaut d’être emberlificotés et inutilement contraignants !