Un an après, bilan et projets


par  M.-L. DUBOIN
Publication : juillet 1977
Mise en ligne : 17 avril 2008

IL y a un an maintenant que j’ai entrepris de redresser la ligne de « La Grande Relève » afin qu’elle survive à son créateur. Nos lecteurs se rappellent que j’ai commencé par demander à celui qui en avait accaparé la direction d’envisager enfin sérieusement de former une équipe de rédaction décidée et capable de continuer le travail que faisait Jacques Duboin.
Je me suis heurtée à une fin de non-recevoir qui, bien que sans équivoque, était très surprenante. Informée ensuite de la décision de l’ancien Comité Directeur du MFA de suspendre la publication et de lancer un nouveau journal à sa place, je décidai d’informer d’urgence les lecteurs et de susciter leur collaboration désintéressée et convaincue, afin que « La Grande Relève » redevienne l’outil dé réflexion sur nos thèses qu’avait créé son fondateur.
Il est temps aujourd’hui de regarder avec objectivité quels sont les premiers résultats de cette entreprise. Pour cela, comparons un an de publication sous l’ancienne direction (juillet 1975-juillet 1976) aux numéros que nous avons publiés depuis :

AU bilan de l’ancienne rédaction, un effort original, signé Bernard Christophe, en octobre1975 et intitulé « de Keynes à Duboin », dont l’auteur a, de toute évidence, bien étudié la théorie de Keynes. Ses courbes « sentimentales » des besoins, de la production et du rapport entre revenus et production « vendable » ont fait sourire des gens à l’esprit rationnel mais elles avaient le mérite de traduire clairement la prose qu’elles accompagnaient. Même si des lecteurs ont eu du mal à lire ce numéro entièrement rédigé en économiste, il a apporté quelque chose. A part cela, le reste de la collection apparaît surtout comme un catalogue de textes déjà publiés auparavant et ailleurs, dont le lien avec nos théories n’est pratiquement jamais fait. Pour être sûrs de ne juger que sur des faits, il suffit de compter les articles originaux rédigés alors pour notre journal : pour l’année considérée, une demi-douzaine d’auteurs, en tout et pour tout, ont été ainsi acceptés, dont la prose ne couvre parfois que 10 % d’un numéro. De cette liste de rédacteurs agréés avaient été éliminés les camarades que J. Duboin avait recrutés pour leur compétence et leur connaissance de nos thèses.
C’est ainsi que de nombreux vieux abonnés n’y comprenant plus rien, renoncèrent à lire, donc à militer, et envoyaient leurs résiliations d’abonnement. Quant aux nouveaux lecteurs contactés, ils n’y voyaient qu’un « argus de la presse parallèle » et ne s’abonnaient pas.

LE premier objectif fixé, la mise en route d’un comité de rédaction, peut être considéré comme atteint. Son travail s’organise autour d’une réunion qui se tient régulièrement au siège du journal et où la discussion est largement ouverte à tous ceux qui veulent y participer. Un premier résultat apparaît quand on feuillette les numéros de cette année : on constate que c’est près de soixante personnes, au total, qui ont participé à leur rédaction, soit environ dix fois plus que l’an passé. Cette pratique a permis de ressusciter le travail de réflexion dont l’absence s’était tristement fait sentir ces dernières années.
On peut juger du résultat d’après les centaines de lettres de satisfaction, pour ne pas dire, par modestie, de félicitations, que nous avons reçues. En nous approuvant d’avoir retrouvé la ligne fixée par le fondateur du journal, si ce n’est sa verve et son esprit inimitables, elles nous encouragent vivement à continuer. Quelques vieux lecteurs, facilement abusés par la prose délirante due au dépit de ceux qui ont refusé de participer à cet effort, nous ont écrit qu’ils éprouvaient le besoin d’attendre encore avant de décider s’ils renouvelaient leur abonnement. Ils sont heureusement moins nombreux que les nouveaux lecteurs qui s’abonnent avec enthousiasme, ce qui nous a permis de leur continuer le service gratuit jusque là.
Ce bilan positif est d’autant plus évident qu’il faut rappeler que nous sommes véritablement partis de ZERO en septembre dernier, puisque l’argent des abonnements en cours a été séquestré par C. Loriant, au mépris d’une décision de justice. Mais l’appel que j’ai dû lancer pour alerter les lecteurs sur la situation et susciter leur collaboration dans un but clairement exprimé, a été reçu de façon formidable. Les plus fidèles disciples de J. Duboin, et aussi les plus courageux évidemment, ont répondu les premiers ; puis tous les camarades sincères ont suivi. Il n’est pas possible de les citer tous ici. Mais le dévouement, la sincérité e l’abnégation de Marguerite et Pierre BUGUET ne peuvent pas être passés sous silence. Qu’avec eux, tous se disent qu’ils peuvent être satisfaits d’avoir agi pour la cause de la vérité et que le résultat de leur effort est déjà visible.

AINSI encouragés, nous sommes prêts à continuer et à chercher toujours à faire mieux. Il y a trois mois, pour réaliser la suggestion que nous a faite un fidèle camarade, nous avons entrepris de grouper nos efforts de réflexion sur un certain nombre de sujets proposés à l’avance, et d’en publier les résultats sous forme de dossiers auxquels il convient alors de consacrer jusqu’à la moitié d’un numéro, l’autre moitié restant à l’actualité. Les deux premiers dossiers ainsi publiés, sur la monnaie et le chômage, nous ont valu de chaleureuses approbations, ce qui nous incite à continuer l’expérience.
Mais ce serait encore mieux si cela permettait à nos lecteurs de contribuer encore plus à nos efforts de réflexion, même en sachant bien que tous ne pourront être publiés. Je tiens donc à les mettre au courant tout de suite des sujets envisagés pour l’année prochaine, en espérant que la période des vacances nous vaudra quelques fructueuses participations  :
- l’informatique. Il ne s’agit pas surtout de faire le point des progrès sur le plan scientifique, mais de réfléchir à leurs conséquences, en particulier sous un aspect que nous n’avons fait qu’évoquer (n° 743, « Démocratie et élections  ») : le rôle que peut jouer l’informatique bien utilisée au niveau de la prise de décision, de la démocratie par conséquent, et de la suppression de la délégation de pouvoir.
- l’automatique. Une nouvelle étape vient d’être franchie avec le lancement des microprocesseurs dont le prix devient dérisoire. Il faut en voir venir les conséquences pour en tirer le meilleur parti pour l’Homme.
- l’écologie. Nous voudrions, après en avoir rappelé la définition souvent déformée, analyser sans démagogie les raisons pour lesquelles les résultats de cette science ont été tellement négligés par une majorité et risquent d’être exploités sans vergogne par d’autres.
- les législatives. Il faudra, en temps opportun, songer à exprimer clairement les questions qui devraient être posées à tous les candidats, en leur montrant les limites des pouvoirs qu’ils briguent.
- les énergies nouvelles. A voir sous deux aspects, les possibilités scientifiques et les besoins non artificiels, aussi difficiles l’un que l’autre à cerner.
- les derniers « trucs » du capitalisme. Dénoncer, dans la vie de tous les jours, professionnelle ou domestique, au niveau de la production et de la consommation, partout et sans cesse, les dernières « rustines » inventées pour faire durer le système des prix-salaires-profits au détriment de l’évolution de l’humanité.
Cette liste n’est pas limitative. Mais ce n’est qu’un début...
Lecteurs, à vos plumes et bonnes vacances cependant.