Au delà des croissants
par
Publication : novembre 1977
Mise en ligne : 27 mai 2008
LAISSONS M. Barré, notre Premier ministre,
s’occuper du prix des croissants. Il nous semble, pour notre part, que
les problèmes économiques de notre époque ne relèvent
pas de pareilles mesures de détail.
Il faut ouvrir les yeux et non se confiner dans la fascination d’un
indice du prix de certains articles. Le fait important est que les prix
ne cessent de grimper, autrement dit que notre monnaie ne cesse de se
dévaluer. Et ce sont les salariés qui se trouvent lésés.
Leur contrat est bien fixé en ce qui concerne ce qu’ils doivent
: leur travail. Tant d’heures, tant de jours, tant d’années,
dont la durée n’est pas dévaluée par une horloge
aussi souple que lé taux de notre franc. Mais ce qui leur est
dû en échangé, et qu’on devrait traduire en pouvoir
d’achat, est sans cesse déprécié parce qu’il ,
est mesuré avec un « étalon » élastique.
Quand on voit les difficultés que la loi leur créé
pour faire reconnaître cette injustice, on comprend leur manqué
grandissant d’enthousiasme pour fournir leur travail.
C’est probablement pourquoi les syndicalistes ne parviennent pas à
regarder au delà de ces effets. Comme M. Barre les y invité,
ils s’arrêtent à des problèmes apparents et immédiats,
sans voir les raisons profondes pour lesquelles ces problèmes
ne cesseront pas, dans ce régime des « prix-salaires-profits
», de se renouveler.
Le chômage grandissant est un fait inéluctable. Nous n’avons
cessé de le dire en expliquant qu’il résulté de
l’automatisation. D’ailleurs, sinon, pourquoi aurait-on inventé
des machinés ? Ce fait est enfin de plus en plus généralement
reconnu.
Il faut maintenant en comprendre lés conséquences afin
de les maîtriser, sous peine de se laisser submerger de façon
absurde.
ESSAYONS ensemble. Quand un patron achète une
machine qui va lui économiser des heures d’ouvrier pour produire
plus, il investit. C’est dire qu’il va calculer ses prix de vente de
façon à éponger l’avance, à intérêt,
qu’il a faite, ou l’emprunt qu’il a contracté. C’est ce qu’on
appelle rentabiliser une entreprise.
Dans l’affaire, le gagnant le plus sûr, c’est celui qui a fourni
le capital contre une garantie d’intérêt, qui tient compte,
bien entendu, de la dévaluation.
Le patron est probablement gagnant aussi. Il a su faire le calcul au
préalable et n’a pris qu’un risqué prévu dans l’espoir
d’un gain à échéance. Ceci est la logique du capitalisme,
d’autant que sont vite éliminés de la compétition
ceux qui échouent dans leurs calculs de prévision.
Quant aux salariés, il ne leur reste qu’à subir les conséquences
et de préférence sans chercher à en comprendre
les causes, ce qui leur évité de les remettre en question...
Si leur contrat, par chance, se trouvé maintenu, ils n’ont qu’à
fournir leur travail. Ils reçoivent en échange une somme
convenue, mais dont le pouvoir d achat, lui, n’est pas connu à
l’avance. Celui-ci ne dépend pas deux. Il leur reste alors à
passer leur temps a réclamer.
Aux salariés dont lé contrat dé travail se trouvé
rompu, on invoqué dés « causés économiques
». ils se retrouvent sans salaire, et sans comprendre la raison
dé cette criante injustice.
ON rencontre alors deux sortes de réactions. La réaction stupide consiste à s’en prendre aux effets, en disant « c’est la fauté des machines, du progrès, des techniques, du gouvernement, etc., etc... », et de vouloir
revenir en arrière, au bon vieux temps où il fallait beaucoup
se faire suer, beaucoup travailler dans dés conditions pénibles,
pour peu vivre. Nombreux sont les écologistes qui enfourchent
ce cheval de bataille sous la bannière d’un désir fort
louable de moindre pollution matérielle. En oubliant cependant
qu’on n’aurait plus maintenant dé quoi satisfaire tout lé
mondé.
Notre réaction consisté a remonter aux causés pour
en déduire la conduite à tenir. Si l’homme a inventé
les machines pour qu’elles suent à sa place, il faut que ce soit
pour son bien. Il faut qu’il en tiré le meilleur parti au lieu
de s’empoisonner, comme l’y pousse le système capitaliste.
Quand un salarié est ainsi mis au chômage, même partiel,
la logique de nos brillants économistes impliqué que pour
lui conserver son salaire, son patron ou l’Etat, devra augmenter ses
tarifs, pour s’y retrouver. D’où la montée inéluctable
des prix, ou la dévaluation de la monnaie, ce qui revient au
même. Ainsi quand l’action syndicale sera parvenue à imposer
au patronat la semaine de 40, ou de 35 heures, ou l’année de
40 semaines, les prix devront monter encore plus vite pour payer tous
ces salaires. Et alors combien de patrons artisans qui n’auront pas
la production correspondante à vendre devront déclarer
faillite ? C’est la ruine des petites entreprises, du libéralisme
et des artisans.
La nationalisation des entreprises ne change rien à l’affaire
si l’Etat-patron est astreint à la même gestion capitaliste
: lui aussi devra augmenter ses prix ou ses taxes pour payer ses salariés.
C’EST cette gestion capitaliste qui ne colle plus. Puisque les problèmes de production peuvent être résolus sans nous astreindre tous et toujours à des travaux pénibles, il faut inventer un autre système qui permette de distribuer la production nécessaire sans nous obliger à des travaux stupides. C’est une GESTION DISTRIBUTIVE qui doit se substituer au capitalisme (voir nos thèses).