Nous avons cependant raison

Réponses aux objections
par  R. THUILLIER
Publication : novembre 1977
Mise en ligne : 27 mai 2008

POURQUOI, nous demande-t-on souvent, nos thèses sur une Economie Distributive rendues publiques depuis 40 ans, n’ont-elles pas percé et semblent ne toucher que quelques poignées de convaincus ?
Cette question mérite examen car elle nous paraît pertinente. Pour notre part, nous suggérons ci-après des explications qui nous paraissent plausibles.
Elles peuvent se ramener à cette constatation personne ne veut nous croire, mais les faits nous donnent raison.
Tout d’abord, dans une époque comme celle où nous vivons, l’importance des « mass media » est capitale. Le manque de moyens pour financer des supports publicitaires constitue un handicap majeur pour une propagande devant toucher de larges couches populaires.
Ces moyens nous ont toujours manqué et nous manquent encore.
De plus, l’établissement d’une économie distributive présuppose la disparition de l’économie marchande : celle de l’échange,, basée uniquement sur des profits. Cela suffit déjà à dresser contre nos idées tous les tenants, passifs ou actifs, du régime capitaliste.
Lorsque nous proposons, par surcroît, et comme base de nos thèses, de dissocier du travail tous les revenus, y compris le salariat, les travailleurs ne nous suivent pas. Ils ne peuvent concevoir que l’on puisse obtenir du pouvoir d’achat sans travailler. [*]
C’est que nos thèses sont des idées neuves et malgré leur simplicité, il faut avoir un esprit déjà bien évolué pour les admettre.
Si la gauche les avait adoptées, ou seulement soutenues, le peuple serait préparé à accepter un programme rénovant complètement cette économie capitaliste moribonde. Il est encore temps de le faire.
Il faut tout d’abord se convaincre que la « révolution mécanicienne », créatrice de biens et de services en abondance, bouleverse toute l’économie capitaliste qui ne peut organiquement s’y adapter. En effet, ses structures sont logiquement basées sur une économie de rareté où le problème majeur était de produire, et non de distribuer. La machine a résolu le problème.
Ce dont le capitalisme, dont la droite essaye de prolonger la survie, « sombre ». c’est de ne pas avoir encore trouvé les méthodes permettant de répartir des richesses produites, - ou susceptibles d’être produites - en abondance, afin de servir des besoins qui sont de plus en plus nombreux.
C’est cela qui est la cause de cette « crise » dont nous ne sortirons plus.
Le grand mérite de Jacques Duboin est d’avoir proposé une solution aux contradictions économiques résultant des effets de l’abondance après les avoir prévus.
Ce ne pouvait être, puisque c’est le seul problème actuellement, qu’une Economie de Distribution. Il l’a assise sur un Revenu Social de base pour tous les citoyens qui sont tous consommateurs, travailleurs ou non. Des prestations professionnelles, sorte de service social de plus en plus réduit, grâce aux machines, seraient exigées en contre-partie ; un revenu supplémentaire, accordé aux plus méritants, permettrait de récompenser l’émulation et les dévouements. C’est simple !
Ces conceptions originales constituent., un socialisme authentique parce qu’il est humaniste. C’est le Droit à la vie.
Comme toutes les formes de socialisme, il ne pouvait être assuré que par l’appropriation, par la collectivité, des moyens de production et. de distribution.
On aurait pu penser que les Partis, les Syndicats et les multiples groupements se réclamant de la gauche, se seraient emparés de ces propositions. Ils auraient atteint le but pour lequel ils luttaient depuis un siècle et que la venue de l’abondance rendait possible.
Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?
Malgré ce qui se passe sous nos yeux : inflation, chômage, etc... les dirigeants de la gauche pensent encore comme la droite que le capitalisme est toujours transformable et s’adaptera à la « révolution mécanicienne » créatrice d’abondance. Voilà pourquoi elle ne nous écoute pas. Elle. ne croit pas que l’heure du socialisme a sonné.
La gauche désormais au pied du mur ne veut mas changer les structures de l’économie capitaliste qui est en train de crouler sous ses contradictions internes. Elle a peur de faire le grand saut car le peuple n’en veut pas. Elle n’a voulu nous comprendre.
Mais les faits - qui sont têtus - nous donnent raison. Souhaitons seulement que, faute de ne pas nous avoir écoutés à temps, la gauche ne puisse empêcher que l’agonie du capitalisme se transforme en un cataclysme épouvantable.
En attendant, continuons, envers et contre tous, à propager les enseignements de Jacques Duboin. Ils sont actuels et irremplaçables.


[*il existerait, cependant, en France près de 3 000 moyens suivant lesquels, par le truchement de secours, prestations et allocations diverses, du pouvoir d’achat est déjà distribué sans contre-partie de travail.