Les écologistes et l’économique


par  H. MULLER
Publication : novembre 1977
Mise en ligne : 27 mai 2008

LES écologistes ont-ils le vent en poupe ? Trouble-fête, leur groupe de pression pose problème aux Etats-majors de la politique et de la finance. Ainsi que l’écrivait dernièrement René Pascal, les écologistes lancent tant au capitalisme qu’au socialisme un tracassant défi : défi au capitalisme gaspilleur tirant profit de tout. ; défi au socialisme prisonnier d’une règle du jeu postulant le plein-emploi dans l’expansion de l’énergie.
En prenant ainsi le leadership d une campagne ante-gaspillage, les écologistes menacent directement un système économique auquel, justement, les gaspillages procurent un ballon d’oxygène dans un marché déjà anémié qui va se contractant. Mais comment limiter les gaspillages sans nuire à l’emploi et au revenu de tant de petites gens ?
Dissocier les revenus de la durée du travail ?
Une utopie ? On en reparlera.
Dans leur marche à l’étoile, les écologistes partent sans bagage, estimant vain de s’encombrer d’instruments économiques adéquats, comptant sur leur seule foi pour surmonter les obstacles, pour ramener les pécheurs à résipiscence.
C’est oublier, cependant, que notre système économique dans lequel ils entendent déployer leur action, s’articule autour du profit et que le profit est nécessairement gaspilleur, injuste et amoral, dévoreur d’espace, destructeur de l’environnement, de la qualité de la vie. Alors, à quoi bon contester pour réformer, si le ver est dans le fruit ?
Les écologistes veulent changer la vie mais sans rien changer au fondement d’un système qui, pour subsister, doit la détruire un peu partout.
Partout, ils trouveront en travers de leur route la finance omnipotente avec ses lobbies, ses hommes de main, ses mercenaires, ses médias, sa contré-propagande, soucieuse de ne pas ralentir la croissance, de vendre n’importe quoi a n’importe qui, quels que soient les gaspillages, les nuisances. Une oligarchie bancaire dirige lés mouvements de l’argent, contrôle la circulation de la monnaie, la création et l’emploi du crédit. Il est irréel d’escompter balancer sur la touche d’un coup de gueule ou de plumeau, en manifestant ou en contestant, les grands de l’industrie nucléaire, automobile ou pétrolière sans déclencher une réaction de nature à rendre inopérantes les actions entreprises.
Pourtant, existe une recette miracle propre à museler cette réaction de la manière la plus radicale : elle consiste a changer la nature, lé rôle de l’outil monétaire pour en faire une «  monnaie de consommation » distribuée en guise de revenu, s’annulant à l’achat, non transférable. Alors tout, absolument tout change : la règle du jeu, les rapports entre employeurs et salariés, les genres de vie, les comportements sociaux, le rôle de l’emploi. Libérée de ses freins financiers, des exigences du profit, de ses gaspillages, la production change d’objectif et d’échelle : réduction de la durée du travail par individu, sécurité du revenu, plus d’aisance, moins de soucis pour tous, des loisirs cultivés, approvisionnés en suffisance.
Il est temps, à présent, pour les écologistes, de préparer cette révolution economique, indispensable pour atteindre leurs buts.