Au fil des jours


par  J.-P. MON
Mise en ligne : 31 juillet 2008

Vive la rareté

Il y a quelques mois, à la lecture des journaux, on avait cru comprendre que l’Europe, si ce n’est le monde entier, allait être confrontée à une pénurie généralisée de lait. D’où les diverses augmentations des produits laitiers que nous venons de subir. La réalité semble pourtant tout autre. Fin mai, les journaux télévisés allemands montraient des images de quantités de lait déversées dans les champs ou données à boire au bétail. La fédération des producteurs de lait allemands venait en effet de déclencher une grève des livraisons pour protester contre les prix trop bas pratiqués par les laiteries en accord avec les distributeurs. Et ils se débarrassaient de leurs excédents comme ils pouvaient. Mais le problème ne touchait pas que les producteurs allemands, premiers producteurs de lait de l’Union européenne car, selon le Bureau européen du lait (EMB), l’Autriche, les Pays-Bas, la Suisse, la Belgique pourraient rejoindre le mouvement auquel le Luxembourg, l’Italie et l’Est de la France ne devraient pas rester étrangers. La porte-parole de l’EMB résume : « Les exigences sont les mêmes pour tous : un prix fixe et équitable pour l’année 2008, la mise en place d’un système de fixation des prix fondé sur les coûts de production et une régulation en volume qui soit plus flexible ». La revendication prioritaire des producteurs est que le lait soit payé 43 centimes d’euros le litre contre 25 à 35 actuellement. Ce qui n’est évidemment pas l’avis des distributeurs, grands et petits : « L’an dernier, il y avait trop peu de lait et les prix ont monté. Maintenant, il y a surproduction et donc les prix descendent », réplique l’association des commerçants détaillants. Le ministre allemand de l’agriculture réaffirme son hostilité à la suppression des quotas laitiers dans l’Union européenne prévue pour 2015. Le gouvernement allemand craint que la baisse des prix s’accélère si l’on ouvre les vannes de la production.

Et dire que, de ce côté-ci du Rhin, Sarkozy ne sait pas comment faire baisser les prix !!!

Naïfs ou faux-culs ?

Les ministres des finances du [1] se sont réunis les 13 et 14 juin à Osaka (Japon) pour faire le point sur la “flambée” des prix du pétrole. Le communiqué final affirme (sans rire !) : « Nous avons de fortes préoccupations concernant la hausse aiguë du prix du pétrole […] ses effets sur la stabilité de l’économie mondiale et sur le bien-être des populations ». Les ministres ont lancé un appel explicite aux pays producteurs de pétrole leur réclamant « d’augmenter leur production et d’investir pour renforcer à long terme les capacités de production ». Mais, ce n’est pas tout : ces petits curieux de ministres voudraient aussi identifier clairement l’origine de la volatilité des prix et ses effets sur l’économie mondiale, comme l’indiquait (sans rire) notre ministre des finances C. Lagarde : « Cette hausse globale, massive et durable présente des aspects inexpliqués. Le G8 veut condamner les mouvements spéculatifs et les profits anormaux ». Mais le comble de la duplicité (ou de la naïveté ?) est atteint lorsque Dominique Strauss-Khan, président du Fonds monétaire international (FMI) déclare que le FMI et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) travailleront ensemble sur l’analyse du marché pétrolier et des « courroies de transmission entre les marchés financiers et l’économie réelle ». Un rapport sera rendu d’ici à la fin octobre. (Nous l’attendons avec la plus grande impatience … et le baril autour de 150 dollars). Mais ne soyez pas inquiets, aucune mesure coercitive n’est envisagée pour stopper la spéculation. Bien au contraire, le G8 veut s’assurer que les “investisseurs” disposent d’une information transparente, notamment sur les stocks de pétrole, reflétant le « juste prix » du brut. Et vous allez voir ce que vous allez voir : dès que la France aura pris la Présidence de l’Union, l’Europe va donner l’exemple de cette transparence en publiant, comme le font les États Unis, l’état de ses stocks hebdomadaires. « J’ai bien l’intention que nous passions à l’acte dès le 1er juillet », a déclaré Christine Lagarde. ça va tout changer !

Une idée ridicule

« C’est celle qui consiste à croire qu’augmenter la durée du travail serait pour la France la seule manière de retrouver son rang. D’abord, parce que contrairement à ce qu’on nous assène, les salariés français travaillent plus en moyenne par semaine (36,5 heures) que les Allemands (34,6 heures) dont la santé commerciale est florissante, que les Scandinaves (34,5 heures au Danemark, 35,6 en Suède et 33,2 en Norvège) qui affichent les meilleures performances économiques et sociales du monde, que les Néerlandais (29,5 heures) et même que les Américains (33,9 heures). Ensuite parce que ce qui caractérise le développement économique depuis la révolution industrielle, c’est la relation étroite entre la réduction du temps de travail et les gains de productivité. Dans tous les pays industrialisés, on travaille deux fois moins longtemps et on produit vingt fois plus en une heure de travail qu’il y a cent trente ans. Cela se retrouve dans la dispersion des durées hebdomadaires de travail en Europe : c’est dans les pays les plus développés que la durée hebdomadaire du travail est la plus faible et dans les moins développés qu’elle est la plus longue (plus de 40 heures dans l’est de l’Europe et plus de 50 en Turquie) ».

Ce texte est extrait de l’article Travailler tous, et mieux de Dominique Méda, sociologue, et Pierre-Alain Muet, économiste et député PS, paru dans Le Monde du 18 juin. Il contraste fortement avec tout ce que l’on entend habituellement et fournit une série de chiffres intéressants qui soutiennent les thèses que nous défendons depuis des décennies.


[1Les 8 puissances les plus riches du monde : Allemagne, Canada, États -Unis, France, Grande–Bretagne, Italie, Japon, Russie.