La fable du maçon
par
Publication : mars 1978
Mise en ligne : 28 août 2008
C’EST un Français moyen qui vient vous féliciter,
Monsieur le Président, pour la façon dont Mous nous faites
comprendre, avec la fable du maçon, qu’il y a intérêt
à réparer plutôt qu’à démolir, pour
reconstruire la maison.
Mais, puisqu’il y a réparation à faire, votre serviteur
voudrait en connaître la nature et le pourquoi.
Il lui apparaît que le gros-oeuvre, les murs, sont solides ; il
y a dans cette maison (on le devine sans peine, c’est notre pays) de
très bonnes terres et des paysans compétents, courageux,
pour les cultiver, de bons ingénieurs et ouvriers, pour faire
marcher des usines modernes.
Il y a bien le toit qu’on ne peut jamais complètement réparer,
qui laisse filtrer l’inflation, le chômage. Ceci est inquiétant.
Si l’on faisait appel à l’architecte pour vérifier ?
Le voici. Il cherche, et ne trouvant rien d’extraordinaire, ni au grenier,
ni dans la maison même, décide d’aller voir les fondations,
et là, stupéfaction : il semble qu’un séisme, analogue
à un tremblement de terre, soit passé par là !
Le principal pilier, celui que l’on appelle libéralisme économique,
est fissuré de toutes parts. On lui a même mis de nombreux
étais ; leur nom étant inscrit sur chacun d’eux, il est
facile de les identifier : aide aux personnes âgées, aide
aux handicapés, aide aux chômeurs, aide aux grandes entreprises
en difficulté, aide aux reconversions d’emploi, aide aux femmes
restant au foyer, aide à l’exportation, en cédant parfois
à vil prix des produits en excédent (!), aide au F.O.R.M.A.
pour garder une certaine rentabilité aux produits agricoles où
l’abondance est devenue une calamité, et combien d’autres aides
plus ou moins importantes sans lesquelles le pilier du libéralisme
se serait effondré !
Se retournant, l’architecte aperçoit les deux autres principaux
piliers de l’édifice et comprend tout de suite pourquoi il pleut
dans la maison l’un de ces piliers anormalement élevé
: l’offre, par rapport à l’autre, la demande, empêche l’équilibre
de l’édifice ; il provoque des lézardes sur le toit ;
les pluies de chômage et d’inflation rendent le sous-sol mouvant,
accentuant le danger d’écroulement.
Expliquant ces choses, l’architecte conseille de construire un nouveau
pilier ayant de larges assises, pour rétablir l’équilibre
et empêcher de pleuvoir.
C’est, explique-t-il, la seule réparation vraiment efficace.
Sur ce, l’architecte construit la maquette du nouveau pilier de l’édifice
et la présente au maçon.
Puis-je vous dire le nom de cet architecte, Monsieur le Président
; il s’appelait Jacques Duboin, et sa maquette c’est l’Economie Distributive,
édifiée il y a près de cinquante ans. Il a prévu
la plus grande révolution économique de tous les temps,
celle qui provient des progrès foudroyants des techniques. Depuis
l’édification de la maquette, toutes ses prévisions se
sont vérifiées.