Lettre à toutes les gauches


par  J. LEBLAN
Publication : mars 1978
Mise en ligne : 28 août 2008

Avant d’agir, il est nécessaire de savoir ce que l’on veut, de définir au moins dans ses grandes lignes fondamentales l’OBJECTIF à atteindre.

LE BUT

...OR, la quasi totalité des partis dits «  de gauche » petits ou grands et la plupart des révolutionnaires ou de ceux qui désirent l’être nous parlent de nationalisations, de cogestion ou d’autogestion, etc., et se taisent sur l’ESSENTIEL, à savoir que le socialisme est incompatible avec l’économie de marché pour une raison fondamentale qu’il conviendrait de crier clairement.
Lorsque les machines permettent de produire toujours plus avec moins de travail humain, il devient nécessaire de rétribuer les consommateurs en se basant sur l’ensemble de la production et non plus sur le nombre d’heures de travail !
L’organisation économique nécessaire à la mise en pratique du grand principe de base énoncé plus haut implique l’abolition de l’économie marchande, c’est-à-dire de l’économie capitaliste privée ou nationalisée, dans la création d’une monnaie socialiste nouvelle, une monnaie dite de « consommation » (voir p. 16) de manière à maintenir constant l’équilibre entre la quantité de pouvoir d’achat disponible et la quantité de production disponible pour la consommation. Cette monnaie nouvelle devrait être répartie entre tous les consommateurs sous forme de REVENU SOCIAL à vie.
Ce sera en France le mérite de l’économiste sociologue Jacques Duboin d’avoir précisé la nature et le mode de répartition de la nouvelle monnaie qui s’impose de plus en plus.

LES MOYENS D’Y PARVENIR

LE but étant défini avec suffisamment de clartéet de précision, le problème des moyens poury parvenir se pose. Quel est donc, ACTUELLEMENT, l’obstacle principal qui s’oppose à la mutation économique et sociale ? Mais c’est tout simplement l’IGNORANCE de l’immense majorité de la population conditionnée. Et pour elle cette mutation est indispensable.
Une « révolution » accomplie par une « dictature des conditionnés » ne pourrait déboucher que sur une autre forme de capitalisme : capitalisme d’Etat, capitalisme autogestionnaire ou autre... où les notions de rentabilité, de compétitivité et de rendement continueraient à empêcher la mise en place de la machine au service de l’homme et à la véritable libération par les loisirs, condition nécessaire à la diffusion de la culture sans laquelle il ne peut y avoir de liberté de penser véritable.
Mais qui peut prétendre détenir le monopole de la vérité en ce domaine très complexe ? Qui peut prévoir comment la mutation devra (ou pourrait) s’accomplir ? En vérité, personne ! La révolution est dans les choses avant d’être dans les esprits et l’on ne peut que constater qu’aucune des révolutions de notre passé proche n’a pu se débarrasser de l’économie marchande. Il est vrai que ces révolutions se sont toujours déroulées jusqu’à présent dans des pays où des conditions matérielles et culturelles très difficiles n’ont pas permis d’instaurer rapidement une économie distributive.

L’ECONOMIE PRIME LE POLITIQUE

D’ailleurs il y a des hommes dits « de droite  » qui ont compris que l’économie capitaliste n’est plus viable tandis que des hommes dits « de gauche » (?) continuent envers et contre tout à se vautrer dans le marécage pourri de l’économie de marché. Or... l’économie prime le politique... L’économie distributive d’abord.
En ce qui concerne les moyens pour parvenir au socialisme distributif, nous pensons que l’insurrection armée est impraticable dans des pays comme le nôtre où d’ailleurs les degrés de misère et d’injustice sont insuffisants pour la justifier et l’on pourrait dire de cette guerre civile ce que l’on peut dire de toute guerre nationale :
« PAS UN SEUL DES MAUX QUE L’ON VEUT EVITER PAR LA GUERRE N’EST UN MAL AUSSI GRAND QUE LA GUERRE ELLE-MEME ». (Bertrand Russel).
Et nous pensons avoir dans la situation actuelle cette certitude : lorsque nous luttons contre l’ignorance, lorsque nous déconditionnons les moutons en leur apprenant clairement que l’économie de marché est incompatible avec le socialisme digne de ce nom, nous augmentons le degré de probabilité de réalisation future de la grande mutation indispensable à la survie du genre humain.