Au fil des jours
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Publication : novembre 2001
Mise en ligne : 1er septembre 2008
Les attentats ont bon dos
• Les compagnies d’assurances et les compagnies aériennes seraient les grandes victimes économiques de l’attentat perpétré contre les Tours Jumelles de Manhattan. C’est sans doute vrai pour les compagnies d’assurances mais ça l‘est beaucoup moins pour les compagnies aériennes qui, dès le premier trimestre de 2001, avaient commencé à licencier tandis que les constructeurs d’avions réduisaient leur production. Aux Etats-Unis, les bénéfices cumulés des 10 premières compagnies était passés de près de 3 milliards de dollars au troisième trimestre 2000 à une perte de près de 1 milliard un an plus tard [1] je cite : « Ce n’est pas encore la crise, mais c’est la fin de l’euphorie. Airbus a ajusté, mardi 7 août, ses perspectives de production à la baisse à partir de l’année 2003, compte tenu des annulations d’options des compagnies aériennes… Son concurrent Boeing avait déjà annoncé qu’il produirait 510 à 520 appareils en 2002 au lieu des 530 envisagés initialement. L’avenir est des plus incertains. Des deux côtés de l’Atlantique, le ralentissement du marché du transport aérien est devenu une réalité… Depuis le 1er août, les compagnies européennes KLM, Lufthansa et British Airways ont annoncé des réductions de capacités : Lufthansa va réduire son offre à partir de l’hiver 2001-2002 pour prendre en compte le net recul de la conjoncture mondiale et ses conséquences sur le marché des transports aériens intercontinentaux… Malgré une nette réduction de ses capacités (10% en 2000 et 9% en 2001), British Airways, premier transporteur européen, vient de publier des résultats encore en baisse. Outre-Atlantique, la baisse conjuguée des activités du transport de passagers et de fret en raison du ralentissement économique a déjà frappé de plein fouet les transporteurs : les huit premières compagnies américaines ont perdu au deuxième trimestre de cette année 372 millions de dollars. Après les 3.500 départs “volontaires” déjà annoncés en décembre 2000, le président d’Air Canada vient de présenter un plan de réduction de ses effectifs de 4.000 postes » [2].
• En un an la production industrielle des Etats-Unis a baissé de 5,8%. C’est la plus longue période de contraction depuis 1944-1945, quand l’industrie de l’armement subissait un fort ralentissement dù à la fin de la guerre. Cette chute de production s’est faite presque régulièrement au cours des douze derniers mois et ne prend pas encore en compte l’effet des attentats du 11 septembre. Le taux d’utilisation des capacités (75,5% en septembre contre 76,4% en août) est le plus bas depuis juin 1983 (74,8%). Il est inférieur de 6% à sa moyenne à long terme [3]. Ce qui a entraîné une forte chute de l’emploi dans l’industrie manufacturière. En août, les annonces de suppressions d’emplois par les entreprises avaient déjà atteint 140.019 et 1.123.356 pour les 8 premiers mois de l’année, selon les statistiques du cabinet Challenger, Gray and Christmas, publiées le 5 septembre 2001.
• Bien sûr, les attentats ont eu un impact sur l’industrie et la finance américaines mais l’injection massive de dollars rapidement effectuée par l’administration au bénéfice des compagnies aériennes et des assurances, sans parler des fonds dégagés pour la guerre en Afghanistan, a dù bien améliorer la situation. A tel point que le président de la Réserve fédérale, Alan Greenspan, vient de déclarer que le pessimisme des milieux industriels et financiers, justifié dans les jours qui ont suivi le drame, n’est plus d’actualité. En attendant, c’est un excellent prétexte pour licencier massivement sans faire trop hurler les populations !
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Technocratie triomphante
Malgré ces piètres résultats et les prévisions pessimistes, gageons que le programme de l’Airbus A380 sera maintenu et les arbres abattus dans le Gers et les Landes pour assurer le transport entre Bordeaux et Toulouse des parties de l’avion construites à Hambourg. De même qu’il est peu probable qu’on n’implante pas un troisième aéroport dans la région parisienne « malgré de graves risques économiques, territoriaux et environnementaux » que M. Jean Sivardière, président de la Fédération nationale des associations des usagers des transports, résume ainsi [4] :
• coût difficile à maîtriser (on parle de 30 à 50 milliards de francs, l’équivalent de 400 à 700 kilomètres de TGV) ;
• accentuation du déséquilibre entre la desserte internationale de Paris et celle des régions,
• accentuation du poids économique du bassin parisien ;
• consommation élevée d’espace, urbanisation continue entre Paris et la nouvelle plate-forme, • congestion routière (la dispersion du transport entre trois aéroports parisiens affaiblissant leur desserte ferroviaire),
• élargissement des zones soumises aux nuisances ;
• absence de régulation du transport aérien qui pourra croître sans contrainte en consommant une ressource fossile dont le renchérissement est inévitable d’où relance de l’effet de serre…
Notons aussi que depuis 1998, les pistes 3 et 4 de Roissy ont été construites, et que l’aéroport fonctionne seulement à la moitié de sa capacité.
[1] La Tribune, 18-10-2001.
[2] Le Monde, 9-08-2001.
[3] La Tribune, 17-10-2001.
[4] Le Monde, 7-09-2001.