Le matelas fumigène


par  H. de JOYEUSE
Publication : mai 1980
Mise en ligne : 30 septembre 2008

QUI est Raymond Barre ? Le Joffre de l’économie politique. Joffre ou Bourbaki, on ne va pas chipoter pour un général. En attendant qu’il soit expédié à Limoges, il fait l’affaire. Les autres font des affaires. L’avez-vous entendu à la radio, vu à la Télé ? Toutes ses apparitions sont autant de provocations. « Personne ne m’empêchera de faire ce que j’ai en tête ». « J’augmenterai l’essence  ». « J’augmenterai les cotisations de Sécurité Sociale ». « Je réduirai leurs remboursements ». « Je vous ferai payer ». « J’interdis aux patrons d’augmenter les ouvriers ». « Je ne leur défendrai pas d’augmenter leurs bénéfices ». « Je maintiendrai l’avoir fiscal » (remboursement d’impôts aux propriétaires d’actions) , etc., etc...
Résultat pratique, Raymond polarise sur sa grosse tronche le mécontentement national. Pas un ouvrier, un employé, un paysan, un artisan, un fonctionnaire, un chômeur qui ne le maudisse. Manifestement, il s’en contrefout. Il a l’air d’être payé pour ca !
Réfléchissons. Babarre est là pour ça. Ça saute aux prunelles. Il est le Faire valoir du cirque, fonction indispensable au clown vedette. C’est derrière l’épaisseur de ce matelas, à fonction fumigène dissimulatrice, que le véritable chef d’orchestre occulte pense et agit dans la coulisse. Mais qui ? Cherchez à qui le crime profite, dit un adage policier.
Qui paye ce Réunionnais, et fort bien ? Sa solde lui a déjà permis d’acquérir une propriété, assortie d’une interdiction générale de construire autour, dans le coin le plus cher d’Europe, vers St Jean Cap Ferrat.
Sans parler d’un deux-chambrettes-et-kichenette à Paris sur Seine, pour une brique par mois de location. Le reliquat est expédié au Paradis fiscal du Liechtenstein par la canal d’une Suissesse de ses amies. (Son Hongroise est au courant). Qui ferme les yeux sur les petits travers patriotiques de Raymond ? C’est celui qui apparaît sur les écrans, élégant, mondain, disert, informé, disponible, peaufiné. Comme Il est loin du marécage politique, ce grand politique ! Ce n’est pas lui que l’on inquiète pour un volontariat au S.T.O. en 1942. Lui, à 18 ans devait manger à sa faim, surtout au banquet à l’issue duquel le Maréchal Pétain remettait à Monsieur son Père, l’insigne tant sollicité de la Francisque.
Ce n’est pas lui que l’on traite de petit sauteur de l’Observatoire. C’est, au contraire, lui qui traite son invité, tant évité, d’agité.
Ça y est, vous avez trouvé, le personnage secret, discret, qui pense, agit à l’ombre du Bombu, qui ne déclare pas en Douane les plaquettes diamantines (puisqu’un cadeau est toujours sans facture), qui spécule à coups sûrs en Bourse, grâce aux informations financières qu’il reçoit en raison de ses hautes fonctions ou grâce aux décisions qu’il arrête de par ses attributions. C’est celui dont la feuille d’impôts se majore de revenus autrement substantiels que ceux d’une anodine liste civile, celui dont tous les parents sont à la fois dans la politique et dans le big business, dont deux (au moins) sont simultanément parlementaires et fournisseurs de d’Etat. Contre toute légalité. Népotisme pas décédé.
Jadis les rois de France choisissaient leurs ministres des Finances chez les Auvergnats. Ces financiers avaient l’art de concilier leur intérêt particulier et celui du Trésor royal. S’ils forçaient le trébuchet de leur côté, ils se retrouvaient avec un col de chanvre au gibet de Montfaucon, comme Enguerrand de Marigny.
Aujourd’hui, avec la République, risque nul et bénef obligatoire. D’ailleurs le peuple s’en fout royalement. La preuve c’est que le diamantaire de Chamalières sera réélu triomphalement (au 2e tour cependant).