La crise en U.R.S.S.
par
Publication : décembre 1981
Mise en ligne : 25 novembre 2008
A titre d’information, les données présentées ci-dessous sont extraites de la revue « La Documentation Française » (1).
*
De 6 % dans l’année 1950, le taux annuel de croissance est tombé
à 3,7 % de 1976 à 1979. En termes quantitatifs la croissance
de l’économie soviétique n’est désormais plus tellement
différente de celle des pays à économie de marché
pris dans leur ensemble (3,7 % pour les années 1971-1978 contre
3,5 % pour les pays de l’O.C.D.E. pour la même période).
Mais les mauvaises récoltes de 1979 ont peut-être ramené
cette croissance à 0,5 % ce qui retvient à une croissance
négative par habitant.
De 1965 à 1970, l’U.R.S.S. a perdu du terrain sur le Japon et
le Brésil (5,4 % par an au lieu de 10 %). De 1971 à 1978,
le Japon a connu un taux annuel de 5,5 % contre 3,7 pour l’U.R.S.S.
(2)
Dans des secteurs déterminés, la capacité de l’U.R.S.S.
à concentrer l’utilisation de ses ressources sur des secteurs
prioritaires lui confère une formidable puissance pour le pétrole,
l’acier, l’amiante, le ciment. Au premier ou au deuxième rang
pour lu machine-outil, les tracteurs. Ses capacités dans les
technologies spatiales, les missiles, le matériel militaire sont
considérables.
A considérer le revenu par habitant, l’U.R.S.S. est loin derrière
n’importe lequel des pays industrialisés ; derrière l’Italie,
l’Espagne, l’Allemagne de l’Est, la Tchécoslovaquie
et précède l’Irlande, la Grèce et le Portugal.
En termes de niveau de vie, l’U.R.S.S. occupe une place encore moins
favorable que ne l’indiquent les comparaisons du P.N.B. par habitant.
A l’époque stalinienne de l’industrialisation forcenée,
le niveau de vie des soviétiques fut sévèrement
restreint (choix entre beurre et catnons). Dans les années 1960,
avec M. Khroutchev au pouvoir, la situation du consommateur, s’est améliorée.
Sur 30 ans, la consommation a augmenté en moyenne de 3,6 % par
an, transformant le niveau de vie. Néanmoins, malgré cette
amélioration, ce niveau reste à l’heure actuelle au- dessous
de celui des autres pays industrialisés (logement, automobiles
pénurie de produits de base) mais déjà engagé
dans la société de consommation (plus des 2/3 des ménages
ont la télévision, le réfrigérateur et la
machine à laver). La situation est également satisfaisante
au point de vue éducation, santé et services communaux.
STAGNATION DU NIVEAU DE VIE
Cependant, les perspectives pour les années 1980 et suivantes
font craindre une stagnation du niveau de vie. L’industrie soviétique
a une faible productivité, elle ne possède pas les infrastructures
élémentaires. Ces problèmes ont été
soulevés au cours du 26e Congrès du P.C. à Moscou
par des dirigeants pessimistes.
Le 11e Plan quinquennal (1981-82) ne fixe que des objectifs moyens de
3,5 à 3,8 % par an de progression du Revenu National qui équivaut,
en termes du P.N.B. des pays occidentaux, à une croissance annuelle
de 2,5 %. La population soviétique augmentant d’environ 1 % par
an, la croissance par habitant serait donc modeste.
Pour les dirigeants soviétiques, se posent des problèmes
de contrainte énergétique, de pénurie de maind’oeuvre
et de baisse de productivité (aux U.S.A., la productivité
est 2,8 fois celle de l’U.R.S.S. et en R.F.A. 2,7 fois).
OPERER DES CHOIX
L’Union Soviétique consacrerait un pourcentage de 11 à
13 % de soit P.N.B. aux dépenses de défense (aux U.S.A. :
4,7 %). Compte tenu de ce que le P.N.B. soviétique par habitant
est environ le tiers de l’équivalent américain, la charge
que ce poids fait peser sur la population russe est sans précédent
en temps de paix.
D’autre part l’U.R.S.S. a mis sur pied d’énormes programmes d’investissements
pour l’application des ressources sibériennes, y compris les
ressources énergétiques.
Alors, une modération de la consommation au profit des dépenses
d’investissement ? Emprunter plus à l’étranger ? Une solution
néo-stalinienne ? Un leader fort, soutenu par les militaires
alliant le renforcement (l’une discipline draconienne à d’ardents
appels idéologiques et nationalistes à resserrer les rangs
? L’investissement serait ainsi accru et des sacrifices imposés.
Une solution radicale qui toucherait au système même, en
rétablistsant le libre jeu des forces du marché, mais
sans aller jusqu’à revenir à l’entreprise privée
?
Même en préservant la propriété collective,
l’idée d’une e économie socialiste de marché »
reste un protblème politiquement sensible.
QUEL AVENIR POLITIQUE ?
Réformes en profondeur ou expédients, l’équipe
au pouvoir hésite à prendre parti et gagne du temps.
Une renaissance économique de l’U.R.S.S. ne peut se concevoir
sans des changements radicaux du système et des réductions
importantes de son budget militaire.
En attendant, avec le ralentissement de la croissance, le budget de
la défense soviétique exerce une pression décourageante
sur le reste de l’économie.
La perspective d’une nouvelle accélération de la course
aux armements pourrait déclencher une véritable crise
économique dans le pays.
*
La situation de l’U.R.S.S., comme celle des pays occidentaux, est une
démonstration éclatante d’une crise économique
à l’échelle mondiale qui atteint tous les pays, qu’ils
soient à économie de marché ou capitalisme d’Etat.
La production actuelle, orientée soit pour satisfaire des besoins
solvables, donc sans croissance économique, soit pour des besoins
militaires (plus de 950 milliards par an) ne peut que déboucher
sur un conflit guerrier.
(1) Articles de B. Kaplan, n° 1728.