Décryptages


Mise en ligne : 28 février 2009

Suivant le vœu exprimé plus haut par J-P Alletru, il importe de décrypter les informations diffusées par la grande presse. Voici quelques exemples :

Détourner l’attention est un procédé classique des illusionnistes. Et les grands médias maîtrisent l’art d’anesthésier l’opinion grâce aux sports et aux faits divers. Exemple : le même jour, deux pages sur les déconvenues d’une nageuse, et un petit entrefilet sur le suicide (un de plus) d’un jeune détenu, à Fleury-Mérogis.

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Le 11 décembre, la presse annonce que le conseil syndical du Service des Eaux d’Ile de France (SEDIF) a voté à une large majorité (88 contre 54) la reconduction de la délégation de service public comme mode de gestion. Ce résultat est en complet décalage avec l’opinion publique qui refuse de considérer l’eau comme une marchandise et qui aspire au contraire à une gestion publique, démocratique et transparente. Il est aussi en totale contradiction avec les analyses effectuées tant par les associations de consommateurs que par les cabinets d’audits qui, toutes, révèlent la gravité des dérives du système actuel.

Ce qui n’est pas expliqué, c’est comment on est arrivé à un tel déni de démocratie.

D’abord chaque ville compte pour une voix : par exemple, Méry-sur-Oise, 9.000 habitants (et une usine du SEDIF sur son territoire…) compte autant que Montreuil avec ses 100.000 habitants.

Il faut savoir ensuite que le vote s’est déroulé à bulletin secret, ce qui est inadmissible en démocratie.

Enfin, il est clair qu’une part non négligeable des élus communistes et socialistes ont voté contrairement aux consignes officielles de leurs groupes.

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Le business qui connaît la plus forte croissance aujourd’hui est celui des entreprises privées de sécurité. Il y a donc pire que le “renforcement des forces de police”. C’est très grave car les policiers (qui sont des fonctionnaires parmi d’autres) ont tout intérêt au calme (même s’il leur fait perdre quelques heures supplémentaires), par contre les agences privées ont intérêt à la castagne, puisque c’est leur fond de commerce.

Il faut déjà faire peur aux Français pour qu’ils votent bien. Demain il faudra les menacer physiquement pour soutenir le business des milices. Si on s’engage dans ce cercle vicieux il sera très difficile d’en sortir.

Déjà dans les pays les plus mal en point de la planète, les guerres civiles se font par milices interposées, la guerre d’Irak par exemple.

Est-ce là notre horizon pour le XXI siècle ?

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Deux patrons condamnés à rembourser le parachute doré de leur prédécesseur. Le PDG de Rhodia et son prédécesseur ont été condamnés (“pour faute de gestion”), par le tribunal de commerce de Nanterre, à rembourser, sur leurs propres deniers, les 2,1 millions d’euros d’indemnités de départ versées en 2004 à l’ex-patron du groupe. Ils font appel [1].

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La prohibition du cannabis a rendu sa culture et son commerce très lucratifs : 35 milliards chaque année aux États-Unis pour les trafiquants [2].

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Dans l’Académie de Versailles, une employée de la Poste vient d’être nommée en remplacement d’un instituteur en congé pour maladie de longue durée. Du jour au lendemain, elle prend en charge, sans avoir suivi aucune formation adaptée, une classe de CM pour toute l’année scolaire. Elle a, en effet, été dispensée de passer le concours, et de la formation d’un an, « en raison de son ancienneté dans la fonction publique » !!

La règle était jusque là que les remplacements pour de tels congés de longue durée soient confiés aux jeunes qui, après avoir échoué au concours des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) sont placés sur une liste d’attente.

Avant les vacances, deux académies de province avaient déjà recruté dans les ANPE locales. Les instituteurs se demandent donc si on va bientôt leur demander de passer aux urgences des hôpitaux pour remplacer le personnel manquant…

Rappelons : comme tous les fonctionnaires, les enseignants des écoles et des collèges sont recrutés par concours. Actuellement, même si de plus en plus de candidats sont déjà à bac +4 ou au-dessus, il suffit d’être titulaire d’une licence (bac+2) pour s’inscrire à un concours d’enseignement. Après une première année d’IUFM, consacrée à la préparation du concours, le candidat est appelé à suivre, en qualité de fonctionnaire stagiaire, donc rémunéré par l’État, une seconde année de formation, celle de la “professionnalisation”.

N.Sarkozy avait annoncé, le 27 mai 2008, qu’à partir de 2010, les enseignants seront recrutés au niveau bac+5 (master), “réforme” qu’il présenta comme une revalorisation de leur métier.

Expliquons : En fait, il s’agit qu’une fois reçus ils soient directement affectés à un poste, accompagnés par des tuteurs, enseignants aguerris, selon le principe du compagnonnage. Le bilan est clair : c’est l’économie pour l’État de l’année pendant laquelle l’enseignant était payé comme fonctionnaire stagiaire !


[1Le Monde, 17/12/08.

[2Le Monde, 2-3/1/09.