Allons-y, c’est le moment !
par
Publication : mars 1985
Mise en ligne : 3 mars 2009
L’année 1985 a commencé pour nous sur
les chapeaux de roue !!! La première des réunions mensuelles
pour préparer la Grande Relève a dévié de
son objectif, sous l’enthousiasme des personnes présentes, décidées
qu’elles étaient à engager une action rassemblant tous
les distributistes de France et de Navarre. Tout le monde est, en effet,
tombé d’accord pour estimer que c’est le moment de rassembler
nos forces et d’entreprendre une opération d’envergure pour faire
savoir que nous, les distributistes, nous avons un projet !
C’est le moment, en France, puisqu’après l’échec de la
droite, la gauche ayant suivi la même politique économique,
n’a pas concrétisé l’espoir qu’une forte majorité
avait mise en elle. Si bien qu’aujourd’hui majorité et opposition
n’ont plus rien à proposer qui soit susceptible d’éclairer
l’avenir. La fuite en avant vers des restructurations génératrices
de chômage, et opérées au prix d’une austérité
que nos énormes moyens techniques ne justifient pas, ne fait
qu’augmenter la misère face à une abondance de moyens
inemployés ou dévoyés. On voit, à la fois,
s’étendre la pauvreté et s’accumuler les stocks invendus.
Cette absurdité est si monstrueuse qu’elle devient flagrante,
même aux yeux de ceux qui ne se posent jamais de question.
C’est le moment aussi à l’échelle mondiale, car des voix
s’élèvent qui prouvent qu’on commence à comprendre,
en voyant agir le cow-boy qui gouverne les Etats-Unis, que la reprise
économique, en régime capitaliste, c’est d’abord une course
démentielle aux armements, une course qui dépasse aujourd’hui
les limites de la planète pour faire de l’espace aussi un champ
de bataille sans merci. Quand, au même moment, la télévision
nous montre le drame des pays affamés, on peut espérer
une prise de conscience de l’indignité d’une humanité
qui possède tant de moyens mais condamne à mort des millions
de gens.
J. Malrieu montre dans ces colonnes que cette prise de conscience se
manifeste à droite comme à gauche ; il la détecte
aussi bien chez un ancien ministre de G. Pompidou que dans les déclarations
d’un des nouveaux dirigeants du PSU. Sur le plan international, le Monde
Diplomatique de février en témoigne également par
deux analyses des causes de la faim dans le monde : S. George rappelle
qu’en marge de cérémonies organisées du 12 au 15
novembre derniers par la FAO, s’est tenue une Assemblée Mondiale
de l’Alimentation qui a précisé son but : « inverser
les politiques des agences internationales du développement »
et son intention de mener une campagne « contre les programmes
d’austérité du FMI », car, proclamait cette Assemblée
pas comme les autres, « le règne de l’agrobusiness a fait
empirer les choses ». A. Vidal-Naquet rappelle ensuite que «
le monde a maintenant les moyens de produire "suffisamment pour
nourrir convenablement sa population aujourd’hui et demain »,
et il affirme : « il est désormais généralement
reconnu que l’élimination de la faim est étroitement liée
à un meilleur équilibre des mécanismes nationaux
et internationaux du développement ».
C’est bien l’échec des mécanismes capitalistes qui est
constaté, et la nécessité d’autres relations économiques
est enfin perçue. Mais l’imagination n’ayant toujours pas pris
le pouvoir, on sent qu’il faut s’adapter à de nouveaux moyens
de vie, mais sans savoir comment s’y prendre. L’humanité ressent
les symptômes de la formidable mutation qu’elle est en train de
subir, mais elle ne comprend pas vers quoi elle la mène.
Et voilà pourquoi, le 26 janvier dernier, les camarades réunis
autour de La Grande Relève ont dit : « Faisons-nous entendre,
nous qui avons quelque chose à proposer ! Et, pour cela, commençons
par nous rassembler. Regroupons tous les distributistes de France et
de Navarre, associés ou dispersés, ne formons plus qu’une
seule Association pour l’Economie Distributive (AED, appellation déclarée
selon la loi de 1901) pour ne plus donner à l’opinion une image
dispersée sous des sigles différents. Lançons pour
cela un appel dans le journal à tous ceux qui veulent se rassembler
pour agir. Elargissons cet appel à tous ceux qui, hors de France,
ont les mêmes aspirations que les nôtres ; il en existe
en Belgique (nous avions eu leur visite le mois dernier), il en existe
en Suisse, en Allemagne, en Suède, au Canada, peut-être
aux Etats-Unis ».
Je me fais donc ici le porte-parole de ces distributistes déterminés.
Je le fais d’autant plus volontiers que j’ai reçu beaucoup de
lettres de camarades qui me disent en général : «
rassemblons-nous : ralliez-vous tous à l’association X, au mouvement
Y ou au parti politique Z que je viens de créer ». Il s’avère,
en effet, que la propagande individuelle s’essouffle vite, que le besoin
se fait sentir d’une union qui fait la force et soutient le moral. Je
suis chargée plus précisément de rameuter tous
ceux qui sont prêts à prendre la responsabilité
d’une région pour y assurer les contacts nécessaires :
qu’ils se fassent connaître en donnant une adresse que La Grande
Relève publiera. Une assemblée générale
est projetée pour le mois de mai, ou juin, André Prime
s’est déclaré prêt à l’organiser.
Si l’optimisme soufflait sur les distributistes, ce 26 janvier dernier,
c’est sans doute que les jeunes aussi, « ils y viennent ! ».
Nous avions parmi nous un lycéen très attentif qui, d’abord
tout seul, a lancé une réunion d’information sur l’économie
distributive, après avoir diffusé dans son lycée
un excellent tract qu’il avait rédigé (au fait, La Grande
Relève peut en envoyer à tous ceux qui lui en demanderont).
Il a maintenant convaincu des camarades et c’est une section de l’AED
qui va démarrer, malgré les réticences des adultes
de ce lycée qui se méfiaient a priori d’une propagande
qui n’a pas d’étiquette politique.
A ce propos, autre note optimiste : nous avons eu l’occasion de prendre
contact avec des représentants d’un jeune parti politique, pas
du tout comme les autres. La preuve : il se déclare « Parti
Humaniste », se. définit en rejetant « les idéologies
qui réduisent le corps social en marchandise dépendant
des lois de l’offre et de la demande » et veut « engendrer
un nouveau modèle de société solidaire et non violente
». Il dit qu’il « s’agit d’une nouvelle forme politique
qui survit également dans plus de 40 pays sur les 5 continents
», et « prétend être une force pacifiste internationale
qui exerce une pression pour changer la direction destructrice des gouvernements
actuels ». Ayant senti que leurs aspirations rejoignaient les
nôtres, nous avons entrepris de leur montrer le rôle que
peut jouer l’économie distributive dans un projet véritablement
humaniste. Nous gardons le contact avec eux, et je pense que les distributistes
de la première heure seront heureux d’apprendre que c’est le
petit-fils de l’un d’eux qui a établi ce contact allons, la relève
est assurée !!