Le secret professionnel
par
Publication : juin 1989
Mise en ligne : 13 mai 2009
Voici la rubrique que C.-F. Eberlin propose d’ouvrir dans nos colonnes afin d’apporter chaque mois informations, études ou suggestions susceptibles de compléter, voire de faire avancer les dossiers que nous préparent les diverses instances de décision.
Cette rubrique, bien évidemment, est ouverte, comme toutes nos colonnes, aux lecteurs qui voudraient y contribuer. Nous serons heureux de présenter leurs propositions, pourvu qu’elles soient originales, intéressantes et qu’elles aient un caractère vraiment constructif mais non polémique.
Merci de rédiger vos envois de façon concise (une page).
Nous aimerions recevoir les avis de tous ceux qui se sentent concernés, à quelque titre que ce soit, par les sujets abordés dans cette rubrique. D’avance merci à ceux qui nous en feront part.
"... La notion du secret professionnel est
à l’heure actuelle une espèce de monstre hirsute, une
gorgone tentaculaire avec une toute petite tête : l’article 378.
La jurisprudence a constitué ses tentacules, et il est bien difficile
de lui reprocher, en présence d’un texte resté à
l’état embryonnaire, d’avoir été incertaine et
parfois fluctuante.
Seule une législation bien comprise, claire et précise,
peut mettre fin à cette situation."
Voilà ce qu’écrivaient déjà en 1973 le célèbre
avocat René Floriot et le Conseiller à la Cour de Cassation
Raoul Combaldieu dans leur livre "Le Secret Professionnel"
. Il nous parait opportun de rappeler ces lignes au moment où
députés et sénateurs vont consacrer le plus gros
de leur travail législatif à l’étude du projet
de refonte du Code pénal. Il serait en effet néfaste que
sur le sujet qui nous préoccupe ici, les débats parlementaires
soient menés "à bride abattue" comme l’a écrit
un grand journal parisien. Il s’agit en effet d’un domaine où
l’on ne peut se limiter aux considérations juridiques, vu qu’en
réalité on se trouve en présence d’un faisceau
de problèmes où s’imbriquent le droit, la morale, la règlementation
administrative, le respect de la personne et de l’individualité
humaine ; et où chaque cas à traiter est et reste un cas
particulier.
Les professionnels qui, à un titre quelconque, se trouvent journellement,
ou seulement occasionnellement, confrontés aux problèmes
relatifs à la protection des secrets, ne comprendraient pas que
la réforme en préparation aboutisse à une série
de textes qui seraient de simples condensés d’arrêts de
jurisprudence épars sans directives précises quant à
leur interprétation.
En fait, c’est toute la conception même du secret
dans toutes ses applications qui doit être reprise, redéfinie
et transposée dans la réalité de tous les jours.
Et cela ne se limite pas au droit pénal seul. Il y a aussi les
secrets dans les entreprises dont la divulgation peut mettre une firme
en mauvaise posture sans qu’il y ait forcément délit au
sens pénal du terme. La portée et les conséquences
éventuelles de l’ampleur et de la nature de la réforme
souhaitée par les professionnels déborderont largement
des considérations strictement françaises, car le vide
et le flou juridiques pèsent maintenant déjà sur
les relations d’affaires au niveau intereuropéen. On le comprend
aisément si l’on considère que, par exemple, les contrats
de travail des cadres dans d’autres pays de la CEE comportent des clauses
strictes de respect du secret professionnel avec résiliation
immédiate en cas de manquement grave.
Dans un prochain article, nous donnerons un aperçu général
des points sur lesquels la nouvelles législation devrait donner
des jalons et des directives précises pour mettre fin à
l’actuel imbroglio.
1) Flammarion, éditeur.
2) Le Figaro, 4 avril 1989