Plaidoyer pour la monnaie-calorie
par
Publication : juin 1988
Mise en ligne : 15 juillet 2009
Nos lecteurs connaissent peut-être déjà la proposition originale de G. Oostenbroek d’une monnaie basée sur l’énergie. Voici pour eux, en lui répondant dans ces colonnes, l’occasion d’en débattre.
Il faut voir dans mon projet la volonté de
parvenir à des techniques économiques, monétaires,
salariales et commerciales totalement différentes de celles existantes
de nos jours.
Distributiste de longue date, je propose une dimension nouvelle de la
monnaie, ayant pour base des données scientifiques. Cette monnaie
prendrait en compte les COUTS RÉELS de la fabrication de tous
produits ou services et par là même, les coûts réels
de la vie de tous les hommes. Evolutive et non révolutionnaire,
cette monnaie serait à la consommation des biens ce que la plus
haute technologie est à la fabrication des biens. Ce parallélisme
infiniment plus précis que les méthodes traditionnelles
d’évaluation des coûts, des allocations, des subventions,
des intérêts etc... s’inscrirait dans une optique à
la fois rationnelle et humaniste.
Rationnelle, car il n’est plus admissible que la monnaie subisse sans
raison les turpitudes spéculatives et qu’elle ne revienne pas
à son unique destination : Faire passer toute la production vers
toute la consommation.
Humaniste car il n’est plus admissible que par le seul fait monétaire
une partie de l’humanité soit privée de biens essentiels
ou secondaires en face d’une pléthore de biens invendus ne permettant
pas aux producteurs d’en vivre.
Sans mettre en cause les théories de l’économie distributive,
il nous apparaît nécessaire de les compléter par
une véritable mesure de la valeur des biens et services. Avant
de formuler ce qui pourrait être une monnaie "capable"
de sa destinée, il est indispensable, pour mieux l’imaginer,
d’énumérer d’abord quelques erreurs dans ce domaine qui
ont pris valeur de référence dans l’esprit et le raisonnement
de nombreux contemporains. Ainsi l’on confond trop souvent économie
et finance. En effet, l’économie est une science qui traite de
la production, de la distribution et de la consommation des biens, alors
que la finance est l’ensemble des activités lucratives qui ont
pour objet les monnaies sous quelque forme que ce soit. Dans notre procédé
actuel d’achat et de vente, le passage production/consommation se fait
par le truchement monétaire. C’est à cause du manque de
pouvoir d’achat, des variations des valeurs des monnaies et des désordres
qui en découlent que la production est à la fois freinée
et stockée. Employer le terme ECONOMIE pour parler de la FINANCE
est tentant. Cela provient uniquement du cheminement monétaire.
S’il y a CRISE, elle est financière, mais le terme est impropre
car la crise est un changement brusque d’un état alors que le
dérèglement financier est permanent et de moins en moins
supportable. Pas plus que la biologie ou la géologie, l’économie
ne saurait être en crise. Elle permet arbitrairement d’analyser
des phénomènes selon les sensibilités idéologiques
des économistes. En ce sens, elle ne saurait être scientifique.
On assure que la valeur d’un produit fini dépend des richesses
naturelles, des coûts des manipulations humaines successives et
des charges diverses. Mais la possession des richesses naturelles n’est-elle
pas identique de nos jours à celles qui existaient à l’origine
? Quelle différence y-a-t-il entre l’acte de pêche du premier
homme et celui d’un marin-pêcheur contemporain ? L’acte commercial
et juridique représenté par une facture et qui prouve
à la fois la valeur d’un bien et sa propriété,
n’existe pas. Le poisson est donc gratuit, non payé ; il en est
de même pour toutes les richesses naturelles, seule la main d’oeuvre
sous toutes ses formes valorise tous les produits finis.
Puisque nous avons abordé le problème de la propriété,
examinons son déroulement par un exemple. Un industriel souhaite
développer son entreprise et emprunte pour cela à une
banque de dépôts. Pour rembourser le principal et le loyer
de la somme prêtée, il prélèvera sur le prix
de vente de ses produits un certain pourcentage qui lui permettra de
verser sur son compte bancaire des sommes variables pour amortir et
éteindre sa dette initiale. L’origine de ce remboursement est
le fait de paiements individuels et multiples des consommateurs. On
peut donc affirmer que cette nouvelle unité de production est
la propriété collective des consommateurs et non celle
de l’industriel. Dans le cas où celui-ci aurait assuré
la réalisation de son projet par auto-financement, l’origine
des fonds serait toujours la même, les fonds ayant été
constitués avant, lors de ventes précédant l’opération.
Dans un ordre d’idées analogue, le salaire de chacun d’entre
nous provient du salaire de tous les autres, chaque consommateur "rétribue"
le coût de la vie des autres. Ainsi ce que l’on appelle le capitalisme
est la forme la plus collectiviste qu’il soit, financièrement
parlant. Il ne faudra donc pas s’étonner si les théories
distributives remettent en question non pas des faits réels mais
des appellations ou théories erronées. Il en sera de même
lorsque nous proposerons une monnaie à base strictement scientifique
qui n’aura pour objet que la seule possibilité de faire passer
la production vers la consommation. "Les postulats de la science
économique sont eux-mêmes à revoir à la lumière
des faits économiques, sociaux et politiques nouveaux"(1).
Pour résumer, afin de mieux appréhender notre nouvelle
conception monétaire, voici rappelés quelques points essentiels
réels, mais cachés :
A - La finance actuelle ne peut faire circuler suffisamment de monnaie
pour absorber la production.
B - La production actuelle est considérable et pourrait s’écouler
totalement si le "profit global" moteur du libéralisme
ne diminuait pas en même temps que la production augmente.
C - Toutes les richesses naturelles sont gratuites, sur, sous et audessous
de la terre et elles sont le patrimoine et l’héritage de toute
l’humanité.
D - La propriété dite privée est MATHEMATIQUEMENT
la propriété COLLECTIVE de tous par le simple fait que
le cheminement monétaire passe par tous NOS REVENUS, tous nos
IMPÔTS COLLECTES, et cela à l’échelon mondial.
LA NOUVELLE MONNAIE
Depuis la crise pétrolière tous les
pays industrialisés, gros consommateurs d’énergie, ont
prôné de l’économiser... Moins consommer d’énergie
devait diminuer les dépenses nationales et les coûts, permettant
à nouveau d’exporter. C’est dire que subitement nos experts s’étaient
aperçus de la valeur de l’énergie.
Lorsqu’un homme travaille, il dépense une certaine énergie
chiffrée en calories par les biologistes. Chaque jour de sa vie,
l’homme doit récupérer ses calories perdues, (de 2500
à 5000) il le fait grâce à son salaire qui lui permet,
par l’achat de sa nourriture de reconstituer son organisme. Il en est
de même de tous ses autres besoins. Habillement, logement, éducation,
loisirs etc... Tous ces services réalisés par d’autres
hommes ont fait l’objet d’une perte de calories récupérée
de la même façon. C’est tout cet ensemble qui fait la valeur
globale du coût de la vie, tel qu’il est répertorié
par l’INSEE, incomplètement d’ailleurs par seulement 295 postes.
Supposons un salarié qui aurait dépensé dans une
journée 3540 calories, il les retrouverait par exemple dans un
kilo de pâtes (100 g - 354 cal.).
Pourquoi passer par une monnaie tierce (Franc, Yen, Dollar, Mark) alors
que l’on a un dénominateur commun "LA CALORIE" qui
mesure à la fois la dépense énergétique
des hommes et son équivalence dans l’aliment récupérateur.
Je propose donc comme système mondial de règlement la
MONNAIE CALORIE qui trouve son origine dans le "prix de revient"
qui est le reflet exact de la valeur des choses.
Dans tous les secteurs de l’activité humaine l’application de
ce principe servira à former une partie du revenu de chacun.
A ce coût strictement humain il faudra ajouter l’énergie
dépensée pour la production énergétique
(centrales) et celle consommée à chaque point d’utilisation
et lieux de fabrication. Le coût énergétique final
d’un produit sera la somme des calories dépensées depuis
l’extraction jusqu’à la distribution unitaire au détail
et par le travail humain. Toute cette comptabilité aidée
grandement par les ordinateurs, dont certains ; paramètres existent
déjà dans la technique économique actuelle, ne
sera pas plus complexe que la décomposition des temps de travail
du système Taylor, dont on pourra s’inspirer. Un homme recevra
alors un salaire en fonction de ses besoins réels. Qu’en est-il
aujourd’hui ? La calorie mesure tous les coûts des différents
biens. (Qui peut aujourd’hui justifier avec exactitude le prix d’une
paire de chaussures ? ou d’un pavilIon F3 ?) Là calorie est invariable
par définition, elle garantit dans le temps les remboursements
éventuels et précis des achats importants. (L’exemple
du Tiers monde dont les dettes montrent le côté négatif
de notre technique financière actuelle est le meilleur).
Sans aller plus en avant dans les détails de cette monnaie-calorie, en demeurant pour le reste dans l’optique de l’économie distributive, j’ajouterai que les bases scientifiques de la calorie, température, poids et pression, la rende insensible à la spéculation. Cette nouvelle monnaie répond aux désirs anciens et présents exprimés par nos grands argentiers : la stabilité ; elle s’inscrit dans l’esprit d’une nouvelle économie mondiale.
(1) Citation tirée du livre de l’UNESCO en 1976 : Le monde en devenir.