Travail et salariat

Lectures
par  R. MARLIN
Publication : mai 1988
Mise en ligne : 16 juillet 2009

La lettre "Science-culture" du GRIT (1) n° 30-31 - décembre 1987, janvier 1988, reproduit des extraits d’un article d’Armand AJZENBERG intitulé "travail et salariat" dans lequel l’auteur constate d’abord que le travail change, c’est une évidence en raison des nouvelles technologies, de l’informatique, de la mondialisation de la division du travail et du chômage de masse. "L’expression "le travail est sacré" est un peu passée de mode... le travail se fait rare..." ajoute-t-il.
Il constate ensuite que le partage du travail parcelisé est facile alors que celui de recherche l’est beaucoup moins. Il cite André Gorz pour lequel l’enrichissement des tâches, est une "douce rêverie" en présence de la révolution technologique et qui déclare que "...le travail doit cesser d’être pour chacun le contenu central de sa vie et la source principale de son identité. Ce sont les "activités autonomes" (qu’on fait par libre choix) qui doivent jouer ce rôle. Le partage du temps actif doit se faire entre travail salarié (que l’on est forcé de vendre) et activités autonomes..."
Après en avoir déduit que le travail ne se trouve plus au centre de l’existence humaine et que l’entreprise n’est donc plus nécessairement le lieu privilégié de transformation de la société l’auteur conteste le discours "libéral" du retour à l’individu ; témoins le minitel, le développement du bénévolat et des associations. Ce sont d’ailleurs ces activités qui fournissent le plus de plaisir. C’est la fin du travail par son dépassement.
Mais actuellement poursuit M. Ajzenberg c’est plutôt la "mystification du travail (et du profit) et la raréfaction de ce travail. Il nous faut donc envisager la transformation de ce présent à partir de nos constatations... (c’est-à-dire)... d’un temps où le pouvoir provient encore de la détention des savoirs et des moyens de production..." à celui de l’imbrication des connaissances et l’usage de la démocratie directe donc un palier".... vers la fin du salariat, vers une société sans classes..."
"...Il faut, écrit-il, poser la légitimité d’une société orientée vers le droit au plaisir... (et)... débarrassée de la "valeur marchande..." ...L’idée d’un revenu garanti à vie ayant rompu son lien avec la durée du travail quitte les pages des livres et des revues. On assiste à l’émergence d’une revendication : le salaire social..." Et de citer Taddaï, Guy Aznar, André Gorz (de nouveau) et le comité des chômeurs.
L’auteur estime lui que toutes les formes de salaire social conduisent au maintien, voire au renforcement de la société actuelle. Il prône la "fin du salariat et la gratuité progressive des services et des usages en progression proportionnelle à la productivité obtenue aux plans industriels et agricoles..." Cette solution est génératrice d’une logique généralisée de "service public" et il conclut : "Dans ces conditions l’entreprise n’a pas à craindre des charges supplémentaires - au contraire, plus elle s’automatise, plus elle est productive, moins elle a de salaires à verser -et le producteur, le salarié n’a rien à redouter de l’augmentation de productivité (au contraire, son temps "obligé" de travail pourra baisser à la condition expresse d’une gratuité plus importante des usages et des services. Il est évident que les gains de productivité ne pourront être pris en compte qu’au niveau d’une entité géographique significative (région, nation, fédération).
Un tel système, qui s’installe de manière progressive, s’accorde totalement avec le dépérissement de la société marchande, avec le dépérissement de la concurrence... et aussi avec le dépérissement de l’Etat.

(1) Voir notre bloc-notes.