...conséquences et perspectives.


Publication : décembre 1997
Mise en ligne : 2 décembre 2005

chômage et précarité

Manifestement, la trop célèbre loi des débouchés, l’idole des néo-libéraux, J-B Say, loi selon laquelle l’offre crée sa demande, est prise en défaut : il y a dans l’Union européenne 18 millions de chômeurs et 50 millions de pauvres.

En France, On compte 3,5 millions de chômeurs, plus 4 millions de citoyens ou de travailleurs en situation précaire (1,1 million de RMlstes, 900.000 CES, un demi-million de contrats aidés par la puissance publique, type CIE, CEC, SIVP, etc., un bon million de contrats à durée déterminée de moins de deux mois, et le reste en contrats à temps partiel non choisi, rarement supérieurs au SMIC...). Ce qui fait au total 7,5 millions de chômeurs et de précaires soit 30 % de la population active [18].

En Allemagne, la situation n’est guère plus brillante : malgré les rodomontades du chancelier Kohl, qui prétendait réduire de moitié le chômage d’ici l’an 2.000, le nombre de chômeurs continue de croître et dépasse maintenant les 4 millions et demi.

Au Royaume-Uni, autre “phare” de l’économie libérale, 23,5% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté.

On pourrait multiplier les exemples de cette précarisation d’une proportion croissante de la population mondiale. Elle constitue la condition indispensable à la survie du système néo-libéral qui semble dominer le monde aujourd’hui, en attendant “la grande implosion” [10].

Une évolution irréversible

Les entreprises transnationales sont entrées dans l’ère des communications rapides, des processus en continu, des productions à flux tendu, qui reposent sur une nouvelle génération de robots sophistiqués. L’arrivée d’une nouvelle génération de robots plus “intelligents”, plus polyvalents, plus efficaces va encore accélérer la relève de l’homme par la machine.

On estime en effet qu’un de ces robots peut remplacer quatre emplois et que, s’il est utilisé en continu 24 heures par jour, il est amorti en un peu plus d’un an. Rien d’étonnant donc que l’on prévoit que le nombre de robots mis en service dans le monde va considérablement augmenter dans les prochaines années.

Il est clair que les progrès des sciences et des techniques ne s’arrêteront pas, tant ils sont dans la nature même de l’homme. Le chômage et la précarité ne peuvent donc que se généraliser.

Michael Hammer, professeur au MIT, affirme que la réorganisation des entreprises américaines entrainera la suppression de 40% des emplois existants et jusqu’à 80% pour certains postes d’encadrement.

Selon la Fédération des Organisations de Travailleurs de la Métallurgie à Genève, d’ici 30 ans, 2% de l’actuelle main d’œuvre suffiront à produire la totalité des marchandises nécessaires à la demande totale.

stress et violence

Le taux de chômage influe directement sur l’état de santé d’une population dont le niveau de stress et de dépression [*] sont des facteurs qui favorisent la prise d’alcool, de drogues, de tabac, incompatible avec une vie saine. Une étude réalisée aux États-Unis, dans 30 zones urbaines, totalisant 80 millions de personnes, montre que plus de 38.000 décès par accidents cardio-vasculaires sont imputables à la montée du chômage. Dans un nombre croissant de pays industrialisés, le chômage technologique et la masse déferlante des sans emploi entraînent une hausse dramatique de la criminalité et de la violence aveugle. Une étude de l’agence américaine Merva-Fowles établit qu’un point supplémentaire du taux de chômage se traduit par une hausse de 6,7% des homicides, de 3,4% de délits avec violence, de 2,4% des cambriolages, autant de dépenses dont on ne chiffre pas l’ampleur lorsqu’on parle des coûts socio-économiques du chômage.

Outre ses conséquences les plus évidentes, comme les sommes colossales consacrées à l’indemnisation du chômage [**], les pertes de recettes fiscales diverses (dont la baisse de la consommation), la précarisation de la société a aussi des effets induits difficiles à évaluer : on n’a, par exemple, jamais tenté de chiffrer la part qui tient au chômage dans nos dépenses rapidement croissantes de police, de justice, de santé et d’aide sociale.

une bombe à retardement

Selon le président de la Banque Mondiale, James Wolfensohn, la pauvreté dans le monde et les inégalités représentent « une bombe à retardement » qui, si l’on n’agit pas dès maintenant, « explosera à la figure de nos enfants ». Lors de son discours d’inauguration de l’assemblée annuelle de la Banque et du FMI, il a affirmé que « sans action, dans trente ans, les inégalités seront plus grandes. La population vivant avec moins de 2 dollars par jour passera de 3 milliards à 5 milliards d’individus. Un quart des forêts tropicales seront détruites, au lieu de 4% aujourd’hui... Sans équité, il n’y a pas de stabilité ».

Pour lui, le remède est la croissance économique et la bonne gestion des affaires publiques. Il a précisé que la Banque agirait de manière sélective en aidant d’abord “les bons élèves” en termes de politique économique.

Quand on sait ce que sont les politiques économiques prônées par la Banque Mondiale et le FMI, on peut avoir quelques craintes pour l’avenir de l’humanité !


[*Lire “preuves à l’appui”, page 12, GR 971, novembre 1997.

[**Pour 1997, le Budget français comporte 82 milliards de francs pour les contrats de travail soutenus par la puissance publique, plus 150 milliards d’allocations de chômage, 150 autres milliards de pertes de recettes de cotisations sociales, entre 60 et 80 milliards de dépenses de formation et une bonne trentaine de milliards de préretraites. En tout, de l’ordre de 400 milliards, soit 4,5% du produit national brut.