Quand l’Etat devient voleur
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Publication : janvier 1987
Mise en ligne : 23 juillet 2009
Une nouvelle loi vient d’être votée la
collectivisation des maisons individuelles. Le « gouvernement de
la privatisation », devant le coût prohibitif que représente
la mauvaise gestion des maisons individuelles par leurs propriétaires,
tant au niveau de leur entretien et de leur utilisation, que des économies
d’énergie, a décidé que
1) ces maisons seront vendues à des groupes financiers spécialistes
de la gestion immobilière... et le produit de la vente reviendra
à l’État qui s’en servira pour construire de nouvelles
maisons...
2) les propriétaires des maisons vendues en garderont l’usufruit
jusqu’à leur mort et pourront bien sûr rester dans leurs
murs. Ils pourront également conserver une partie du capital
(le pourcentage étant à définir)...
A l’annonce de cette nouvelle loi, j’entends déjà le soulèvement
de tous les propriétaires et de tous les autres, qui crient au
scandale : « on nous prend nos biens... » ; « c’est
une atteinte à la liberté... » ; « et le droit
de propriété ?... » etc...
Rassurez-vous, cette loi n’a pas été votée et elle
n’existera sans doute jamais. Quoique ?...
Pourtant, c’est bien ce qui se passe actuellement avec la privatisation
de TF1 et personne ne proteste. Ou si peu. Ou si mal.
Il est vrai qu’il s’agit ici de la propriété d’un bien
collectif et que nous ne sommes pas très éduqués
sur cette notion juridique. Alors « on » en profite...
Car, enfin, voilà des années que les Français versent
leur redevance TV, qui a contribué pour une bonne part à
constituer le patrimoine de TF1, avec son potentiel et ses moyens techniques,
tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il me semble donc que c’est
notre patrimoine culturel à tous, citoyens et citoyennes de la
nation France ?
Et subitement, un gouvernement parce qu’il a été élu
au suffrage universel pour faire du« libéralisme »
(et on ne sait plus vraiment ce qui se cache derrière ce mot)
s’arroge de tous les droits en décidant de vendre une chaîne
de télévision nous appartenant, à on ne sait qui !
Au moins, faudrait-il nous demander si nous sommes d’accord pour vendre ?
On nous dit que la qualité des programmes de TF1 est médiocre :
admettons, mon propos n’est pas de défendre TF1... Mais on proclame
que la privatisation et la concurrence vont améliorer la qualité
des programmes. C’est discutable, car si nous regardons autour de nous,
bon nombre de chaînes « commerciales » sont sinistres...
Alors privatisation - meilleure qualité ??? A voir !
La cinquième chaîne, que tout le monde condamne, ne diffuse-t-elle
pas des secondes séries qualifiées de médiocres
à juste raison ? Secondes séries qui proviennent toutes
droites de « chaînes privées à caractère
commercial ». Je crois qu’il est bon de le rappeler !.
On met également en avant la non-rentabilité de TF1, Je
ne savais pas que le rôle prioritaire de la culture et de la communication
devait être la rentabilité financière ? Il est vrai
que de nos jours, tout doit être rentable. Que ce soit au détriment
de l’être humain ou pas, on s’en moque ! C’est la règle
du jeu !... De quoi attraper une indigestion de cette rentabilité !
« Privatiser TF1, c’est enfin supprimer la main-mise de l’Etat
sur la liberté des journalistes... c’est un pas vers la liberté
de l’audiovisuel... » Mais remplacer l’ingérence de l’Etat,
certes condamnable, par la dépendance du pouvoir financier du
futur groupe majoritaire acquéreur, ce n’est pas un pas vers
la liberté ! Ces grandes puissances financières ne sont-elles
pas, elles aussi, des monopoles ? et de quels moyens disposons-nous pour
les contrôler ? C’est remplacer le fouet par le bâton...
Si tout le monde trouve que la télévision française
n’est plus satisfaisante, alors au nom de la démocratie et de
la liberté, organisons un référendum pour demander
l’avis aux personnes concernées les Français. Et nous
verrons bien ce qu’ils en pensent ? Comment voientils leur future télévision ?
Qu’en attendent-ils ?
A la suite de ce référendum, on pourrait mettre sur pied
une nouvelle organisation juridique de l’audiovisuel permettant aux
Français d’être co-responsables et d’avoir un droit de
regard sur leur télévision (par une consultation régulière
avec un vote des téléspectateurs... chose facile aujourd’hui
avec les moyens informatiques et télématiques). Ce serait
enfin donner les vrais moyens aux créateurs et à tous
ceux qui ont des idées, de réaliser des émissions...
Puisqu’il paraît que la privatisation est la solution miracle
à tous les problèmes, je propose la privatisation du gouvernement,
peut-être que les affaires marcheront mieux ? Qu’en dites-vous,
chers ministres ?
Admettons que nous vendions TF1. Lorsqu’un propriétaire cède
sa maison, le montant de la vente ne lui revient-il pas ? Or, à
qui va la coquette somme de la « braderie » de TF1 ? A l’Etat
bien sûr ! « L’Etat c’est vous et moi », vous dira-t-on !
Je réponds que c’est une tromperie ! Où va l’argent en
question ? Dans les caisses noires de l’Etat ? dans les campagnes électorales ?
dans l’armement ?
On aura payé TF1 deux fois : une première fois avec la
redevance TV ; une seconde fois, par l’intermédiaire du groupe
acquéreur puisque la contrepartie de l’argent qui servira à
acheter TF1 sera d’une façon ou d’une autre « financée »
par celui qui est au bout de la chaîne du circuit économique :
le consommateur ! (avec la publicité, la vente des produits du
groupe, les taxes, les subventions...) et sans oublier l’actionnariat
populaire (40% du capital de TF1).
Dans le cas présent, le libéralisme revient à payer
un bien deux fois sans en être pour autant le propriétaire.
Drôle de notion de liberté !
J’affirme que nous assistons à un vol manifeste et légalisé.
Un de plus... Il faut dire que les conditions sont réunies :
- une constitution qui permet au pouvoir public (l’Etat) de faire ce
qu’il veut, une fois élu...
- une arme : la monnaie bancaire qui rend possible toutes les «
combinaisons », aidée par la comptabilité et ses
« magouilles »...
Et voilà comment l’Etat est dévié de son rôle
originel pour devenir un « despote » qui décide à
notre place, sans nous demander notre avis comme une machine à
écraser le peuple !
Il est vrai que la notion d’EtatNation constituant et représentant
le peuple pour son bien et pour le défendre est déjà
bien loin... Bientôt le bi-centenaire...
On sait maintenant que l’Etat (et ses institutions) sous la forme que
nous lui connaissons est un « tyran » qui profite du peuple
avec la bonne conscience d’avoir été élu par lui.
Cela fait longtemps qu’on ne tient plus compte de nos choix et qu’« ils »
agissent à leur guise. Pour s’en persuader, il n’y a qu’à
regarder les sondages d’opinion et les pétitions montrant nettement
que les Français sont hostiles à la privatisation de TF1,
ce qui n’empêche pas le gouvernement de continuer, malgré
tout, à voter « ses lois ».
Rien de plus facile, puisque, élu pour une durée déterminée,
plus aucune sanction, contrôle, révocation... rien n’est
prévu durant l’exécution de leur mandat ! Nous n’avons
aucun moyen de changer le cours des choses si nous les jugeons néfastes.
Il faut attendre les prochaines échéances électorales.
En attendant « serre les dents et taistoi ! ». Drôle
de démocratie quand l’Etat devient dictateur et voleur, mais
qu’il est le digne représentant de son peuple, agissant en son
nom puisque élu par lui ! (ou par une partie du moins : 51 contre
49).
Entre les états devenus démocratiquement dictateurs et
les grandes puissances financières tyranniques (banques, trusts,
multinationales...), on se demande vraiment où sont nos droits
et notre condition de citoyen ?
Nous ne sommes, citoyenne et citoyen, qu’un bulletin de vote et un billet
de banque ! rien d’autre !
Alors, à quand cette nouvelle civilisation que nous avons à
construire, tous ensemble, où le gouvernement des hommes sera
remplacé par l’administration des choses, où l’être
aura la priorité sur l’avoir, où les représentants
du peuple ne seront que des mandataires révocables sous notre
entier contrôle, où nos aspirations et nos choix seront
respectés pour la liberté de chacun dans la solidarité
de tous ?
Quand nous saurons, en adultes, nous sortir de cette enfance intellectuelle
qui nous limite à ne chercher la solution qu’entre deux modèles :
le capitalisme devenu « libéralisme » et le communisme
devenu capitalisme totalitaire d’Etat, deux modèles qui n’en
sont qu’un d’ailleurs l’économie de marché (marchés
privés et marchés d’état). Quand le dictat de l’économie
marchande, par sa monnaie bancaire et sa règle du jeu caduque,
aura laissé la place à une économie nouvelle au
service de l’homme, basée sur un nouveau moyen d’obtention des
richesses où chacun prendra la place qui lui revient au nom du
droit à la vie ; et qui permettra de supplanter ce désir
maladif de vouloir posséder toujours plus d’objets grâce
à cet argent-roi.
Il sera alors question de vraies valeurs humaines telles que la créativité,
la connaissance, la communication, le don de soi-même, l’amour...
le travail deviendra prestation de service et laissera la place aux
loisirs. Le gratuit prendra le pas sur le payant. Un rêve ? Venez
donc rêver avec nous et vous verrez que l’utopie, c’est de croire
que c’est utopique !...