Appel à la résistance


Mise en ligne : 31 octobre 2009

Parmi toutes les “réformes” que notre hyperprésident poursuit contre vents et marées, celles imposées aux enseignants sont parmi les plus lourdes de conséquences, en particulier pour les générations futures. Le témoignage édifiant de l’un de ces derniers, Bastien Cazals, vient d’être publié par les éditions indigène [*] sous le titre « je suis prof et je désobéis ». Son auteur explique qu’en entrant par vocation dans une profession à ses yeux “porteuse de valeurs”, il n’imaginait pas avoir un jour à défendre l’école contre une avalanche de réformes dévastatrices. C’est l’Appel des Résistants aux jeunes générations, signé le 8 mars 2004, entre autres par Stéphane Hessel, Lucie et Raymond Aubrac, qui lui a ouvert les yeux et donné le courage nécessaire à compromettre son propre avenir.

Cet appel, lancé pour le 60 ème anniversaire du programme du CNR de 1944, mérite en effet d’être médité par tous. En voici le texte, pour le diffuser le plus largement possible :

Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération, nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre (1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l’héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle. Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et sœurs de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n’a pas totalement disparu et notre colère contre l’injustice est toujours intacte.

Nous appelons, en conscience, à célébrer l’actualité de la Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous succéderont d’accomplir trois gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de la Résistance ne s’éteigne jamais :

• Nous appelons d’abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l’anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 : Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des “féodalités économiques”, droit à la culture et à l’éducation pour tous, presse délivrée de l’argent et de la corruption, lois sociales ouvrières et agricoles, etc.

Comment peut-il manquer aujourd’hui de l’argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l’Europe était ruinée ? Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.

• Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations, institutions et syndicats héritiers de la Résistance à dépasser les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité aux causes politiques des injustices et des conflits sociaux, et non plus seulement à leurs conséquences, à définir ensemble un nouveau “Programme de Résistance” pour notre siècle, sachant que le fascisme se nourrit toujours du racisme, de l’intolérance et de la guerre, qui eux-mêmes se nourrissent des injustices sociales.

• Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les anciens et les grands-parents, les éducateurs, les autorités publiques, à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. Nous n’acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944.

Plus que jamais, à ceux qui et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire avec affection :

« Créer, c’est résister. Résister, c’est créer »


[*prix … 3 euros ! voir le site : www.indigene-editions.fr