La faillite d’un modèle

Sortons de l’hexagone
Publication : février 2000
Mise en ligne : 10 mai 2010

Ayant été contactée sur Internet au printemps dernier, la GR-ED a reçu pendant deux jours de juillet, trois représentant(es) de l’association néo-zélandaise “Universal Income Trust” (= association pour un revenu universel inconditionnel ). Au cours de fructueuses discussions, nous leur avons suggéré quelques nouvelles pistes pour financer le revenu universel, notamment le recours à une monnaie de consommation. Ils viennent de nous adresser un résumé de leur tour du monde, nous le présentons en situant leur initiative dans le contexte socio-économique de la Nouvelle-Zélande :

Excédés par le coût social des réformes économiques ultra-libérales mises en place entre 1984 et 1990 par les Travaillistes et poursuivies par les trois gouvernements conservateurs qui se sont succédé de 1990 à 1999, les Néo-Zélandais ont changé d’avis et viennent de porter au pouvoir une coalition de centre-gauche.

Il faut dire que la manière radicale dont la Nouvelle-Zélande avait jusqu’ici appliqué les grands principes libéraux avait fait (et continue de faire) l’admiration de la plupart des institutions internationales. Devenu le pays le plus ouvert de l’OCDE, la Nouvelle-Zélande est l’exemple rêvé par les technocrates de l’OMC : 95% des biens importés, qu’ils soient ou non en concurrence directe avec les produits locaux, ne sont pas taxés et les tarifs douaniers continuent de baisser plus vite même que ne le réclame l’OMC ; les agriculteurs ne touchent presque plus rien de l’État… Ajoutez à cela que les impôts sur le revenu sont relativement faibles (33% sur les plus hauts revenus), que les charges patronales ne sont que de 10%, qu’il n’y a aucune cotisation sociale, que le marché de l’emploi est on ne peut plus souple depuis que les syndicats ont été presque totalement supprimés par la loi de 1991 et vous avez le paradis néo-libéral !

Mais, dans “ce paradis des entrepreneurs” et des investisseurs étrangers, 820.000 personnes (sur une population totale de 3,8 millions) ne vivent que d’allocations sociales et sont dans une situation de plus en plus précaire ; le fossé entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser ; le système de santé publique est en triste état (des épidémies de tuberculose, de méningite et d’autres “maladies du tiers-monde” y sévissent régulièrement) ; la “fuite des cerveaux” s’accélère (plus de 70.000 personnes ont quitté le pays dans les douze derniers mois, attirés par de meilleurs salaires et un tissu économique plus développé) et même de grandes entreprises commencent à transférer leur siège ailleurs. Bien entendu, les gouvernements successifs n’ont pas manqué de privatiser, cèdant pouvoirs et actifs publics au secteur privé, ce qui a naturellement contribué à l’appauvrissement de l’État et même au délabrement des armées. Bref, la Nouvelle-Zélande des années 90, c’est l’archétype de la société néo-libérale !

Que va donc faire maintenant le gouvernement du nouveau premier ministre, Mme Helen Clark, qui pense « qu’après des années de “laisser-faire, laisser-passer” la société néo-zélandaise est devenue cruelle et mesquine » ? « —Réorienter le pays vers un libéralisme plus social » puisque, paraît-il, personne, même pas les partisans du Labour, ne souhaite un retour interventionniste de l’État. Dans cette optique, le gouvernement va augmenter les dépenses sociales, en particulier dans le secteur de la santé et de l’éducation, et les financer en taxant davantage les 5% de revenus les plus élevés. On peut toutefois se demander si ce sera suffisant pour fournir aux laissés-pour-compte, de plus en plus isolés, les ressources nécessaires pour sortir de leur dépendance ou payer les services essentiels de bonne qualité.