Pièges de l’égalité hommes-femmes


Mise en ligne : 31 mai 2010

Il est devenu banal de déclarer que l’approfondissement de la démocratie exige une réelle égalité des sexes, qui passe notamment par une large participation des femmes aux postes de responsabilité, dans le cadre des affaires publiques ou privées. Mais, comme cela est souvent le cas, ce genre d’annonce, reprise à satiété par les grands médias, pèche par son caractère superficiel, et il est nécessaire d’aller y voir un peu plus près.

Remarquons tout d’abord que le but affiché est très loin d’être atteint.

Mais il y a plus important : les femmes qui, actuellement, parviennent à s’imposer, doivent cette réussite (en dehors de leurs qualités professionnelles) au fait qu’elles ont réussi à imiter le comportement du mâle dominant. Par ailleurs, il est largement reconnu que les femmes sont souvent plus dures que les hommes en politique et en affaires. Comme le souligne Pierre Bourdieu dans La domination masculine [1], cela résulte du fait « qu’elles doivent payer leur élection par un effort constant pour satisfaire aux exigences supplémentaires qui leur sont à peu près toujours imposées ». Afin de demeurer crédibles, les femmes en position d’exercer un pouvoir sur les hommes sont donc condamnées à assumer en permanence la tension née de cet exercice, à fournir sans cesse de nouveaux gages à l’idéologie prédatrice qui nous gouverne. Il s’agit ici de rien de moins que du processus par lequel le dominé se soumet aux exigences du dominant, et la prétendue égalité n’est qu’une illusion. (Plus généralement, le même cheminement s’applique à l’ensemble des populations discriminées : classes sociales défavorisées, immigrés).

Dans ces conditions sommes-nous toujours aussi sûrs que l’accession des femmes à des postes de pouvoir soit un progrès pour la démocratie ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une victoire à la Pyrrhus, en réalité d’une extension de l’idéologie dominante à la fraction féminine de la population ?

La société solidaire, que nous appelons de nos vœux, privilégie l’émulation au détriment de la compétition, la solidarité au détriment de la lutte de tous contre tous, c’est-à-dire le respect vis-à-vis de l’ensemble du Vivant. Ces valeurs, qui sont au cœur de toute société réellement humaine, semblent, depuis l’aube des temps, avoir été plutôt l’apanage de nos compagnes, elles qui, chargées de donner la vie, en connaissent tout particulièrement le prix.

L’égalité véritable des sexes ne sera en vue que lorsque les femmes pourront s’épanouir dans la plénitude véritable de leur personnalité sans avoir à abdiquer leur être profond face aux stéréotypes dominants. Elles pourront ainsi, et ainsi seulement, exercer une influence déterminante vers l’instauration d’une démocratie rénovée.


[1éd. du Seuil / Liber p.100.