Pas de “grand soir” !
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Publication : février 2011
Mise en ligne : 16 mars 2011
Tout le monde le dit : le “grand soir”, ça n’existe pas. Il était donc impossible que puisse tomber, en un seul jour de 1989, le mur qui, pendant près de trente ans, avait coupé en deux le peuple allemand.
Pour la même raison, le monde entier a été stupéfié par la chute du dictateur tunisien Ben Ali : personne n’imaginait qu’une dictature qui sévissait depuis vingt trois ans puisse être vaincue, en moins d’un mois, par la volonté populaire.
Rien n’est définitif, bien sûr, et l’avenir dira si le peuple insurgé va parvenir à faire régner une vraie démocratie en Tunisie, et (qui sait ?) si d’autres peuples vont pouvoir, eux aussi, s’affranchir d’autres dictatures.
Il reste que la mobilisation des Tunisiens, et la sagesse des déclarations de beaucoup d’entre eux (enregistrées ça et là par des journalistes étonnés), peuvent être considérées comme exemplaires, et que leur joie en voyant la déroute inattendue de leur dictateur, a suscité beaucoup d’espoir.
Mais combien faudra-t-il encore de victimes pour que la raison et l’humanité l’emportent définitivement en ce monde ?
…En ce monde qui vit sous une autre sorte de dictature, celle de la finance. Une dictature qui exile, qui prive de liberté, qui condamne à vie sans jugement, qui ôte tout espoir d’émancipation, qui empoisonne et fait chaque jour des milliers de morts par malnutrition. Or cette dictature-là est insidieuse parce qu’elle n’est pas personnifiée ; pour s’en affranchir, il ne suffit donc pas de chasser un dictateur. Il faut d’abord démolir une idéologie, surmonter un bourrage de crânes savamment organisé.
Un exemple de pareille révolution culturelle semble avoir été donné par l’Islande, en 2008, bien que les médias se soient gardés de diffuser l’information : en découvrant la faillite bancaire, les Islandais sont descendus dans la rue, ont exigé et obtenu la nationalisation des banques, puis l’élection d’une Assemblée constituante.
Si le peuple tunisien vient d’étonner par sa détermination, c’est sans doute aussi parce que le pouvoir, peut-être par mégarde, n’y avait pas entravé le développement de l’éducation et de la culture populaires.
Alors, gare aux pays qui sont gouvernés par des gens qui s’appliquent à restreindre ces domaines, par exemple sous prétexte de … faire des économies !