Le “choc démographique”.


Publication : juin 1999
Mise en ligne : 3 décembre 2005

le faux alibi démographique

Le “ratio de dépendance démographique” compare le nombre de personnes dans la tranche d’âge 20-59 ans à celui des plus de 60 ans. En 1995 ce rapport [1] était de 2,69 (soit 2,69 personnes entre 20 et 59 ans pour une au-dessus de 60 ans). On estime qu’il va décroître, passant à 2,56 en 2005, à 2,08 en 2015 et 1,43 en 2040.

Tout le discours sur la nécessité d’introduire des “fonds de pension” repose sur l’utilisation de ce rapport pour parler de vieillissement probable, mais pour en conclure que sa division par deux, prévue d’ici 2040, signifie qu’un actif aura alors deux fois plus de retraités à sa charge.

Or c’est une imposture.

Parce que non seulement tous les 20-59 ans ne sont pas des actifs [2], mais les personnes à la charge des actifs ne sont pas seulement les retraités. Il y a aussi les jeunes et les 20-59 ans sans emploi. Pour bien poser le problème, il faut donc introduire et le nombre de jeunes à charge, lequel va sérieusement décroître, et le nombre de chômeurs, qui dépend de la productivité et de la production.

C’est le “ratio de dépendance économique” qu’il convient donc de prendre comme base parce qu’il mesure le rapport entre la population active et la population dite inactive qui est à sa charge (il compare ceux qui touchent un salaire et ceux qui n’en touchent pas). Il était égal [1] à 0,9 en 1995 (0,9 actif avait à charge, en moyenne, un non-actif).

Or, si on suppose que le chômage va rester stable à 12 %, ce ratio n’aura pas varié en 2005, puis il va légèrement baisser : 0,83 en 2015 et 0,69 en 2040.

la réponse :

1. le rôle du chômage

Mais avec une autre hypothèse sur le chômage, ce ratio de dépendance économique varie tout autrement ! Par exemple, si on fait l’hypothèse que le chômage va diminuer de 0,2 % par an, ce ratio, en dépit de l’évolution démographique, reste stable : il augmente1 un peu, à 0,94 en 2005, revient à 0,91 en 2015 et 0,82 en 2040.

Autrement dit le système actuel des retraites par répartition serait naturellement équilibré par une baisse du taux de chômage de 0,2 % par an. Et ce n’est pas l’instauration de la capitalisation qui ferait baisser ce taux, bien au contraire, nous le verrons plus loin.

Ce même ratio de dépendance économique permet aussi de voir qu’en 1998, un actif supportait en moyenne 0,43 retraité, 0,13 chômeur et 0,54 jeune.

Si le chômage reste au taux de 1998 (12 %), un actif, en 2040, supportera approximativement 0,80 retraité, 0,14 chômeur et 0,52 jeune.

Et si le chômage diminue de 0,2 % par an, cet actif supportera le même nombre d’inactifs qu’aujourd’hui, mais réparti en 0,72 retraité, 0,03 chômeur et 0,47 jeune.

2. le rôle de la productivité

Il ne faut tout de même pas “oublier” que la productivité horaire d’un salarié augmente. Entre 1970 et 1997, le taux de productivité (PIB par actif occupé) a augmenté [1] de 2,4 % par an. Si elle continue à varier à ce rythme, elle aura plus que doublé en 2040, ce qui signifie que la production d’un actif, à durée de travail égale, sera celle de plus de 2 salariés d’aujourd’hui et pourra donc prendre en charge au moins 2 fois plus d’inactifs.

3. le rôle de la production

Et la production ne cesse pas non plus de croître. Le PIB [3] par individu (donc en moyenne) a presque doublé en 27 ans !

En supposant que ce soit à un rythme annuel modéré, celui de 2,1 % constaté en 1995, elle aura doublé dès 2030. Exactement comme aura doublé alors le nombre des plus de 60 ans. Le vieillissement de la population ne signifie donc pas un appauvrissement économique.

et la capitalisation est
un pari risqué
pour M.“Baby Boom” :

L’arrivée prochaine à la retraite de la génération du “baby boom” (née après 1945) provoque un afflux de capitaux sur les Bourses du monde entier, car dans les pays qui ont un système de retraite par capitalisation, cette génération prépare sa retraite en achetant des actions, donc fait monter les cours. à partir de 2015 environ, elle va retirer progressivement son argent pour financer sa retraite, ce qui fera baisser les cours.

Or, rappelons qu’avec la retraite par capitalisation, la valeur des pensions dépend de la valeur des capitaux au moment de leur retrait. On voit donc que la retraite par capitalisation ne résiste pas mieux au choc démographique que la retraite par répartition.

Ceci, indépendamment des risques inhérents au fait de jouer son avenir en Bourse. On se rappelle que le système par répartition a été créé parce que le système de retraite par capitalisation s’est effondré à la suite du krach de 29 et la guerre [4].


[1Ces calculs sont basés sur les données de l’INSEE et du rapport Davanne remis au gouvernement Jospin. (sur le web : : INSEE.fr)

[2Le taux d’activité des plus de 49 ans en France est le plus faible des pays industrialisés. Il est passé, pour les hommes, de 51 % en 1975 à 34 % en 1997.

[3PIB = Produit intérieur brut somme des valeurs ajoutées des entreprises nationales. Il représente donc toute la valeur des productions d’un pays.

[4Que seraient devenues les retraites placées par leurs gestionnaires dans des actions Eurotunnel ?