Et nous ne sommes pas seuls !


par  J.-P. MON
Publication : juin 2017
Mise en ligne : 21 octobre 2017

En France, on n’a jamais autant parlé de revenu universel [1] que depuis le début de cette année. C’est évidemment parce que Benoît Hamon, candidat à la présidence de la République, (désigné démocratiquement lors des primaires du PS, puis torpillé peu après par ce même PS parce que trop à gauche …) en faisait figurer une version “allégée” dans son programme. Avec la fin de l’élection présidentielle et de la campagne pour les législatives, le soufflet est retombé.

Mais ce n’est pas le cas dans le reste du monde où le débat s’intensifie (voir notamment le dernier bulletin [2] de l’association internationale BIEN, Basic Income Earth Network, que nous avons contribué à fonder pour promouvoir un revenu de base inconditionnel).

Les débats chez nos proches voisins

• En Espagne, depuis plusieurs années, il ne se passe pas une semaine sans que la Revue Sinpermiso [3] en débatte, à partir des travaux pionniers d’enseignants de l’université de Barcelone, membres du réseau Renta Basica [4]. Des monographies [5] (en espagnol et en catalan) exposent en détail comment il est possible d’en assurer le financement. Pour les auteurs, l’instauration d’un revenu universel n’est en fait qu’une partie d’une grande réforme des impôts

• Au Royaume-Uni, un livre intitulé Basic Income : And How we Can Make it Happen (éd. Pelican books), a été présenté le 8 mai dernier en grande pompe à l’École Londonienne d’économie. Son auteur, qui a publié de nombreux autres ouvrages [6] , est l’économiste Guy Standing, Professeur d’économie à l’Université de Bath, membre fondateur de BIEN, qui a travaillé de 1975 à 2006 à l’Organisation Internationale du Travail où a introduit la notion d’indicateur de travail décent.

Pour Standing il faut dépasser le travaillisme car le plein emploi est une réponse aux crises du passé. « Avec le temps, on considérera la Troisième Voie (celle de Tony Blair et de Schröder) comme une des grandes erreurs de la social démocratie européenne ». Il montre que le revenu universel accroît la liberté parce qu’il donne la possibilité de refuser des emplois mal payés ou nuisibles.

Pour la revue européenne Voxeurop [7], une Europe sociale ne pourra exister que si un revenu de base est versé inconditionnellement par l’Union Européenne à tous les Européens (citoyens et résidents légaux) car ce serait un instrument politique qui protégerait et réconcilierait les citoyens avec l’idée européenne.

Le débat sur le revenu universel fait aussi l’objet de nombreux articles dans la revue Social Europe [8].

Un discours inattendu

• aux états-unis, le discours d’adieux que vient de faire aux diplômés de Harvard Mark Zucherberg, le PDG de Facebook, a dù surprendre plus d’un, non seulement par son humanisme, mais surtout par sa vision à proprement parler révolutionnaire  : il leur a proposé de créer un monde où chacun trouve sa raison d’être ! Au point que le quotidien Le Monde [9] en a publié de larges extraits sous le titre Mark Zuckerberg : « Ensemble, redéfinissons l’égalité des chances ».

J’en relève quelques passages  :

« Lorsque vos parents obtinrent leur diplôme, le travail, l’Église ou la communauté, donnaient du sens à leur vie. Mais aujourd’hui la technologie et l’automatisation suppriment de nombreux emplois. L’adhésion à des communautés est en déclin… Pour que notre société continue à aller de l’avant, nous avons à affronter un défi générationnel : il ne s’agit pas de créer de nouveaux emplois [10] mais de donner du sens à la vie. Il ne suffit pas d’avoir votre propre raison d’être. Vous devez créer une raison d’être pour les autres.

« Notre génération sera confrontée à la suppression de dizaines de millions d‘emplois remplacés par l’automatisation

« Le temps est venu d’identifier les engagements qui définiront notre génération. Par exemple, avant de mettre en péril notre planète, pourquoi ne pas lutter contre le changement climatique en incitant des millions de personnes à s’impliquer dans la fabrication et l’installation de panneaux solaires  ? « Aujourd’hui nous dépensons 50 fois plus pour traiter les personnes malades que pour chercher à prévenir la maladie. Cela n’a aucun sens. […] Faisons en sorte que tous les membres de notre société aient un rôle à jouer. […] Entreprendre de grands projets pertinents est la première chose que nous pouvons faire pour créer un monde où chacun a un but dans sa vie. La seconde est de redéfinir l’égalité des chances afin d’offrir à tous la possibilité d’atteindre ses objectifs. […] Mais aujourd’hui le niveau d’inégalité des richesses est tel qu’il touche chacun d’entre nous. […]. Chaque génération élargit la définition de l’égalité : les générations précédentes se sont battues pour le droit de vote et les droits civiques. Elles ont du créer le New Deal et la Great Society. C’est désormais notre tour de définir un nouveau contrat social [10] pour notre génération. Il nous faut une société qui ne mesure pas seulement les progrès à l’aide d’indicateurs tels que le PIB mais également d‘après le nombre d’entre nous qui trouvent du sens à ce qu’ils font. Nous devons explorer les idées comme le revenu universel afin de donner à chacun une sécurité permettant d’essayer de nouvelles choses [10]. »

Il est à noter qu’un tel discours aux étudiants n’a pas empêché qu’il soit fait docteur Honoris Causa de l’Université de Harward.


[1Voir les diverses définitions et les différences dans GR 1097, avril 2009.

[2BIEN Newsflah, bien@basicincome.org, juin 17.

[3www.sinpermiso revista.

[6La corruption du capitalisme, éd. BiteBack, 2016, et, sans doute le plus connu  : Le Précariat : la nouvelle classe dangereuse, éd. Bloomsbury, 2011.

[9daté 28/29 mai 2017

[10c’est moi qui souligne