La politique du déficit budgétaire
Publication : juillet 2004
Mise en ligne : 17 janvier 2006
Dans les Actes de la recherche en sciences sociales (n°146-147), on pouvait lire sous la plume de S. Guex cette analyse de la stratégie des gouvernements Raffarin :
Ce que les médias ne vous expliquent pas, c’est que la politique de caisses vides du gouvernement est une politique libérale. La pénurie des ressources est organisée dans le but de démanteler les services publics et les mécanismes de la redistribution. L’attaque sur les retraites n’a été que la première composante d’une stratégie d’ensemble pour démanteler tout l’édifice de la protection sociale. Celle sur la santé et la sécurité sociale en constitue la deuxième étape.
En fait, c’est tout le modèle social mis en place par nos parents et grands parents dans l’après-guerre qui est menacé.
Le lamento sur les déficits publics ne tient pas, c’est une stratégie mûrement réfléchie : « Si vous ne connaissez pas une véritable crise, inventez-la ! », disait la ministre des Finances de Nouvelle-Zélande en 1997. Les gouvernants d’aujourd’hui veulent nous faire croire que la crise économique ne tient que de la contrainte extérieure (mondialisation, Europe...).
Certes la croissance mondiale s’est ralentie, mais le gouvernement Raffarin use sciemment de cette donne pour limiter ou diminuer les recettes de l’État en diminuant les impôts, et de préférence les tranches supérieures. L’objectif est de creuser les déficits budgétaires. Et ce gouvernement y a réussi très rapidement...
En imposant ainsi une contrainte financière forte, le gouvernement n’a d’autre objectif que de créer un climat d’austérité et de rendre légitime la contre-réforme sociale. Les milieux dirigeants ne se sont en effet jamais remis de la montée des droits sociaux qui les empêchent d’avoir la totale maîtrise de l’affectation des finances publiques.
Les libéraux ne s’en cachent d’ailleurs pas : dès 1984, dans “La Solution Libérale”, Guy Sorman écrivait : « le déficit engendré par la baisse des impôts apparaît comme un formidable moyen de pression pour contraindre l’État à rétrécir. Il n’y a en vérité aucun autre moyen de pression ».
La crise financière de l’État ainsi organisée permet de créer les conditions d’un transfert d’une fraction du poids de l’imposition reposant sur les détenteurs de capitaux vers une grande majorité de salariés, mais de plus, en lestant les États de lourdes dettes, cette stratégie accroît leur degré de dépendance politique vis-à-vis des marchés financiers.