J’ai fait un rêve
par
Mise en ligne : 4 juin 2006
Il y aurait plus de mille raisons d’être pessimiste. Etre optimiste, ça suppose de réfléchir : espérer quoi ? Pour qui ?
Pourtant, jusqu’ici, chez nous, tout va bien.
La télévision le dit.
Si elle nous parle de malheur, c’est de celui des autres, de l’Asie, de l’Afrique.
Mais ici, tout va bien.
Enfin presque, on a juste un peu peur..
Alors, j’ai hésité entre : dire l’utopie comme rempart à la médiocrité, ou écrire une lettre ouverte aux briseurs de rêves, à tous ces maîtres autoproclamés de l’univers, à cette infime minorité qui joue avec l’argent, la terre, les ressources, la santé et l’identité des autres.
Et puis j’ai fait un rêve.
J’ai rêvé que la confiscation des biens, des ressources et des brevets ne m’empêchait plus de dormir. Que les élus de la République payaient de leur poche la dette de l’État, hébergeaient les sans-abri, travaillaient bénévolement dans une ONG.
Que les patrons pollueurs étaient condamnés à des travaux d’intérêt général de deux cents ans.
J’ai rêvé que mon mouvement était utile à la société civile.
Si, comme le dit Francis Bacon, « l’espoir est un bon déjeuner mais un mauvais dîner », il est temps que le monde change.
Le spectacle bouscule, dérange, provoque, il crée de nouveaux espaces. Il invite aux audaces de l’utopie, suggère l’impertinence, encourage la subversion et annonce les signes tangibles deschangements à venir.
Enfin, je l’espère.
Farid Berki,
Chorégraphe, directeur de la compagnie Melting Spot à Roubaix
(Le Monde 2, 14 janvier 2oo6, reproduit avec l’accord de l’auteur).