Rayonnement de la France !
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Publication : avril 2005
Mise en ligne : 4 novembre 2006
Au vu des projets gouvernementaux pour la réforme de l’enseignement, je venais de faire part de mon pessimisme à un ancien universitaire québécois, lui écrivant dans un e-mail : « En France on va donner une éducation de plus en plus basique. »
Voici ce qu’il m’a répondu par retour : « Il en va de même de la présence de la France en Thaïlande. Le nouvel ambassadeur vient de définir le nouveau projet linguistique : on y laisse tomber toute aide et subvention aux profs et recherches de français, pour mettre l’accent sur le repérage des esprits de pointe en science, à qui l’on donnera des bourses pour aller se parfaire en France, donc pour apprendre là le français... mais la littérature et la culture françaises, c’est fini ! La semaine dernière, j’ai remarqué que l’Alliance française n’affichait plus qu’en anglais sur tous ses afficheurs, y compris pour annoncer les cours de français... Ouf ! j’ai changé d’intérêt à temps en me fixant au Siam ! J’ai failli aller prendre ma retraite en France, mais j’y aurais été très malheureux de voir la France se courber devant les impératifs du monde actuel, c’est-à-dire américain... J’en ai pris mon parti, après avoir passé la plus grande partie de ma vie à me battre pour la francophonie... »
Que reste-t-il aujourd’hui de la fière politique "gaullienne" ? J’avais assisté, autrefois, devant un jury où siégeait le Président Pierre Truche, à une brillante soutenance de thèse par un procureur thaïlandais qui avait étudié pendant plusieurs années les spécificités de notre droit pénal. C’était dans la perspective d’introduire en Thaïlande une réforme de la procédure s’inspirant du modèle français. Depuis que notre propre Garde des Sceaux a jugé bon de s’aligner sur le droit anglo-saxon, il doit avoir bonne mine !
Lorsqu’en 2003 la Chine choisit Siemens et son train à sustentation magnétique pour la liaison entre Shanghai et l’aéroport de Pudong (33 km en 7 minutes), j’enrageai en pensant au regretté Jean Bertin, inventeur de l’aérotrain, un matériel similaire à sustentation sur coussin d’air qui, une trentaine d’années plus tôt, devait assurer la desserte La Défense-Cergy avec déjà d’intéressantes performances (23 km en 10 minutes). Cela eût sans doute permis de distancer Siemens et c’eût été également une intéressante expérience d’un nouveau mode de transport pour la région parisienne. Le protocole d’accord concernant ce projet avait été signé peu après le décès de Georges Pompidou, pendant l’intérim d’Alain Poher ; mais, ce qui était un regrettable changement de cap par rapport à la politique gaullienne, il avait été, de façon inexplicable, dénoncé deux mois plus tard sous la nouvelle présidence de Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac étant alors Premier ministre. Car le soutien à la recherche et à l’innovation, notamment au travers de sociétés telles que la société Bertin, cela avait fait partie de la politique du général de Gaulle, comme la création de la Sécurité Sociale, comme la nationalisation de certaines activités vitales pour la France et bien d’autres choses encore. Il y a là de quoi parfois étonner ceux qui ne connaissent que les "gaullistes" d’aujourd’hui.
Que reste-t-il en effet de cette politique, hormis certains propos de circonstance tenus par Jacques Chirac ? — Dans La France pour tous [1], qui était son programme de 1994, mais qui reste peut-être encore valable puisqu’il n’a toujours pas été réalisé, on trouvait, certes, encore quelques accents "gaulliens" : « Ni les opérateurs des grandes bourses mondiales, ni les technocrates de la Commission européenne ne doivent régenter notre destin. [...] Cessons de valoriser ceux qui trichent avec succès, volent l’Etat, s’enrichissent sans profit pour l’économie. [...] La logique qui prévaut depuis dix ans est conservatrice. Le refus de cette logique est au coeur de ma motivation. [...] Posons en principe que le progrès social et le bien-être de tous sont les seuls critères d’une réussite politique. Il n’est pas fatal que le travail soit taxé plus que le capital, que le coût de la protection sociale repose essentiellement sur des salaires qui stagnent. [...] Il faut, dès l’élection du nouveau Président de la République, qu’une campagne nationale d’insertion débouche rapidement sur la définition d’un droit nouveau : le droit à l’activité. [...] L’urgence, enfin, c’est la possibilité pour chacun d’être logé décemment... une telle politique libérera des logements sociaux pour les plus démunis... Maire d’une grande ville, je connais trop leur détresse pour n’être pas résolu à agir vite. [...] Les problèmes de l’emploi qui les obsèdent [les jeunes] ne sont pas insolubles. Le règne de l’argent, qui les écoeure, n’est pas inéluctable. » Mais il est curieux d’y découvrir parfois des pensées "préraffarinesques" comme celle-ci : « Bientôt les bébés éprouvettes emprunteront les autoroutes de l’information ! » ou encore : « Mobilité et stabilité ne sont pas antinomiques : un cycliste n’est stable sur sa bicyclette qu’en avançant ».
En tout cas il a bien su appliquer le judicieux précepte selon lequel « on doit moins demander au contribuable et davantage à l’impôt » puisque, selon les déclarations de son gouvernement, alors que les contribuables auraient été moins mis à contribution, les recettes fiscales ont dépassé les prévisions de plusieurs milliards.
[1] NIL éditions