Dieu promu flic par Nicolas Sarkozy


par  P. VINCENT
Publication : décembre 2004
Mise en ligne : 4 novembre 2006

Étant donné qu’il était impossible de mettre un flic derrière tous les Français, y compris derrière chaque flic (comme les peintres à la queue leu leu des anciennes affiches Ripolin), Nicolas Sarkozy a eu l’intuition géniale qu’il fallait plutôt en mettre un à l’intérieur de chacun d’entre nous. Et ce flic, ce sera Dieu.

De son expérience conjointe de Ministre de l’Intérieur et de Ministre des Cultes, il semble être ressorti persuadé de la divine efficacité d’Allah et de la supériorité des imams pour pacifier les banlieues. Pas gentil pour son ancien personnel. À quoi ça sert que la police elle se décarcasse ?

Mais, à l’opposé des dieux de l’Antiquité ou du pluralisme des religions animistes, le Dieu unique moderne supporte mal la concurrence et, en l’absence d’un régulateur de vitesse qui soit fiable, il fabrique des kamikases aussi bien que des moutons.

De mon éducation familiale catholique j’ai conservé des principes évangéliques qui n’ont pas été contredits par les leçons de morale de mes instituteurs laïques, que je retrouve encore aujourd’hui dans un environnement bouddhiste ou chez mes voisins musulmans, et que pratiquent, au moins, aussi bien beaucoup de gens que je connais qui étaient ou sont devenus athées, sinon anticléricaux.

Certes, je vois parfois quelques attitudes de croyants qui semblent aller dans le sens des attentes de Nicolas Sarkozy, comme celle de ce célèbre général qui prit la précaution de confesser à temps ses fautes par peur de tomber pour l’éternité dans le chaudron du grand tortionnaire en chef. Ou celle de cet ex- PDG estimant de son devoir de chrétien de restituer une partie de ses indemnités de départ, nombre des employés ou actionnaires de la Société dans laquelle il avait fâcheusement exercé ses talents ayant été beaucoup moins bien gâtés que lui.

Mais je crains que les religions ne nous serinent trop volontiers des prières du genre de celle qu’avait encadrée au-dessus de son bureau l’un de mes anciens patrons :

LA PRIÈRE DU SALARIÉ

Seigneur, garde-moi mon Patron.

Sans lui, je ne suis rien... rien qu’un chômeur.

Éloigne de lui la tentation de fermer l’usine, de retirer ses capitaux, celle de se reposer loin des soucis des syndicats, des juges iniques et des fonctionnaires trop zélés pour être purs.

Donne-lui la force d’affronter les difficultés des échéances, la cupidité des banquiers et des prêteurs alors qu’il risque de tout perdre.

Qu’il ait le courage de ses opinions, de lutter contre les laxistes de tous bords.

Veille sur sa santé : écarte de lui l’infarctus qui le guette et l’apoplexie de sa sainte colère.

Rends-lui le sommeil du juste dans ce monde d’injustice où la prison l’attend.

Terrasse ses ennemis qui l’empêchent de travailler et d’être efficace.

On ne peut donc exclure qu’une utilisation abusive de la religion ressuscite l’idée qu’elle est « l’opium du peuple », et que les trop bonnes dispositions de Nicolas Sarkozy à son égard produisent l’effet contraire de celui escompté.