Si on revenait au crédit ?
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Publication : avril 2004
Mise en ligne : 8 novembre 2006
Notre problème de constitution c’est la difficile mesure de fédéralisme optimal selon les différents ministères. Depuis 1957 la république franco-faune imbécile n’enseigne les langues de travail qu’aux jeunes gens motivés, et “à l’ancienne”, c’est à dire sur l’écrit et trop tard, ce qui a bloqué la majorité des enfants et maintient l’hexagone dans un jus d’arrogance comique pour nos voisins. Mais cela constitue un handicap pour l’Union toute entière.
L’unification étroite semble réussie pour la sécurité-interpol et les transports à grand flux. Elle devrait être renforcée pour l’environnement et les ressources maritimes, l’éducation secondaire, les échanges d’étudiants et la décision cohérente des moyens marchés. Ce qu’on a su faire pour les projets fabuleux comme l’Espace, le TGV et les Airbus prouve que la qualité à moindre coût devrait être encore plus accessible pour les produits courants : transports individuels, énergies renouvelables, agriculture biologique et même innovations en textiles, électroménager etc.
Par contre l’enseignement supérieur et la recherche ont déjà des contacts et des coopérations étroites : c’est surtout leur utilisation qui pèche en France, par le splendide isolement des techno-scientistes “durs” hérité du napoléonisme des grandes écoles, et par l’avarice des entreprises et de l’État, gestionnaires à la remorque des banques. Cette perte de cohérence profite de plus en plus aux grands instituts étrangers qui drainent nos meilleurs individus.
Le drame est pour les disciplines d’avenir, ressources sociales et surtout santé, où les climats, conditions locales et traditions devraient guider la logistique, donc réserver la gestion à l’échelle nationale. Et l’absurdité éclate dans l’impossible mise en service des meilleurs et plus modernes outils de diagnostic et de guérison au nom d’une soi-disant impossibilité budgétaire ! Qui ne voit que tout progrès vraiment utile du soin et des traitements accroit le crédit de la nation, indépendamment des investissements ? Il ne s’agit plus de rembourser un bénéfice, mais de calculer les temps d’amortissement et les contraintes associées en locaux et surtout en personnels, et c’est de la comptabilité élémentaire : le budgetteur n’est pas compétent pour bloquer l’innovation !
C’est sur de tels exemples qu’on mesure l’ineptie du jeu d’argent opéré par les orthodoxes du milieu du XXème siècle : c’est seulement pour l’énergie que l’ère des stagnations et des pénuries reviendra si nous n’apprenons pas à puiser l’énergie solaire dans l’environnement planétaire. Et pour apprendre cette récolte-là, c’est de recherches fondamentales et appliquées qu’on a besoin, pas de techniques bancaires “au flair” du profit maximum instantané.… On a besoin de recherche-création. Cette création expose forcément à un risque, que l’inventeur n’a le droit de prendre qu’aux conditions de ses pairs, sous forme d’autorisation de crédit, bien connue dans tout service technique. Alors le problème de nos économies post-industrielles n’est plus de produire à tout va, mais au mieux des besoins exprimés dans les conditions bien définies. Heureusement les instituts de statistique économiques savent maintenant chiffrer la consommation par secteurs, ce qui permet au producteur de connaître en temps très légèrement différé la fluctuation de la demande, donc d’informer le créateur.
Il reste un sérieux problème humain, celui de l’emploi-formation-salaire.
Les sociétés industrielles ont dépassé le seuil de plein emploi dans le milieu du XXème siècle. Ce n’est pas une malédiction ! Bien sûr, les moralisateurs du XIXème siècle bigot firent mitrailler les ouvriers pour éviter de répondre à la question du droit à l’exploitation du pauvre par le capitaliste, et il a fallu J. Stuart Mill et K. Marx pour humaniser les morales “protestantes” de pouvoir déchristianisé. Mais à partir de la croissance technique, on aurait dû réviser pratiquement le système de crédit. Jacques Duboin avait pointé ces faits majeurs bien avant la grande crise de 1929, et en avait déduit l’urgence de découpler le droit à l’existence d’un obligatoire service salarié. Ce sont les guerres et la concurrence insensée des entreprises privées qui ont dévoyé entièrement le système bancaire. Celui-ci devenait l’arbitre des profiteurs au maximum d’extorsion, et le garant de l’accession au pouvoir par les politiciens. Le résultat est une destitution du peuple, où la lutte pour un salaire remplace la recherche d’un travail choisi.
Outre-Atlantique le scénario de domination mondialisé correspond au discours des nouveaux riches, bardés du modèle pré-industriel simplifié d’A. Smith et Ricardo (au fond marxiste) ; ils ont vaincu les littéraires et les syndicalistes “conscientisés” par la propagande de Moscou. Il était normal que l’attitude des banques d’émission reste figée à la tradition des économistes de la pénurie et de la stagnation, en réalité infirmées par le Darwinisme, par le syndicalisme ouvrier britannique et par la doctrine papale de Léon XIII en 1885 ! La boucherie de 1914-18, les échecs de l’étalon-or et les crises ont permis aux adeptes du vieux système de nier l’évidence. On détourna ainsi le message des distributistes Douglas et Duboin. Leur solution, très simple : « puisque la société éconornique peut produire ce dont le peuple a besoin, on doit honorer ce crédit, et distribuer à tous les citoyens vivants le dividende universel correspondant », n’est cependant pas d’une application évidente à cause de l’imbroglio bancaire.
Il faut revenir ici aux fondamentaux historiques pour percevoir la notion de valeur économique. Si je fabrique un produit intelligent et utile, mais que personne ne peut ou ne veut l’acheter, il ne sert qu’à moi, et sa valeur n’est pas définie. La valeur n’existe qu’ à l’instant où quelqu’un décide d’échanger le bien ou le service sur le marché (et si ce produit n’est pas concurrentiel, il n’a pas d’intérêt !).
La difficulté suivante (sur laquelle les distributistes semblent achopper jusqu’à présent) c’est l’existence de deux sortes de productions, celles de manufacture ou de consommation marchande, et celles des actes de civilisation, qu’on n’apprécie pas sur le marché (sauf les accros de monopoles-AGCS). Mais la gratuité des services de santé et d’éducation n’a pas toujours été admise, c’est l’ère de l’État-providence qui a fait ce cadeau à tous et à chacun.
Conséquence : il faut redresser la carence en amont de la création de valeur-finance, en ne confiant l’émission de crédit qu’à l’instance d’évaluation et de prévision pertinente, et appropriée à la seule échelle d’échanges pratique, c’est à dire l’État.
Mais au-delà de ces raisons pratiques, on sent bien que sous cet angle le crédit national implique l’héritage, les expériences et les énergies propres à chaque société, ce qui permet d’espérer des performances différentes dans chacune d’elles (avec le concert mondial des nations comme lieu d’échanges et de don).
On voit ici que la circulation monétaire peut redevenir le reflet de celle des biens produits et consommés. Le corollaire logique c’est qu’on doit détruire les signes monétaires au moment de la consommation, au lieu de les laisser rouler vers d’autres circuits, ce qui alimente normalement l’inflation. Le “truc” bancaire des périodes de croissance, c’est que cette monnaie d’inflation peut être équilibrée par le taux d’intérêt qui en principe rémunère les services bancaires (conservation, comptabilité, disponibilités multiformes, investissements).
Mais le pire, c’est la prétention du prêteur à mettre en dette l’État pour les services publics non-marchands comme l’éducation. La réalité sur ce bilan n’apparaît pas aux “pragmatistes” de l’avoir, du monde des frontières américaines magiquement sauvé de la “barbarie” (peau-rouge) par l’arrivée des premières banques. Dans une population de survivants-pionniers, la banque d’Amérique a permis de régulariser l’explosion des échanges autour de la formidable richesse du nouveau continent. Les subtilités éthiques n’étaient pas supportables dans la prédation générale encouragée par les politiques.