A l’attention de M. Arnaud Montebourg


par  P. VINCENT
Publication : juillet 2003
Mise en ligne : 15 novembre 2006

Le 15 juin 2003 ,

Cher Monsieur,

Je m’adresse a vous parce que vous êtes un des rares politiques dits “de gauche” qui ne soit pas totalement démoralisant. Vous venez même d’écrire dans Le Monde certaines choses intéressantes, mais vous semblez vous aussi vous laisser contaminer par l’argument “de bon sens” suivant lequel, en compensation de ce qu’on vit plus vieux, il faudrait nécessairement accepter des sacrifices, comme de travailler plus longtemps. Cela me laisse aussi pantois qu’une certaine campagne de sécurité auprès des motards : “Deux roues, deux fois plus de raisons d’être prudent”, hélas trop tardive pour faire rigoler Coluche ou lui éviter son accident mortel. Ce sont des génies de la même espèce qui concoctent les campagnes publicitaires et les argumentaires politiques des gens “de bon sens”.

Je ferai au départ un constat encore plus démoralisant que celui de la droite au sujet des retraites, c’est que s’il y a un retraité pour deux actifs, d’abord beaucoup de ces actifs ne sont pas des productifs, et que d’autre part les retraités représentent seulement le tiers des inactifs. Mais le problème est de savoir si l’on manque de travailleurs ou si l’on manque de travail. Comme de retarder les départs en retraite risque d’avoir pour effet de freiner l’embauche des jeunes et d’accroître le chômage, je ne suis pas sûr de l’intérêt d’une telle opération. Ancien cadre ingénieur ayant résisté aux licenciements jusqu’à l’âge de 67 ans, je ne suis pourtant pas vis à-vis de la retraite un fanatique sectaire.

Il y a un autre sujet sur lequel Raffarin nous a bien roulés dans la farine, c’est celui des nouveaux tarifs postaux. Il ne nous a annoncé que la hausse de l’affranchissement à 46 centimes, arrondi à 50, une hausse relativement minime (9%) à laquelle vous avez acquiescé, œ que je ne vous reproche pas. Mais il est dommage que vous n’ayez pas remarqué et critiqué le fait que les autres affranchissements avaient subi des hausses allant jusqu’à 44%.

Certes vous n’avez pas laissé Jean-Pierre Raffarin vous donner des leçons de patriotisme, mais vous ne lui avez pas non plus fait remarquer qu’il pourrait en donner à ses amis du Medef, tel le baron Seillière, homme de paille de la Swissair dans une opération montée contre Air France, ou ces autres patrons qui délocalisent leurs fabrications dans des pays esclavagistes et leurs sièges sociaux dans des paradis fiscaux. Il faudrait un jour proclamer que le corollaire au libéralisme sauvage, c’est que si l’on n’a que sa peau à sauver, on a tout autant le droit de la délocaliser dans un pays neutre et de refuser de se battre pour ces gens-là. Je récuse le devoir de patriotisme dans un système qui prône par ailleurs le “chacun pour soi”.

Allons “la gauche”, encore un petit effort !

Recevez, cher Monsieur, mes meilleures salutations.