Les mots cachent les maux
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Publication : mars 2003
Mise en ligne : 19 novembre 2006
Utopique l’économie distributive ? Utopique de vouloir supprimer la misère plutôt que d’éliminer les pauvres ? NON, non et non !
Je pense que si nous acceptons d’être qualifiés de “gentils” utopistes, c’est que nous sommes victimes de la propagande de “méchants” utopistes qui ne voient dans le travail qu’un outil de profit. Ce sont eux les utopistes de penser que cela peut durer sans réaction ou sans violence. Il y a du bon sens dans la réflexion d’un “jeune de banlieue” disant qu’entre travailler ou se faire de l’argent, il faut choisir. Nous ne sommes plus à l’époque où la croyance dominante était que Dieu avait créé les pauvres et les riches, où l’on pendait en Angleterre un “chômeur” qui refusait de travailler, où l’on gagnait son pain à la sueur de son front et où il était politiquement correct de parler de “salauds de pauvres”. Notre nouveau Dieu c’est le marché, qui aboutirait, dit-on, au bien collectif en s’appuyant sur les égoïsmes individuels. Et pour faire avaler cette utopie, il en faut de la propagande !… et un bataillon de dames patronnesses laïques pour excuser les excès du libéralisme quand au cœur d’un pays riche, le mien, la France, on jette les vieux travailleurs à la poubelle. On nous explique froidement que dans dix ans, un retraité sur trois aura une pension équivalente au seuil de pauvreté et je parie que la propagande va réussir à faire passer ça. Voici dans l’actualité des médias deux exemples de cette force de propagande pour nous faire accepter l’exploitation de la misère :
• Infos du JT du 10 janvier : « Irak : Saddam ne peut pas prouver que n’existe pas ce que les inspecteurs ne trouvent pas ». C’est forcément impossible, mais cela permet aux Américains d’attaquer massivement quand ils le voudront. « Venezuela : Chavez a le culot de vouloir gouverner ». Alors qu’il a été élu pour ça ! « Marée noire : plus jamais ça ». Une fois de plus, mais cependant les travaux de dépollution vont faire augmenter le PIB grâce aux dépenses engagées. « Afrique, 14 millions de morts annoncés ». À votre bon cœur. On discute scientifiquement le chiffre, mais pas question de supprimer les subventions aux industriels agricoles occidentaux qui ruinent les paysans des pays en voie de développement et nous empoisonnent. « EDF, les salariés et retraités ne veulent pas qu’on touche à leurs retraites ». Cela sera plus dur à privatiser avec ce boulet !
• Le Diplo est beaucoup plus subtil et je l’aime bien : il donne des informations et Halimi y explique bien comment la presse (les autres journaux) manipule l’opinion mais pas question qu’il regarde le travail autrement ou qu’il s’ouvre aux idées d’économie distributive. Dans le numéro de janvier, bel article sur les retraites : Travailler plus, toucher moins, marché de dupes pour les retraites. J’en cite un passage : « En 1970, 72,8% des richesses créées dans l’entreprise servaient à financer les dépenses salariales ; en 2000, seules 66,2% d’entre elles y sont consacrées. Un partage de valeur ajoutée plus favorable à l’emploi et aux salaires n’aurait rien d’incongru. » Si je sais lire : l’entreprise crée des richesses et elle les partage avec ses salariés, mais en leur en donnant moins. C’est vraiment la vision religieuse de l’entreprise. Si nous l’avalons, nous accepterons de nous serrer la ceinture et remercierons ces bons entrepreneurs qui nous permettent de survivre et la bonne dame patronnesse du Diplo qui fait comprendre au patron que ce ne serait pas incongru de faire un petit geste pour ses salariés. Pour moi, le seul but de l’entreprise est de faire du profit, et pour ce faire, elle utilise le travail, donc avec les mêmes chiffres je dirai : « En 1970 l’entreprise tirait 27,2% de profit du travail de ses salariés, en 2000 elle en tire 33,8%. En quoi serait-ce utopique de mieux répartir cette plus-value ? »