Bonne année !?
par
Publication : janvier 2003
Mise en ligne : 23 novembre 2006
En cette période de vœux, je cherchais les termes les plus agéables pour exprimer les souhaits de notre équipe de rédaction à ses lecteurs, quand j’ai été distraite dans mes élans par un bulletin d’informations. Or les nouvelles que diffusait la radio n’avaient vraiment rien d’enthousiasmant. De l’étranger fut rapportée l’opiniâtreté de ceux qui veulent une guerre encore plus violente que les précédentes, mais engagent des milliards pour un bouclier anti-missiles afin qu’eux, ils soient protégés. Je me mis alors à penser à l’arsenal dont disposent ces grandes puissances : fusées nucléaires et missiles pour les envoyer partout dans le monde, armes chimiques et biologiques mises au point dans des laboratoires modernement équipés mais qu’aucun inspecteur de l’ONU ne peut visiter, mines anti-personnels qu’ils refusent de mettre hors-la-loi, tous ces engins de destruction massive et ces drôles de drônes pour les envoyer sans risque pour eux, où bon leur semble… C’est à ce moment que le bulletin signala que de moins grandes puissances sont soupçonnées d’avoir aussi des armes de destruction massive… C’est effrayant, mais est-ce différent ?
Aucune allusion ne fut faite sur la misère imposée par le FMI en Argentine, car le bulletin passa ensuite à la politique intérieure.
Il s’agît d’abord des morts sur les routes de France, dues surtout à la vitesse et à l’alcoolisme ; après de nombreux exemples d’accidents récents, le journaliste apporta de l’optimisme en annonçant comme une bonne nouvelle la croissance des ventes de voitures françaises ultra performantes, puis une mesure prise d’urgence : le rétablissement des droits des bouilleurs de cru…
Puis fut largement commentée la fusion de deux grandes banques, présentée comme une réussite qui va permettre beaucoup d’économies. Pas de licenciements, seulement quelques milliers de suppressions d’emplois. Suivit alors le refrain sur les retraites, avec évocation, mais discrète pour une fois, des intolérables avantages de ces “privilégiés” que sont les fonctionnaires. Je me demandai si quelqu’un avait osé dire que c’est leur situation qu’il faut généraliser au lieu de la leur reprocher, quand j’ai compris que le problème allait bientôt être résolu par leur disparition : après EDF et GDF, c’est Air France qui va en être débarrassé.
Entendre ces rengaines d’une politique qui prépare au pire me désespérait et je baissais les épaules. Quand une nouvelle brève, glissée entre deux autres, me fit encore sursauter. Cette nouvelle fut présentée comme marginale entre d’autres bien plus importantes : le Parlement décide de supprimer l’assurance-maladie universelle pour les sans-papiers. C’est tout. Mais cela m’a fait bondir. Comme avant-hier en entendant, toujours entre deux informations jugées plus intéressantes donc plus détaillées, l’annonce de l’abandon de certaines garanties sociales, celles que le Médef avait dù accepter naguère, après de longues palabres et avec des compensations. Comme hier en entendant qu’il fallait faire payer un peu plus les chômeurs aidés. Cela m’a rappelé Margaret Thatcher disant que c’est aux pauvres qu’il faut prendre, plutôt qu’aux riches, parce qu’ils sont plus nombreux…
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J’en conclus que ce qu’il faut souhaiter, avec plus d’urgence que jamais, c’est une prise de conscience des citoyens, car sans elle, pas d’espoir.
Lecteurs, vous êtes sûrement nombreux à être fatigués par un travail stressant, par des rivalités qui, vous poussant toujours à courir, vous privent du temps de penser. Vous avez tant de soucis personnels que vous aspirez à profiter des fêtes pour vous replier sur vous-mêmes et vos proches, sans voir que tout est fait pour vous distraire des problèmes et pour que vous vous sentiez impuissants à y changer quoi que ce soit. C’est ainsi que vous êtes amenés à prendre pour des rêveurs ceux qui veulent faire changer le monde dans le bon sens. Alors qu’en refusant de suivre comme les moutons de Panurge, nous nous efforçons de voir clair. Mais il faut être nombreux pour que l’opinion, maintenue inerte, soit capable d’évoluer.
Ce que nous nous souhaitons à tous, c’est d’arriver à regarder plus loin que l’immédiat, que cet horizon bouché, pour chercher à comprendre sous quelles influences notre société évolue et comment notre monde si riche, à tout point de vue, a pu s’enfoncer dans une voie aussi destructrice.
Nous souhaitons que vous soyez de plus en plus nombreux à vouloir rendre possible un autre monde, à comprendre qu’une autre logique que celle du chacun pour soi est souhaitable, et pour tous.
C’est d’entreprendre de la définir ensemble, et pour construire ensemble.