L’enseignement a bon dos !


par  M.-L. DUBOIN
Publication : décembre 1978
Mise en ligne : 9 septembre 2008

LA photo reproduite ci-dessus, en couverture, est celle d’un portique élévateur pneumatique sur rail. Quatre élévateurs semblables à celui-ci et trois autres flottants ont été récemment mis en service à Rotterdam. Chacun de ces élévateurs a un débit d’environ 1 000 tonnes à l’heure. Ainsi pour décharger une cargaison de 40 000 tonnes de céréales, prise à titre d’exemple, il faut, d’après la revue «  Industrie et Technique », seize heures de travail, à raison de DEUX ouvriers par élévateur. Pour imaginer ce que cela représente, sachez qu’une telle cargaison, transportée en wagons, formerait un train de 20 kilomètres de long !
Et on s’étonne qu’il y ait croissance du chômage ?
Celui-ci a atteint son record : 1 300 000 chômeurs recensés en France, près de 17 millions pour l’ensemble de la zone O.C.D.E. La plus forte croissance est enregistrée au Canada, en Finlande, en Espagne et en Italie. Et même les pays comme le Japon, la Suède et la Norvège dont le taux est faible, ont vu ce taux augmenter ces dernières années. Il y a donc bien lieu de reconnaître qu’il ne s’agit pas, pour la France, en particulier, d’un accident que notre barreur saura vite réparer grâce à notre courage et à notre abnégation, mais bien, comme nous ne cessons de l’annoncer, d’un chômage structurel. Il résulte de l’évolution des moyens de production et il touche tout le secteur de l’entretien de la vie matérielle (1) . Les moyens modernes permettent d’assurer cette vie, à condition de s’organiser pour utiliser au maximum les machines et leurs automatismes les plus récents, ce qui implique un autre système de gestion des biens.
Les moyens le permettent, mais les hommes s’opposent, consciemment ou non, à cette possibilité. D’abord parce que beaucoup d’entre eux sont incapables de revenir sur une idée bien enracinée qui fit d’eux des esclaves : « honte à celui qui ne travaille pas »... (sauf s’il a hérité d’un capital bien géré par d’autres !). Ensuite parce que, remettre en cause le principe que tout salaire nécessite sa peine, oblige à remettre aussi en question la règle du jeu capitaliste : distribuer une monnaie gagée sur la production et destinée à permettre à tous d’en profiter dès lors qu’elle existe, c’est enlever à l’argent son rôle sacré. IMPOSSIBLE !
Pourtant, comme il est beau le rôle qu’a joué dans ce système la loi si âprement défendue du marché : P.-N. Armand nous révèle, références à l’appui, le commerce de cadavres de bébés (2) ;
H. de Joyeuse a constaté que des menaces de mort sont proférées envers quiconque oserait pénétrer, sauf pour acheter, dans un parc de voitures d’occasion (3) ; R. Roche a vu des communistes convaincus oublier tout idéal dès lors qu’ils ont eu accès à une « classe supérieure » de capitalistes (4) . Marcel Dubois analyse parfaitement (5) cette dégradation de la personne humaine dont le mercantilisme de notre société est responsable. On pourrait indéfiniment en donner d’autres exemples : je lisais récemment un article de la revue de la Société Française d’économie rurale dans laquelle F. Clerc analysait les conséquences possibles de l’entrée de trois pays méditerranéens dans le Marché Commun. Pas une fois n’apparaît l’ombre d’un souci de progrès pour le consommateur. La pire des craintes est une baisse des prix de certains produits. On pourrait pourtant espérer qu’au XXe siècle, l’Europe soit capable de se concerter pour mieux organiser sa production ; qu’elle planifie pour produire en s’adaptant aux conditions géographiques : tel pays, en raison des qualités de son sol et de son climat fournira primeurs ou raisin, tel autre cultivera endives, betteraves ou céréales. Mais non, c’est toujours le profit qui fait la loi et on continuera à faire pousser à l’eau chaude des tomates sans goût en Hollande !
Allons, rassurons-nous, France-Soir a trouvé les responsables de la « crise » et nous allons donc être sauvés de la « catastrophe chômage ». Un éditorial fracassant (6) démontre que la faute incombe à notre système d’enseignement. Il paraît que nous devrions former beaucoup moins de
têtes bien faites » mais beaucoup plus de techniciens immédiatement « rentables »... pour l’industrie. Autrement dit, il faut apprendre très tôt aux jeunes un métier donné et un seul, une technique et un savoir-faire en vigueur et adaptés aux appareils qui existent. Et si demain leur outil et leur savoir-faire sont démodés, ce qui est inévitable et tout le monde devrait le savoir, tant pis pour eux ?
Qu’en pensent aujourd’hui les mineurs qui n’ont connu que la mine ? Qu’en pensent les licenciés de plus de trente ans qui ont tant de peine à se « recycler » ?
Au moment où s’ouvre enfin l’ère des loisirs !

(1) « Quel chômage, quel plein emploi ? ». G.R. n°  761.
(2) « Hitler, économiste distingué, fait école  », p. 3.
(3) « Avis, danger de mort... », p. 3.
(4) « De la propriété », p, 4,
(5) « Les mains sales », p, 9.
(6) De G. Farkas, du 17 novembre 1978.


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