Tandis que le G7 attend Godot...
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Publication : août 1993
Mise en ligne : 30 novembre 2005
Il est totalement vain, totalement dérisoire, d’attendre d’une éventuelle reprise de la croissance mondiale la solution au problème du chômage...Toutes les politiques sont fondées sur cette stratégie erronée, qui nous fait attendre la reprise, comme d’autres attendent Godot, pour voir refluer le chômage... L’aveuglement des responsables politiques a été au fil des années à la fois renforcé et légitimé par l’idéologie des technostructures internationales qui, de la Commission Européenne au FMI, du GATT à la Banque mondiale, restent attachées à des certitudes, des analyses, des modes de pensée totalement dépassés... Catéchisme simpliste et dérisoire qui nous invite à attendre la reprise pour les uns, la fin d’un cycle pour les autres...Non, il n’est pas vrai que la lutte contre le chômage soit, comme on nous le dit, la priorité des politiques conduites par les pays développés, alors même qu’ils comptent désormais plus de 36 millions de personnes privées d’emploi... La préoccupation de l’emploi demeure seconde dans les choix qui sont effectués, reléguée qu’elle est après la défense de la monnaie, la réduction des déficits publics, le productivisme ou la promotion du libre-échange....
Il faut définitivement rompre avec l’idée que le démantèlement des avantages sociaux est le seul moyen de faire face...C’est à un renversement complet des valeurs et des choix fondamentaux qu’il faut nous atteler de toute urgence. Ne parlons plus de plein emploi mais de pleine activité, objectif qui doit prendre une place centrale dans la politique économique. Il va y avoir bientôt 20 ans que la preuve est faite chaque jour que nous ne renouerons jamais avec les modèles anciens. Il faut donc en inventer de nouveaux. C’est un nouveau pacte social qu’il nous faut fonder, une nouvelle donne qui assure à chacun sa place, et par conséquent une activité, dans la société....
Ces propos ne surprennent évidemment pas dans nos colonnes. Ce qui est surprenant c’est qu’ils aient été tenus publiquement, devant la Fondation du Futur, et qu’ils émanent de Philippe Seguin, l’un des plus éminents des hommes politiques de la nouvelle majorité. Nombreux ont été les distributistes qui ont salué le courage des propos du Président de l’Assemblée Nationale, même s’ils se demandent toujours quelle secrète manœuvre cachent tout propos politique et si les propositions qui suivaient ces déclarations ne sont pas du tout à la hauteur des intentions annoncées.
Les déclarations du G7 à l’issue du récent sommet de Tokyo viennent de confirmer encore nos analyses, reprises par P. Seguin : le G7 attend Godot ! Il annonce que la reprise est au coin de sa rue, alors que chaque jour de nouveaux exemples montrent que même une nouvelle croissance ne résoudrait pas le problème du chômage. Ce matin, c’est le plus grand fabricant mondial de lessives, Procter et Gamble, qui annonçait un chiffre d’affaires record, une production en augmentation et ...un nombre impressionnant de suppressions d’emplois !
Que faire pour ouvrir les yeux du public et des politiciens qui les mènent ? Un lecteur de la Côte d’Or nous propose de consacrer notre numéro de la rentrée à sa région, et ce pour lui donner plus de chances d’attirer des lecteurs (car les gens ne s’intéressent le plus souvent qu’à ce qui les touche de très près). Nous nous proposons donc de faire dans notre prochain numéro un double recensement : celui des possibilités économiques, objectives, de la région Bourgogne, et celui de tous les dégâts récents qu’ont peut y attribuer aux impératifs de notre beau système économique. Que tous les lecteurs qui peuvent nous y aider, pendant ce mois d’aôut (dernier délai, 10 septembre), ne s’en privent surtout pas !
Et puis nous avons encore mieux, en fait de projet. Un nouveau lecteur, mais très convaincu et très enthousiaste, voudrait tenter une expérience. Il rêve d’une commune dont les habitants, édiles en tête, seraient prêts à essayer d’autres méthodes de gestion des ressources économiques et humaines, allant dans le sens de l’idéal d’économie distributive. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’essayer l’économie distributive, parce que ce n’est pas possible à l’échelle d’une seule commune, tant sont inévitables les échanges (eau, électricité, transports, écoles etc) avec le système environnant qui détient les moyens d’imposer ses règles. Mais il serait intéressant de voir jusqu’où on peut aller, même dans ces conditions, lorsqu’une volonté populaire décide de s’organiser pour vivre autrement. Sous le beau pseudonyme de Restore Hope (qu’on peut traduire par Redonner l’Espoir, et qui a été utilisé récemment à d’autres fins), ce lecteur explique ci-dessous que si un tel essai était voué dans le passé, à l’échec, c’est parce que les circonstances ne s’y prêtaient pas encore. Mais les choses ont évolué très vite. Et comme beaucoup de gens aujourd’hui ont compris qu’on n’en sortira pas avec les vieux schémas que dénonce enfin publiquement un P. Seguin, pourquoi ne se prendraient-ils pas par la main ?
...Avis aux amateurs pour dénicher les gens et l’endroit propice.