Interrogations
La Revue Socialiste [1] de juin dernier est un numéro spécial dans lequel son directeur Alain Bergounioux s’interroge sur la place de la « Démocratie sociale ». Il constate que « depuis que le socialisme a été une force parlementaire, puis, plus encore un parti de gouvernement, l’idée que l’État est l’instrument majeur pour réformer la société l’a emporté dans les pratiques gouvernementales ». En effet « la démocratie politique et la démocratie sociale ont besoin l’une de l’autre » et donc « pour résoudre les problèmes actuels de la société française, il faut prendre en compte ces deux dimensions ». Le sociologue Michel Oberlé, spécialiste du patronat, démystifie l’entreprise en faisant observer que « 70% du total des entreprises n’ont pas de salarié. Donc, démographiquement, lorsqu’on parle de patrons en France, on parle d’abord de travailleurs indépendants et de tout petits patrons » et ,ajoute-t-il, « le panégyrique de la petite entreprise, que tout le monde adule de manière indifférenciée, mérite un beau débat de fond, doctrinal et politique ». Guy Groux, directeur de recherche au CEVIPOF [2] s’interroge sur la crise de la CGT « qui devra choisir entre des principes radicaux et anticapitalistes ou reprendre le chemin amorcé par Louis Viannet et Bernard Thibault » tandis que Frank Georgi, (Centre d’histoire sociale du XXème siècle) se demande, « si la démocratie sociale continue à rester une utopie concrète pour une CFDT en état d’adaptation permanente […] toujours à la recherche du compromis réformiste et qui voit disparaître de son horizon d’attente celui d’une société radicalement autre ».
« Enrichissez vous ! »
La célèbre injonction que Guizot aurait adressée aux Français sous la Monarchie de Juillet (1830-1848) deviendrait–elle dangereuse ? Selon une étude du Boston Consulting Group publiée le 15 juin, le nombre de foyers dans le monde possédant chacun plus d’un million de dollars (en gros 886.000 euros) serait de 17 millions, soit deux millions de plus qu’en 2013. Ensemble, ces ménages détiennent 41% de la richesse mondiale, qui a augmenté de 12% en 2014 pour atteindre 164.000 milliards de dollars.
Mais, catastrophe ! selon les économistes du FMI, plus la fortune des riches s’accroît et moins la croissance augmente. Par contre, elle croît davantage lorsque c’est le sort des plus pauvres qui s’améliore [3] . La fameuse “théorie du ruissellement” [4] chère aux néolibéraux qui inspira les politiques de Thatcher et Reagan ne serait donc plus valable. Un rapport de l’OCDE aboutit aux mêmes conclusions [5] . Le rapport du FMI fait aussi observer que la globalisation financière et les progrès technologiques sont partout associés à l’augmentation de la part des revenus des 10% les plus riches, neuf fois plus importante que celle détenue par les 10% les plus pauvres. Il souligne enfin que près de la moitié de la richesse mondiale (110.000 milliards de dollars) est détenue par 1% de la population.
Le Vatican ou l’Académie ?
La crise écologique et, plus généralement la question environnementale, a mis près d’un demi-siècle à prendre place dans la doctrine sociale de l’Église, comme la journaliste Cécile Chambraud sous la rubrique Planète, du Monde du 17 juin, en décrit le lent cheminement. Paul VI est le premier pape à en parler. Il évoque en novembre 1970 le « risque écologique lié à la civilisation industrielle » qui va « jusqu’à faire craindre une véritable mort biologique dans un avenir rapproché » Il faut ensuite attendre plusieurs années avant que la Vatican s’intéresse à nouveau à l’écologie et à l‘environnement. Citons au passage Benoît XVI en juin 2009 : « les devoirs que nous avons vis à vis de l’environnement sont liés aux devoirs que nous avons envers la personne considérée en elle-même et dans sa relation avec les autres ». Enfin, dans son encyclique du 18 juin dernier, le pape François appelle « toute la famille humaine », croyants ou non, à unir leurs efforts pour surmonter la crise environnementale et climatique que nous subissons et pour cela entreprendre un changement radical « de style de vie, de production et de consommation ». À quelques mois la COP 21, qui va se tenir à Paris au mois de décembre prochain [6], que demander de mieux ?
Si le Vatican s’est converti à l’écologie et à la défense de l’environnement, il semble qu’il n’en soit pas de même pour l’Académie des sciences française qui ne s’est toujours pas prononcée sur l’origine humaine du réchauffement climatique parce que certains académiciens la contestent, notamment le deuxième couteau d’Allegre, Vincent Courtillot, en s’appuyant sur ses propres articles publiés dans une fausse revue scientifique éditée en Chine. On en est à se demander si l’Académie publiera un avis avant l’ouverture de la COP 21. « L’Académie des sciences française est la seule académie des sciences au monde pour qui le débat sur la responsabilité humaine dans le dérèglement climatique en cours n’est pas clos », dit le climatologue Eric Guilyardi qui a assisté aux débats à titre de personnalité extérieure [7].
Qui croire ?
Moi, mécréant, ayant travaillé avec plusieurs académiciens, ayant même publié des articles dans les Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, je choisis le Vatican !