En 1944 à Bretton Woods, quand fut créé le Fonds monétaire international (FMI) pour réguler le marché monétaire international, le droit des particuliers et des entreprises à investir leurs capitaux à l’étranger avait été limité par la plupart des pays, dont les États-Unis, pour éviter que la spéculation nuise aux relations commerciales. Mais les gestionnaires de capitaux ont fait pression sur les gouvernements républicains (Reagan puis Bush) soutenus par un électorat fortuné pour que soient levées de telles barrières. Aprés quoi c’est l’administration démocrate (Clinton) qui a saisi cette initiative pour financer ses campagnes électorales : la charte du FMI fut amendée. Elle est devenue, aux dires des plus modérés, le manager du système de crédit, ayant pour objectif, à court terme d’assister les créditeurs internationaux, et, à long terme, d’augmenter le rendement de leurs capitaux.
On aborde là le problème de la Dette du Tiers monde. En effet, que se passe-t-il quand l’économie d’un pays est malade et que ses entreprises sont amenées à emprunter à l’étranger ?
« En dehors d’un accord conditionné avec le FMI, il n’y a pas de prêt international possible », alors le FMI intervient pour obliger les gouvernements des pays emprunteurs à prendre les mesures nécessaires pour maintenir le cours de la devise locale afin d’assurer le plus vite possible le remboursement des créditeurs internationaux, ces mesures, les "pactes d’ajustement structurel" (PAS) sont privatisations, austérité pour limiter les importations et faciliter les exportations, réduction des dépenses publiques ce qui entraîne aggravation du chômage et baisse de la production, donc des revenus, etc.
Toutes ces mesures sont dans la logique du système de crédit, même si elles sont désastreuses pour les populations car le FMI n’a pas à venir en aide aux habitants des pays en difficulté, mais à veiller à ce que les prêteurs internationaux soient remboursés intégralement et avec intérêt.
Ces investisseurs exigent des intérêts d’autant plus élevés qu’il paraît possible que le pays emprunteur ne soit pas en mesure de les rembourser. Mais le comble est que ce n’est pas eux qui assument ce risque, parce que si, malgré les PAS, un pays ne peut pas payer, c’est le FMI qui paie, aux frais des contribuables !
Voici des chiffres éloquents sur la dette du Tiers monde. En 1979, l’augmentation brutale des taux d’intérêt (passant de 5 à 20 %) obligent les pays du sud à emprunter à ces taux usuraires pour payer les intérêts de leurs dettes précédentes. À elle seule, l’Amérique latine, entre 1980 et 2000, a déboursé un supplément de 106 milliards US$. De façon générale, entre 1981 et 2000, les pays du sud ont transféré vers les pays du Nord 3.450 milliards US$, ce qui correspond à six fois la dette (567 milliards) qu’ils avaient en 1981. En 1999, les pays en voie de développement ont versé 350 milliards US$ pour les intérêts de leur dette. La dette globale des pays du sud reste encore aujourd’hui de 2.000 milliards de dollars .
Premières conclusions de ces rappels. Depuis qu’elle peut être créée très facilement, par de simples jeux d’écritures, la monnaie-symbole a perdu la garantie que constituait son lien avec une richesse matérialisée. Cette évolution progressive, presque insidieuse, et qui s’est accélérée au cours des dernières décennies, fait qu’on constate aujourd’hui :
— que le choix des bénéficiaires de la création monétaire échappe à toute décision politique (« On ne prête qu’aux riches » !) et la création monétaire n’a pas l’intérêt général pour objectif.
— que ce mode de création monétaire ne permet pas, par exemple, de financer une entreprise d’utilité publique mais non "rentable", parce qu’elle ne pourrait pas rembourser, ni, à plus forte raison, payer les intérêts liés à la création bancaire.
On peut citer mille conséquences dramatiques de la nécessité de rentabilité de tout financement. Par exemple, la recherche fondamentale : il n’y a que l’État qui puisse financer une recherche scientifique qui ne débouche pas sur une application marchande. Dans le domaine médical, de plus en plus de gros laboratoires privés financent la recherche de médicaments dits “porteurs”, attendus par une clientèle riche, et ils en exigent l’exclusivité du marché par des brevets ; par contre, la recherche concernant les maladies dites “orphelines”, parce que rares, est délaissée parce que la clientèle potentielle n’est pas jugée suffisante pour attirer l’investissement !
On rencontre en permanence des situations analogues dans tous les domaines : une commune, ou une région, se trouve en face d’un besoin manifeste, par exemple la construction d’un pont, d’une crèche ou d’une route, pour lesquels existent les compétences, les architectes, les ouvriers disponibles, et tous les matériaux et les machines nécessaires. Ne manque que le crédit. La construction ne peut pas se faire : les besoins humains ne commandent pas la création monétaire et les pouvoirs publics sont obligés de se soumettre.
— que ce mode de création monétaire ne pèse pas seulement de cette façon directe sur la société dans tous les domaines publics, car il oblige toute entreprise qui a besoin de crédits à rembourser plus qu’elle n’a emprunté. C’est donc une obligation générale de croissance.
Cette obligation oriente les choix des entreprises qui sont ainsi amenées à compenser cette augmentation de leurs coûts par des “économies” faites sur les conditions de travail.
Et comme les entreprises calculent leurs prix de vente pour pouvoir payer les intérêts de leurs emprunts, c’est l’ensemble des consommateurs qui paient ces intérêts.
Ceci devrait amener l’opinion à réfléchir à quelques premières questions :
D’où vient ce choix du mode de création monétaire ? — Nul débat politique n’est à son origine.
A-t-il été spontané ? — L’histoire a montré, en plusieurs circonstances (dont deux coups d’État napoléoniens) la pression exercée sur le pouvoir en place pour imposer les privilèges dont les banques jouissent encore.
Ce choix est-il immuable ? — Rien ne l’est, et surtout pas la monnaie, nous avons vu comment elle a changé tout au long de son histoire…