L’EXPRESS vient de publier un dossier intitulé
: "Le krach de1929 peut-il se reproduire ?"avec cette manchette
: "Les économistes en parlent, les financiers le redoutent...
Jamais depuis le célèbre "jeudi noir" de Wall
Street, le spectre de la crise n’a été si présent.
Non sans quelques raisons".
Ces raisons sont surtout la fabuleuse dette américaine et la
surcôtation de la bourse de Tokyo. "Au total, l’endettement
extérieur net cumulé des Etats-Unis dépasse, au
30 juin, 460 milliards" (de dollars bien entendu). Cette situation
est dangereuse, estiment les experts, surtout en raison de l’insuffisance
de l’épargne intérieure. "Entreprises, certes, mais
aussi fermiers du Middle West, employés de bureau new-yorkais
et ouvriers de l’automobile de Détroit consomment et investissent
plus que de raison". En mars 1987, Washington et, à sa suite,
le monde capitaliste tout entier sont passés au bord de la catastrophe.
Les Japonais n’ont pas souscrit, comme ils le faisaient jusque là,
à la moitié des 15 milliards de dollars mensuels en bons
du Trésor que les américains émettent pour faire
face à leur dette. Ils ne l’ont fait qu’après l’augmentation
des taux à long terme, de 8,25 % à 9,75 %, décidée
par la Réserve fédérale en mai. Le sommet de Venise
du 8 au 10 juin et la réunion des gouverneurs des banques centrales
des 15 et 16 juin ont mis fin à la spéculation contre
le dollar, mais la confiance dans le billet vert n’est pas rétablie
pour autant.
Au moment où sort son nouveau livre "Economics
in perspective", John Kenneth Galbraith a déclaré
à l’envoyé du magazine : "...Ce dont a besoin le
monde, c’est d’une économie américaine intelligemment
dirigée. Or, je ne vous surprendrai pas en affirmant que l’incompétence
de ceux qui sont au pouvoir à Washington, depuis quelques années,
est une évidence...". De son côté, lwao Nakatani,
professeur d’économie à l’université d’Osaka affirme
: "...A moins que les Etats-Unis ne changent fondamentalement de
politique, je crains qu’une crise, sous une forme ou sous une autre
soit inévitable...". Or Stephen Marris, ancien économiste
en chef de l’O.C.D.E. pense que le président refusera, comme
impopulaire avant la prochaine élection présidentielle,
une augmentation des impôts pourtant inévitable. Mais citons
S. Marris : "Les financiers et les politiques ont beaucoup appris
depuis soixante ans. Cela ne veut pas dire qu’une crise majeure, dans
le sens moderne du terme, soit exclue. Bien au contraire. Je reste persuadé
que d’ici à un an une récession - je préfère
ce terme à celui de crise - se fera sentir à partir des
centres occidentaux d’activité économique. Le "miracle
reaganien" qui n’a jamais existé, a été bâti
sur un flot inhabituel d’investissements étrangers, attirés
par un dollar surévalué. La baisse de la monnaie américaine
fera - et fait déjà - tarir cette source... ". Enfin
deux courbes représentant l’indice Dow Jones de la bourse américaine
entre 1912 et 1929, d’une part et entre 1970 et 1987 d’autre part, présentent
une similitude extrêmement inquiétante... Quant aux actions
nipponnes, elles ont la réputation "d’être surcotées".
Le rapport entre leur capitalisation totale (*) et l’ensemble des bénéfices
des entreprises est supérieur à 50 (15 ou 16 actuellement
à New-York, 20 lors de la crise de 1929)... "On n’ose imaginer
l’étendue du désastre si le marché japonais, brusquement
pris de vertige, se décidait à s’aligner sur les normes
d’appréciation en vigueur à Wall Street..." écrit
le journaliste.
Dans un article final qui se veut rassurant, Jean-Claude Casanova estime
que tout dépendra du prochain président qui sera élu
en 1988. Il conclut ainsi : "Comment (le nouveau président)
réduira-t-il le déficit public ? Sacrifiera-t-il les dépenses
d’armement - ce à quoi l’entraîneraient les pesanteurs
démocratiques et le charme de M. Gorbatchev ? Comment réagira-t-il
à l’inflation et à la récession qui menacent l’une
et l’autre ?
Si les Américains, comme il est vraisemblable, choisissent de
désarmer (pour réduire le déficit) et de freiner
l’économie (par la hausse des taux d’intérêt et
la diminution des. dépenses fédérales), il appartiendra
alors aux Européens, pour maintenir l’équilibre économique
et celui de la sécurité de favoriser l’expansion et d’accroitre
leurs armements, ce qui n’est ni incompatible, ni impossible... ".
Certes, ce n’est ni l’un ni l’autre, ajouterons-nous, puisque le système
capitaliste ne connaît pas d’autre moyen pour se survivre que
les fabrications d’armement.
Mais sera-t-il toujours possible de justifier le surarmement aux EtatsUnis
ou en Europe ? Pourronsnous répondre éternellement aux
propositions de désarmement de cette manière ? L’expansion
ne pourrait-elle être consacrée à des oeuvres de
paix ?
(*) Environ 2 700 milliards de dollars, au premier rang mondial avec Wall Street.