Les chiffres parlent

Dossier : MONNAIE ET INFLATION
par  J. LE MORVAN
Publication : mai 1977
Mise en ligne : 18 mars 2008

S’il y a des statistiques contestables du fait de manipulation gouvernementale et du fait aussi des fausses déclarations patronales, aucune personne informée ne peut mettre en doute le sérieux des chiffres émanant de la Banque de France et du Conseil National du Crédit (C.N.C.). C’est principalement l’indice des Prix, actuellement basé sur 295 articles, chacun d’eux étant doté d’un coefficieient de pondération, gui fait l’objet de manipulations politiques. Or ce n’est que par l’I.N.S.E.E. (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) que nous connaissons cet indice officiel ; c’est lui gui publie chaque année « les comptes de la Nation » où l’on trouve les chiffres nécessaires aux analyses économiques. Certes ses fonctionnaires sont des spécialistes de haute moralité, mais ils dépendent néanmoins, et on ne peut pas l’oublier, du ministère de l’Economie et des Finances... De Plus, en dépit des très grands progrès réalisés au cours de ces dernières années dans les méthodes oui président à l’établissement des comptes de la Nation et tout spécialement de ceux concernant la production nationale, l’absence d’homogénéité de celle-ci ne Permet Pas de l’accepter globalement. On y trouve, mélangées, la production offerte aux consommateurs, celle des investissements publics, celle des armements, etc.
Cette relativité des statistiques de l’INSEE nous oblige à n’utiliser ses chiffres que dans leurs rapports avec ceux de la Banque de France et du C.N.C.C. C’est ce que nous allons faire.

La hausse des prix

II est un point sur lequel nous sommes d’accord avec les économistes du régime, c’est lorsqu’ils enseignent dans les facultés que l’inflation résulte de deux phénomènes  :
- un phénomène de mouvement des prix :
- un phénomène de circulation monétaire.
Mais contrairement à nous-mêmes, ils se refusent généralement à établir un lien direct entre ces deux phénomènes. Serait-ce parce qu’ils raisonnent dans l’abstrait, sans étudier sérieusement les chiffres qui traduisent ces phénomènes dans l’économie du pays ? Cependant, ces chiffres parlent clairement ainsi qu’on va pouvoir en juger par ceux que nous allons citer.
Tout d’abord, il convient de déterminer quels sont les chiffres gui éclairent le mouvement des prix : ceux des salaires, ceux des profits, ceux des importations (inflation par les coûts) et ceux concernant la circulation monétaire ?
Nous savons tous que, dans les temps modernes. c’est-à-dire de développement de l’économie, les prix n’ont jamais cessé de monter, mais lentement. Nous avons même constaté, après la crise
américaine de 1929 qui s’est répercutée en France quelques mois plus tard, que les prix baissaient et même, parfois, s’écroulaient lorsqu’il y a « surproduction » par rapport aux besoins... solvables. En temps normal, il y a une constante pression des profits et des salaires, pression tempérée par la productivité résultant des progrès techniques. C’est ainsi qu’avant la crise actuelle, c’està-dire de 1964 à fin 1968 (5 ans) la hausse des Prix de pros ne dépassa pas les 5 %, d’après l’I.N.S.E.E. Mais, à partir de 1969 jusqu’à maintenant, tout changea. Il s’agit de savoir pourquoi.
Personne de sensé ne s’imaginera que, tout à coup, il y Put des demandes exorbitantes d’augmentation de salaires ou des augmentations de profits non moins exorbitantes. La cause de l’inflation galopante est ailleurs. Elle ne peut résulter que de la circulation monétaire et de son rapport à la valeur de la production nationale offerte.

Les équilibres nécessaires

La loi de l’offre et de la demande s’impose à toutes les économies monétaires. Ou bien on la domine en instituant une économie distributive oui équilibre production et monnaie, ou bien on est dominé Par elle si l’on conserve une monnaie circulante. Alors, dès que les liquidités monétaires croissent plus vite que la production du pays, il y a risque d’inflation. Celle-ci se produit lorsque le rapport liquidité-production atteint un certain seuil critique à partir duquel il y a la crise économique.
La démonstration en est faite par les chiffres ci-après  :

Année ..... L.M. ......... P.N. .... Rapport L/P
1965 .... 189,85 .... 438,748 ....... 43,27
1969 .... 416,59 .... 643,388 ....... 64,75
1970 .... 457,32 .... 716,794 ....... 63,80
1974 .... 833,00 .... 1.168,238 .... 71,30

L.M. = Liquidités monétaires
P.N. = Production nationale
(en milliards de francs lourds)

Ce qui signifie qu’en 1965 la moyenne annuelle des liquidités monétaires était de 43,27 % par rapport à la Production nationale globale, calculée par l’INSEE. N’oublions pas qu’une monnaie circulante accomplit, dans l’année, plusieurs cycles complets production-distribution-production : étant donné que nous constatons depuis plusieurs années une accélération de la vitesse de circulation monétaire (38 % de 1966 à 1974) ce rythme doit être proche aujourd’hui de 5 cycles complets. Si bien que dès 1965, les liquidités monétaires représentaient une valeur très sensiblement supérieure au chiffre donné par l’I.N.S.E.E. pour la production globale. L’heure de la crise approchait.
Cependant de 1965 à fin 1968, l’I.N.S.E.E. n’indique qu’une hausse d’environ 1 % par an, ainsi que nous l’avons signalé précédemment. Mais l’année 1969 connaît une hausse de 7 %, l’année 1970, de 8 %... C’est que le rapport liquidité-production augmente sensiblement d’année en année si bien que l’I.N.S.E.E. reconnaît. pour 1974 une hausse des prix de gros de l’ordre de 24 %.
Pourquoi un surcroît de liquidités provoque-t-il une hausse des prix et non une épargne provo-quée par l’impossibilité d’acheter... ce qui n’existe pas ?
Il s’agit là d’un phénomène psychologique universellement constaté. Lorsque la valeur d’une production est, par exemple de 500 milliards et que les liquidités disponibles s’élèvent à 1.000 milliards, il se produit une « tension inflationniste  » oui provoque une hausse des prix dont le plafond théorique est de 100 % car l’économie tend naturellement vers l’équilibre. C’est le phénomène, inconscient, de la vente aux enchères le consommateur veut consommer et Ie marchand veut vendre.
C’est pourquoi l’unique remède aux crises économiques moderne, réside dans l’abandon de la monnaie circulante et dans la sortie du système de l’achat et de la vente.


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