Où est la limite à la pluie de dollars ?
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Mise en ligne : 31 octobre 2008
Lorsqu’on ne peut pas quémander, emprunter ou voler l’argent pour rembourser ses obligations, on fait faillite. Voilà pourquoi les autorités américaines sont intervenues pour prendre le contrôle de Fannie et Freddie. Ces prêteurs hypothécaires (dits aussi rehausseurs de crédit) ne pouvaient pas rembourser leurs dettes auprès de prêteurs privés qui exigeaient d’eux des taux d’intérêts très élevés, étant donné le risque estimé, et il était devenu évident qu’ils ne pourraient jamais se sortir de leur trou, évalué entre 100 et 200 milliards de dollars. Dans le magazine Money Week, Simone Wapler remarquait : « Supposons que vous possédiez des reconnaissances de dette émises par une entreprise qui va mal, vous êtes inquiet, car la défaillance de cette entreprise mettrait à mal vos propres affaires. Le patron de cette entreprise vient alors vous trouver et vous dit qu’il n’y a pas de problème, il met la main à sa poche pour renflouer sa société. Mais sachant, par ailleurs, que ce patron est très endetté, à titre personnel et à titre professionnel, êtes-vous rassuré ? »
Dans le cas présent, c’est la Mère de tous les Renflouages qui est en train d’intervenir. Mais cette providence n’est autre que le plus grand débiteur au monde, dont les dettes et obligations sont d’une telle taille qu’il n’y a aucune chance de la voir les rembourser, du moins pas honnêtement — et tout le monde le sait !
Les faits sont clairs ; mais au-delà il n’y a que suppositions et interrogations. Tant que les gens font confiance au dollar, il ne devrait pas y avoir de problème. Mais pendant combien de temps les gens peuvent-ils encore faire confiance au billet vert alors que ses gardiens le dépensent si librement ? Les dépenses du gouvernement américain grimpent en flèche... alors que ses recettes déclinent. Les États-Unis ont déjà un déficit de 400 milliards de dollars environ, et personne ne sait combien y ajoutera le renflouage de Fannie et Freddie, mais cela pourrait se monter à des centaines de milliards. Si le ralentissement se poursuit, le déficit pourrait atteindre 1.000 milliards de dollars, et même 2.000 selon certains analystes – notamment Albert Edwards, de la Société Générale. N’y a-t-il pas une limite aux sommes que le gouvernement peut emprunter ? Qu’il peut dépenser ? N’arrivera-t-il pas un moment où le dollar perdra de la valeur... et où les créditeurs prendront peur ?
— Évidemment oui. Et ce qu’on va découvrir au cours des prochaines années c’est : jusqu’à quand les États-Unis vont-ils s’en tirer avant de faire faillite ?
Mais un collègue argumente : « Stop, vous oubliez une chose : le ralentissement mondial. Regardez Lehman Brothers. La liquidité disparaît, elle n’augmente pas. Cela signifie que les gens ont besoin de liquidités faciles, et les liquidités les plus faciles du monde, ce sont les dollars. Regardez ce qui se passe déjà : le dollar a grimpé de 15% par rapport à l’euro depuis son plancher ». Il peut ajouter que lorsque la bulle du crédit a commencé à fuir, il y a un an, cela a marqué non seulement la fin de l’expansion du crédit, mais également celle de tout le système des bulles.
Voici comment tout cela a fonctionné : les Américains ont acheté des choses dont ils n’avaient pas besoin avec de l’argent qu’ils n’avaient pas. Ces dollars empruntés sont ainsi passés aux mains de fabricants asiatiques (et plus récemment des exportateurs de pétrole). Au lieu de revenir au Trésor des États-Unis, accompagnés d’une demande de paiement en or comme cela se serait produit avant 1971, les dollars se sont accumulés à l’étranger. Les gouvernements étrangers ont dû imprimer de plus grandes quantités de leurs propres devises pour acheter ces dollars, ce qui a généré un immense océan de liquidités (dollars, yens, roubles, euros, etc.) et fait grimper les prix des actifs partout dans le monde. Les maisons, les actions, les obligations, les diamants, les montres, les tableaux, tout a grimpé sur cette marée d’argent facile.
Mais l’an dernier, quelqu’un a retiré la bonde. Alors tout à coup, toutes les liquidités du monde ont commencé à se retirer. Le consommateur américain aurait aimé continuer à dépenser mais à court de crédit il a dù ralentir, à contre-cœur.
L’économie mondiale a ralenti parce que la pompe à liquidités (le système des bulles qui livrait cash et crédit au monde entier) a été éteinte.
Du moins... c’est ce qu’il nous semblait ce matin... Mais voici le dernier chiffre du déficit commercial américain : encore 62,2 milliards de dollars le mois dernier [1]. On dirait que le système des bulles n’a pas complètement pris fin : les États-Unis continuent d’arroser le monde de liquidités, environ deux milliards de dollars par jour. Combien de temps cela peut-il continuer ? Plus longtemps que nous le pensions... mais pas éternellement.
[1] NDLR : donc en août.