Réponse
par
Publication : juin 1980
Mise en ligne : 6 octobre 2008
Notre ami Pierre Moch n’est pas le premier à imaginer une pareille
coopérative, gérée, au plan intérieur, en
s’inspirant du socialisme distributif. D’autres ont même mis en
pratique de semblables communautés, mais à une échelle
bien plus petite, ce qui les amène, inévitablement au
lieu de disposer au maximum des progrès techniques, à
devoir partager une vie très frugale, d’où naissent bien
des échecs. Au contraire, le projet de P. Moch comporte l’utilisation
des machines les plus perfectionnées, dans des entreprises compétitives.
Rien que ce dernier mot fait comprendre où se situe la difficulté.
D’abord P. Moch ne dissimule pas que son expérience a besoin
d’importantes mises de fond. Où les trouver ? Les attendre du
gouvernement, en le prenant au mot parce qu’il prétend lutter
contre le chômage, c’est prêter aux politiciens une bonne
foi qu’ils n’ont évidemment pas. Les espérer de l’opposition
dont toutes les dépenses sont à but électoraliste
et immédiat semble. hélas, relever de la même candeur.
Dans le régime où nous sommes, de pareils fonds ne pourraient
être que prêtés et le remboursement des intérêts
doublerait la difficulté. Et fausserait le problème, car
la communauté rie pourrait vouer son travail à la satisfaction
des besoins puisqu’elle serait obligée de tout faire, même
des fabrications stupides ou nuisibles. si celles-ci lui offraient le
moyen de subsister. Il n’est pas, à ce propos, de meilleur exemple
que le groupe des Lip qui était animé des meilleures intentions
et avait des moyens... mais qui, soumis à la nécessité
d’être compétitif, se voit contraint aujourd’hui, belle
réussite, de travailler pour les armements... C’est tout dire.
Même sans parler de remboursement et d’intérêt, la
communauté se trouverait devant la nécessité de
rendre ses produits, ce qui lui imposerait le choix de ses productions.
Ce choix ne serait donc pas dicté par les seuls besoins.
On comprend qu’intervient la question de la taille, de la communauté
distributive : il faut que sa taille et ses moyens matériels,
donc ses vraies richesses, lui permettent d’échapper aux pressions
économiques d’un extérieur marchand, tant que celui-ci
lui es ! hostile et veut sa ruine.
Mais alors que cette expérience ne pourrait en être une
pour ses gestionnaires contraints aux règles capitalistes. elle
en serait une, si elle était réalisable, pour tous ceux
de ses membres qui pourraient vivre avec l’assurance d’un revenu suffisant
pour leur consommation, étant bien entendu qu’ils devraient à
la communauté un certain travail jugé nécessaire.
Mais n’est ce pas une expérience de ce genre que vivent ceux
des fonctionnaires qui ont un traitement suffisant pour vivre décemment.
mais insuffisant pour leur permettre de « faire travailler »
leur argent ? Le revenu qu’ils touchent est monnaie de consommation,
ils doivent à la communauté un service bien défini
et leur retraite est assurée.
Bien sûr, le fait qu’ils n’ont pas toujours pu choisir leur métier
sans contrainte économique, les injustices, fiscales par exemple,
qui les entourent, la preuve qu’ils ont que l’administration qui les
emploie n’a pas pour souci principal de représenter les intérêts
bien compris de la communauté, etc., etc.... fausse l’exemple.
Mais il ne peut guère en exister de meilleur dans ce monde où
l’argent reste le maître à penser... et à vivre.