Témoignage de Sadi SAINTON
par
Publication : 27 février 2009
Mise en ligne : 4 mars 2009
- Let’s go !
- Une grève contre la vie chère ? (...)
- Mais alors qu’est-ce que cette (...)
- Qu’est-ce que la "pwofitasyon" (...)
- Les domaines de "pwofitasyon" (...)
- Le reste des revendications (...)
- Xénophobie ? Racisme ? Les (...)
- Mais alors qui ?
- Scolarité en péril ?
- Évolution statutaire ?
- Mon avis sur la question
Je vous envoie ce texte un peu long, certes, mais je voudrais vous dire deux ou trois choses que vous ne voyez pas trop dans les JT de canal+, France Télévision, TF1, M6, LCI... à propos de la grève en Guadeloupe puisque je la vis de l’intérieur. J’espère sincèrement que vous prendrez le temps de lire ces quelques lignes. Lisez tout, si vous le pouvez. Et une partie si c’est trop long. Je tiens au paragraphe en violet car c’est cette question qui m’a poussé à écrire si long, mais je crois que tout comporte son intérêt...
Pourquoi ? Parce que j’imagine que vous entendez comme tout le monde les infos et que je les trouve très partielles (et partiales). Parce que je pense qu’il peut y avoir méprise. Vous pouvez diffuser à votre guise.
N.B : Je soutiens cette grève. Ce texte comporte donc une dose de subjectivité, mais je ne fais ni dans la propagande, ni dans le mensonge. Je reste objectif sur des faits dont vous n’entendez probablement pas parler.
Let’s go !
En effet, la Guadeloupe connaît depuis bientôt 4 semaines une grève générale contre les profits abusifs (de grâce, cessez de parler de grève contre la vie chère car il ne s’agit pas tout à fait de cela). Je vais simplement, sans organisation, donner quelques faits (j’écris à mesure que ça vient et je m’excuse d’avance des fautes d’orthographe que ma vigilance laissera passer).
Une grève contre la vie chère ?
— Non. Pas vraiment
Le collectif qui mène la grève est un ensemble de 49 associations syndicales, politiques, associations de consommateurs et associations culturelles. Il a déposé (un mois avant le début de la grève générale, et personne n’a jugé bon de s’en préoccuper) un cahier de 146 revendications réparties sur 10 chapitres. Parmi ces chapitres, un (un seul !) concerne la vie chère.
Mais alors qu’est-ce que cette grève ?
Le collectif à l’initiative de cette grève s’appelle "LKP" : Lyannaj kont pwofitasyon (C’est du créole). Traduction "alliance contre le vol et les profits abusifs". C’est une mobilisation sans précédant. Le LKP parle de 100 000 personnes dans les rues (sur une population de 460 000, soit près du quart de la population). Au delà de la bataille des chiffres, une chose est sure : c’est historique. C’est la plus grande mobilisation de l’histoire de la Guadeloupe et chaque sortie du LKP crée un nouveau record. Depuis une semaine, la Martinique emboîte le pas, la réunion depuis deux jours, et la Guyane s’y prépare.
Qu’est-ce que la "pwofitasyon" ?
Surtout, ne pas traduire par "profit" (c’est un faux ami). La "pwofitasyon", ici peut se traduire comme je viens de dire par "profits abusifs". Dans le langage courant, "pwofitasyon" désigne l’abus de pouvoir qu’un puissant exerce sur quelqu’un dont il sait déjà qu’il est plus faible que lui, pour le rendre encore plus subordonné. L’exemple type est celui des enfants dans la cours de récréation d’une école primaire. Les "grands" de CM2 peuvent exercer dans la cours des "pwofitasyon" sur les "petits" de CP, qui n’auront que leurs yeux pour pleurer. (N’est-ce pas mignon, notre chère et tendre enfance ?)
Les domaines de "pwofitasyon" sont multiples chez nous
Le constat est le suivant. En Guadeloupe, les prix sont beaucoup plus élevés qu’en France et donc parmi les plus élevés d’Europe et du monde. On constate (pour les mêmes enseignes et les mêmes produits) des écarts de plus de 100%, que l’éloignement (il faut bien payer le transport) n’explique pas (exemple : 84% sur les pâtes alimentaires). Selon tous les experts, après analyse de la chaîne, de la production au caddie du consommateur, en passant par le transport, le surcoût par rapport à l’hexagone ne devrait pas dépasser 10%. Les différences de prix constatées ressemblent donc fortement à.... du vol organisé.
Quelques exemples de "pwofitasyon" dénoncés par le LKP :
•L’essence que payaient les guadeloupéens était l’une des plus chères au monde. Il y a une crise internationale qui a fait exploser le cours du pétrole, certes, mais cela n’explique absolument pas le cours des prix en Guadeloupe (dans les DOM de manière générale). Aujourd’hui qu’un début de lumière commence à être fait sur la question, plus personne ne le conteste.
•Le LKP a présenté à l’État son expertise des méthodes de fixation des prix, résultat : tout le monde est d’accord sur le constat qui consiste à dire que les prix sont anormaux (même ceux qui sont contre la grève générale comme forme choisie pour le dénoncer). Le secrétaire d’ État aux DOM, monsieur Yves Jego envisage même une action en justice de l’État contre la SARA (Société Anonyme de Raffinage Antillaise) dont l’actionnaire principal (70%) est TOTAL. Vous m’accorderez sans doute que ce ne sont pas des nécessiteux. Et Jego (lui même) a dit que si après enquête, il est démontré que la SARA a perçu des sommes indues (ce sera probablement le cas), cette somme devra être remise aux guadeloupéens sous la forme d’un fonds pour la formation professionnelle. [1]
•Quant aux prix de la grande distribution... une des pistes est de créer "un panier de la ménagère" constitué d’environ 100 produits sur lesquels la grande distribution n’aurait plus le droit de dépasser les prix de l’hexagone de plus de 10%, avec la création d’un organe bimensuel de contrôle des prix pour éviter de nouvelles dérives. Les géants de la distribution sont en situation de quasi monopole. Il s’agit principalement du groupe Hayot (Bernard Hayot est dans le top 120 des fortunes françaises). En plus ils détiennent l’importation et ont le monopole de la distribution sur plusieurs grandes marques. Pour accentuer le problème, les quelques concurrents existants sont des groupes amis (cousins, alliancés...) puisque ce circuit est aux mains d’une ethno-classe compacte et réduite [2]
•Autre détail intéressant. Parmi les revendications sur le coût de la vie, il y a la baisse des tarifs des prestations bancaires. Et que s’est-il passé ? Dès que les banques en Guadeloupe (pourtant les mêmes que dans l’hexagone) ont pris connaissance des revendications les concernant, avant même que cette question ait été négociée, les banques ont adopté une baisse de leurs tarifs !! Permettez moi de penser que ça signifie que les tarifs étaient effectivement abusifs.
Le reste des revendications ?
Elles traversent TOUS les domaines de la société. Vraiment tout. Les 9 autres chapitres : Éducation, Formation professionnelle, Emploi, Droits syndicaux et liberté syndicales, Services publics, Aménagement du territoire et infrastructures, Culture, et enfin "pwofitasyon" (il s’agit de réclamer des mesures pour contrôler désormais les prix). J’appelle ça un mouvement sociétal. Si certains persistent à parler de vie chère...je n’y peux rien. C’est un véritable cahier de Doléances. Il parcourt l’ensemble des domaines de la société.
Rappelons que ces revendications sont au nombre de 146 et que parmi ces 146, le LKP en a défini 19 à négocier immédiatement, puis d’autres qui demandent des réponses plus purement politiques, voire institutionnelles, qui devront être débattues à long et moyen terme.
Je peux, si vous le souhaitez, vous envoyer ce cahier de revendications.
Mais alors... Pourquoi ne parle-t-on que de ces foutus 200€ que le LKP demande ?
Parce que cela fait partie effectivement des revendications et comme tout le monde s’y attendait, c’est le point qui bloque les négociations. Le LKP ne démord pas. Le patronat ne démord pas. Les positions se radicalisent.
Commentaire personnel : je trouve ça dommage qu’un si beau mouvement bloque sur un point que je considère comme étant secondaire en terme de portée sociétale sur le futur de la Guadeloupe. [3]
Les guadeloupéens sont asphyxiés et meurent de faim alors ? Mais pas du tout !!
C’est cette question qui m’a poussé à écrire ce mail. Un ami métropolitain m’a appelé aujourd’hui pour me demander si on tenait le coup. Au début j’ai commencé à répondre que malgré la durée du conflit, la mobilisation était toujours de mise. Il me coupe : « Non, je voulais dire...Arrivez vous à remplir le réfrigérateur » !! La Guadeloupe est en grève générale depuis bientôt 4 semaines. Les hypermarchés et supermarchés sont fermés. En revanche les petits commerces de proximités sont ouverts, mais les rayons des magasins sont de plus en plus vides...
MAIS : La Guadeloupe s’organise. L’Union des Producteurs Guadeloupéens (UPG), ainsi que les pêcheurs, font partie du LKP. Les poissons ne sont pas en grève : les pécheurs continuent à pêcher et à vendre leur poisson. Les animaux ne sont pas en grève : les éleveurs continuent à s’en occuper et à vendre leur viande. La terre n’est pas en grève : les cultivateurs continuent à travailler leurs exploitations et vendent leur denrées. Notre réfrigérateur n’a jamais été aussi plein.
Les hypermarchés sont fermés, mais les marchés sont ouverts. Il y a mieux : des marchés populaires sont organisés devant les piquets de grève et un peu partout. Les producteurs y vendent leurs denrées aux prix auxquels ils ont l’habitude de vendre aux supermarchés. Conséquence : ils ne perdent pas leur récolte ni leur revenus, et le portefeuille du consommateur apprécie puisque les marges exorbitantes de la grande distribution ne sont plus là. Nous mangeons à notre faim et -fait intéressant- nous n’avons jamais autant consommé local !!
Je n’ai pas de purée mousseline, je n’ai plus de pâtes panzani... et alors ? J’ai des tubercules, des légumes, de la viande, du poisson, des fruits frais, des fruits secs, des fruits de mer... Et ça coûte moins cher que d’habitude. En fait, je crois que je n’avais jamais mangé aussi équilibré de ma vie.
Si vous n’avez jamais entendu tout ça, est-ce que la presse nationale fait de la désinformation ? Je n’irai pas jusqu’à dire qu’on vous ment. Disons que parmi tout ce que les envoyés spéciaux des média nationaux voient, ils choisissent 5%, et le choisissent d’une manière assez surprenante.
La première semaine, ils n’en parlaient pas. La deuxième semaine, ils n’ont montré que des images de touristes dont les vacances ont été gâchées par cette grève (je suis sincèrement désolé pour eux, mais c’est la vie). Ils ont montré des rayons de supermarché vides et ont semblé vouloir dire que la rupture des stocks créait le plus grand désarroi... Ils ont fustigé une grève qui - dit-on - pénaliserait de manière irrémédiable l’économie Guadeloupéenne.
Puis le secrétaire d’ État aux DOM est arrivé en Guadeloupe. Il y a carrément déplacé son cabinet et son staff. La presse ne pouvait plus se contenter des mini sujets bâclés. Ils ont commencé à en parler un peu plus. Aujourd’hui, l’information que vous recevez est de plus en plus conforme à ce qui se passe. Les "vrais" reportages font leur apparition. France Inter a fait une longue émission dessus, j’ai pu voir un long article sur Elie Domota, porte parole du LKP dans je journal Le Monde. Libération a publié un long texte d’Enest Pépin (écrivain Guadeloupéen)... ça commence à changer. Pourtant, je suis persuadé que ceux qui ont tout lu de ce texte ont appris beaucoup de choses.
Pour les plus courageux, j’ajoute encore quelques points importants. Je quitte la description pour rentrer dans l’analyse (mais vous pouvez vous arrêter là).
Xénophobie ? Racisme ? Les slogans ?
Non, non, et trois fois non ! Le slogan principal repris depuis le 20 janvier en coeur par les manifestants : "La Gwadloup sé tan-nou, la Gwadloup sé pa ta yo. Yo péké fè sa yo vlé, adan péyi an-nou" Traduction littérale : " La Guadeloupe est à nous, La Guadeloupe n’est pas à eux. Ils ne feront pas ce qu’ils veulent dans notre pays" Traduction plus usuelle : "La Guadeloupe nous appartient, elle ne leur appartient pas. Nous ne les laisserons pas faire ce qu’ils veulent dans notre pays." La question qui inquiète certains : mais qui est ce nous et ce eux ? Nous = noirs ? Eux = blancs ? Si oui, lesquels ? Les blancs en général (métropolitains) ou les "béké", descendants des maîtres d’esclaves et qui ont su conserver leur domination économique et d’influence grâce aux héritages de génération en génération depuis l’époque esclavagiste, jusqu’à présent (sans la diluer dans le reste de la population car le béké fait souvent attention à "conserver la race"). [2]
Selon moi, il ne s’agit pas de ça. Moi qui vis ce mouvement de l’intérieur, moi qui reprends ce refrain avec joie depuis 4 semaines, je n’ai jamais désigné le blanc par ce "eux" et tous les gens de mon entourage sans exception sont du même avis.
Mais alors qui ?
Eux...mais bien sûr, cela désigne les "profiteurs". Les responsables de la pwofitasyon. La Guadeloupe n’est pas un simple tube digestif, une sorte de terre de consommation, un simple marché ou tout le monde peut venir faire ce qu’il veut, comme dans une zone de non droit. Or les "pwofitasyon" révélées par ce collectif, et que plus personne ne conteste, donnent bien l’impression que c’est le cas depuis déjà trop longtemps. Avec la complicité de l’État, volontairement ou par négligence (je veux bien croire que c’est par négligence).
On en est à une situation où il a fallu qu’un collectif de 49 associations déclenche une grève générale et les plus grandes manifestations de l’histoire de la Guadeloupe pour que l’ État, enfin, joue son rôle d’arbitre et de répression des fraudes. De nombreuses voix en Guadeloupe avaient déjà dénoncé ces faits, mais de manières isolées et sans réel résultat. Aujourd’hui, la tendance semble s’inverser. C’est ce "eux" là que nous dénonçons depuis 4 semaines (27 jours). Quant au “nou”, il est prometteur de quelque chose de tout à fait nouveau, qui peut-être enfin dépassera les clivages de race (ou en tous cas tendra vers ça). La première personne à m’avoir envoyé un sms pour me dire de venir en meeting est une Guadeloupéenne ...blanche !
Pour moi, un Guadeloupéen est quelqu’un qui lie son destin à celui de la Guadeloupe. Il est souvent noir (question de chiffre), mais il est aussi blanc, indien (de nombreux indiens ont débarqué en Guadeloupe après l’abolition de l’esclavage). Il pourrait même être vert pomme que cela ne dérangerait pas les dizaines de milliers de manifestants qui chantent ce slogan. Surtout, nous ne sommes pas prêts à échanger sous prétexte de la race, une pwofitasyon blanche contre une pwofitasyon noire. Ce Nous-Eux est moral, bien plus que racial. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de problème de racisme en Guadeloupe. Il est clair que la société est pyramidale et que plus on monte vers le sommet de la pyramide, plus les peaux sont claires. Les races n’existent pas, c’est une vérité qu’il faut répéter sans cesse... Mais le racisme existe et le poids de l’histoire esclavagiste et coloniale est palpable. Nous voila avec ce mouvement face à un formidable défi qui consiste à poser les problèmes tels qu’ils sont, pour les régler, et les dépasser. Permettez moi d’ajouter que je suis assez optimiste sur cette question.
Scolarité en péril ?
J’étais à Paris VI lors de la grève contre le CPE et sur les 12 semaines prévues du semestre, on a pu faire 11 semaines (moyennant le sacrifice des vacances scolaires). Il y a fort à parier que nous ferons la même chose. Tout le monde est prêt à voir disparaître les vacances de pâques, pentecôte et les jours fériés. D’ailleurs les cours sont mis en ligne par les enseignants dans de nombreux établissements. Et RFO, la télé locale (une branche de France télévision) va bientôt commencer à diffuser des cours faits par des enseignants sur les plateaux de télévision, afin que tout le monde puisse regarder, à chaque niveau, à chaque matière. La petitesse de l’île le permet, nous ne nous priverons pas de ce moyen !
Évolution statutaire ?
Peut-être. En tout cas la question est posée. Le débat est ranimé. Le mouvement s’exprime sous forme de grève mais la densité du cahier de revendications montre clairement que tous les fondements de la société sont remis en question.
Parmi les meneurs du LKP, nombreux sont ceux qui sont "au moins" autonomistes. Pourtant, après 4 semaines, aucun membre (sans exception) n’a jamais prononcé les mots "évolution statutaire". C’est un débat qui déchaîne les passions et, pour le bien du mouvement, il convient de rappeler que ce n’est pas le but du mouvement. Ce mouvement pose des questions et met en avant ce que veulent les Guadeloupéens.
Si les hommes politiques apportent parmi leurs réponses une question institutionnelle, elle fera de toutes les façons objet de débats, et de référendum.
Mon avis sur la question
Les lois françaises sont conçues pour répondre à une réalité géopolitique précise. Celle d’une France au coeur de l’Europe, société post-industrielle. Elles n’ont jamais convenu ni aux colonies, ni plus tard aux DOM-TOM et COM. Si bien que pour pallier le "handicap", nous sommes toujours passés par des lois qui mettent en avant de nombreuses spécificités. Aujourd’hui, le système d’intégration montre ses limites. Ceux qui jadis s’en accommodaient, aujourd’hui soutiennent massivement un mouvement social, qui -bien que ce ne soit pas son objectif- attire l’attention sur le fait que rien ne va bien et qu’il faut peut être songer à changer les choses en profondeur.
Quoi qu’il arrive, l’indépendance n’est absolument pas à l’ordre du jour. Ni l’État, ni le LKP, ni les nombreux manifestants qui soutiennent le LKP, ni même les organisations anciennement indépendantistes des années 60, 70 et 80 ne considèrent que la question est à l’ordre du jour. Les organisations "anciennement indépendantistes" continuent à énoncer le principe moral du droit des peuples à l’autodétermination, qui est un droit inaliénable inscrit dans la charte de l’ONU, mais elles s’accordent pour dire qu’il faut aller pas à pas, sans brûler les étapes.
Les pistes avancées sont plutôt celles d’une évolution statutaire dans le cadre de la République Française (genre article 73 et 74 de la Constitution) vers plus de pouvoir décisionnel local, plus de pouvoir législatif et douanier, afin de répondre à la réalité géopolitique (nous sommes européens, mais nos îles baignent dans le bassin caraïbéen !).
Je vous remercie d’avoir bien voulu lire un aussi gros pavé. Je rappelle que je ne suis ni politologue, ni sociologue... vous excuserez les approximations et la lourdeur du style. Je suis simple étudiant guadeloupéen, solidaire du mouvement et j’expose là, ce que je comprends de ce mouvement.
P.S : J’ai commencé ce mail hier. Aujourd’hui, la situation a un peu évolué. La répression policière et militaire est désormais en marche.
Le mouvement a une dimension internationale. Hier, c’est le révérend Jessy Jackson en personne qui a envoyé son soutien au peuple de Guadeloupe et au LKP. Les organisations syndicales du monde entier (je n’exagère pas) rentrent en contact avec le LKP pour leur demander comment ils arrivent à mobiliser 100.000 personnes, sans un débordement (c’est le service d’ordre du LKP qui organise la sécurité générale).
La Guadeloupe vient de connaître ses 27 jours les plus calmes, niveau violences domestiques. Jamais il n’y a eu si peu d’agressions et de faits divers. 0u d’accidents de voitures (pas d’essence, tout le monde roule à 70 km/h).
Les Guadeloupéens sont vraiment fiers de ce mouvement. Mais ce matin, la répression a commencé face a un mouvement pacifiste depuis 27 jours. Il y a eu une soixantaine d’arrestations de gens qui étaient simplement sur les barrages pacifiques. Une des têtes du LKP a été blessée. Il a subi des injures racistes venant des forces de l’ordre (toux ceux qui s’y connaissent un peu en histoire de la Guadeloupe savent que c’est monnaie courante lors des répressions de mouvement sociaux aux DOM).
Je ne fantasme pas sur le poids de l’Histoire. Tout au long de la seconde moitié du 20è siècle, tous les grands mouvements sociaux ont été réprimés par les mitraillettes, lorsqu’à Paris, le gaz lacrymogène suffisait largement. C’était le cas en 1910, en 1952, en 1967, en 1975, en 1985. Chaque répression a apporté son lot de mort, même si celle de mai 1967 accapare toutes les mémoires puisque le nombre de morts a dépassé peut être la centaine de personnes.
Évidemment, de l’eau a coulé sous les ponts. 1967 et 2009 sont différents. Mais le préfet et l’État jouent à un jeu dangereux. Car l’ensemble des mobilisés connaît le poids de l’Histoire et la tension est à son comble et beaucoup ont déjà averti que cette fois ci, les guadeloupéens ne mourront pas...
Le LKP a appelé au calme. Il appelle à la mobilisation massive et pacifiste pour faire reculer la répression. L’immense majorité des interpellés aujourd’hui ont été relâchés ce midi grâce (une fois de plus) à la pression populaire de la foule, massée pacifiquement devant la police et le tribunal de Pointe-à-Pitre. La tension redescend petit à petit.
Le préfet avait promis que les environ 4.000 CRS débarqués en Guadeloupe dès le début du conflit étaient juste une sécurité qu’il souhaitait de tout coeur ne pas utiliser. Depuis que les négociations sont bloquées, d’autres ont débarqué...
Et comme on dit dans les îles : Kimbé rèd pa moli !
[1] La SARA est en situation de monopole en Guadeloupe, pas de concurrence. C’est elle qui distribue l’essence.
[2] voir reportage assez édifiant de canal + "Les derniers maîtres de la Martinique" voici un lien ou on peut voir l’émission : http://www.megavideo.com/?v=1Q1M01NV
[3] Il s’agit d’une augmentation de 200€ des bas salaires