À Thouars, les citoyens s’organisent
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Mise en ligne : 28 février 2009
Eh bien justement : un collectif, dans la région autour de Thouars, s’était formé pour débattre sur le projet de traité constitutionnel de 2005. Il a organisé, depuis, de nombreuses réunions sous le nom de “cafés publics”. Et le 29 mai dernier, anniversaire du NON au référendum, il s’est transformé en association intitulée “Pour une alternative unitaire à gauche en nord Deux-Sèvres” et il anime ainsi des réunions-débats. Ces réunions, bien organisées, bien annoncées, semblent répondre à un besoin, car la salle du centre culturel était pleine (soit près de 150 personnes, ce qui est beaucoup pour une petite ville) le 15 janvier, pour écouter Marie-Louise Duboin, invitée à venir faire un exposé, auquel les organisateurs, lecteurs de la GR, avaient donné pour titre, reprenant celui d’un article de décembre : « La crise financière et après ? ».
1. Comprendre
La première partie de la soirée (une cinquantaine de minutes) était consacrée à la projection du film canadien de Paul Grignon L’argent-dette, qui expose pour les non initiés, de façon sans doute un peu simpliste, les mécanismes de la création de la monnaie bancaire. Nos lecteurs savent que celle-ci, qui constitue l’essentiel (85 % environ) des moyens de paiement, fait de notre monnaie une monnaie de dette et ils en connaissent les conséquences…
… Pas l’immense majorité des citoyens venus à cette réunion du 15 janvier.
La projection s’est faite dans un très grand silence, comme si tout le monde était sidéré, abasourdi par ce qui leur était révélé.
Prenant la parole ensuite, j’ai commencé par demander s’il y avait des questions sur le film, sur son contenu, sur cette création monétaire qu’il expliquait. Mais il n’y en eut pratiquement pas. J’en ai donc conclu que tout le monde avait compris ce que ces pratiques permettent au monde de la finance.
2. Proposer
Alors j’ai exposé que, pour sortir de la situation dans laquelle ces mécanismes du crédit ont mis le monde, il importait d’inventer la démocratie en ce domaine. J’ai donc abordé nos propositions d’une monnaie qui ne soit qu’un pouvoir d’achat, équivalant aux marchandises mises en vente, et produites en vue de l’intérêt général, qui doit pouvoir s’exprimer et être pris en considération, contrairement à se qui se passe quand le seul critère qui décide des investissements est de pouvoir rapporter un profit financier à des intérêts privés. Mais ce que je rappellai ainsi, les lecteurs de la GR le savent depuis longtemps…Il y avait dans la salle deux journalistes. Et voici le rapport fait par l’un d’eux dans Le Courrier de l’ouest du lundi 19 janvier :
Marie-Louise Duboin : « Les citoyens doivent décider eux-mêmes de ce qu’ils vont fabriquer »La planète est secouée par une grave crise financière dont nul ne sait quand elle s’arrêtera. Jeudi dernier, Marie-Louise Duboin a dénoncé la dictature du capitalisme. Puis elle a préconisé sa solution d’une démocratie économique. « Le principe du capitalisme, c’est de faire fructifier l’argent. Les entreprises sont capables de produire des vivres pour 9 milliards d’habitants mais elles ne le font pas parce que cela ne leur rapporte pas. Elles cherchent de nouveaux marchés et produisent du superflu, par exemple en construisant des hôtels de luxe. Ce système est en bout de course. » RENONCEMENT POLITIQUE Marie-Louise Duboin, directrice du mensuel de réflexions socio-économiques La Grande Relève a stigmatisé les gouvernements qui ont renoncé à tout pouvoir en matière monétaire et financière. « Leur seul argument, c’est de dire “qu’une main invisible va réguler le marché”. Les politiques défendent les entreprises mais pas leurs salariés. Des lois sont votées mais elles ne sont pas appliquées. Les banques centrales ont le pouvoir d’accorder le crédit, de fixer la valeur de l’argent et elles sont responsables de l’augmentation exponentielle de la dette. » Pour la conférencière, la solution est de contester l’absence de démocratie, d’imposer au pouvoir politique de reprendre le monopole de la création monétaire, de nationaliser les banques. « Il faut inventer la démocratie économique. Les citoyens doivent décider de ce qu’ils vont fabriquer. Les services publics doivent être assurés pour tous et les revenus partagés équitablement. » Les réponses à la crise proposées par l’auteur du livre “La crise financière et après ? » ont suscité des réactions parmi les spectateurs. « Je sais bien qu’il y a eu l’échec de l’URSS et une tentative de changement en Argentine avec la création d’une monnaie. Le crédit coopératif et les AMAP sont des exemples de ce qui est possible à condition que cela vienne du peuple… » a-t-elle conclu. |
3. Conclusions
Sachons gré à ce journaliste d’avoir honnêtement cherché à être objectif en écrivant ce rapport à l’aide des notes qu’il a consciencieusement prises, même s’il se trompe sur le titre du livre que les organisateurs avaient mis en évidence.
Et pourtant, alors qu’il a sans doute vu le film qui expliquait, le plus simplement possible, comment est créé l’argent-dette, il fait une confusion énorme à propos du crédit, en attribuant à la Banque Centrale des pouvoirs qu’elle n’a pas !
De cette interprétation, et de questions posées dans le public, il faut conclure, d’abord, que le film, aussi didactique soit-il, ne suffit pas à montrer les mécanismes et les conséquences de l’argent-dette actuel. Pour comprendre, il faut plus d’effort, peut-être revoir plusieurs fois le film et puis approfondir, et puis … réfléchir, et un bon bout de temps !
Une autre observation est que le public, en général, n’a pas encore pris conscience de la dimension de la crise, ou plutôt des crises.
Il y a, certes, une évolution. Une démarche manifeste, pour essayer de comprendre une situation inattendue, m’a permis de présenter des propositions qui, il y a seulement quelques années, n’auraient même pas été écoutées parce que jugées “trop irréalistes”. Mais envisager de devoir changer ses habitudes de pensée demande un effort qui, a priori, paraît inimaginable, insupportable. Le public attend encore qu’un sauveur se présente, lui promettant de tout régler, dès demain, et pour lui, personnellement. Ce qui explique sans doute, en partie, l’actuelle dérive de la démocratie.
4. Perspectives
Il reste que le travail des animateurs de cette association, qui « souhaite fédérer toutes celles et tous ceux qui, membres ou non d’un parti politique, veulent… contribuer à faire émerger une force nouvelle porteuse des valeurs véritables de la gauche » est essentiel. C’est sur de telles initiatives, sur ces manifestations d’une conscience venue de la société civile, ou plutôt civique, que repose désormais tout espoir. Pourvu qu’elles se multiplient avant qu’il soit trop tard !