Valeurs féminines dans le monde contemporain
par
Publication : octobre 1988
Mise en ligne : 1er avril 2008
L’économie distributive, c’est aussi la qualité de la vie, la convivialité plutôt que la compétition. En ce sens, toutes les femmes du monde devraient nous apporter leur concours. Et c’est un homme qui nous l’explique :
Tout porte à croire que la prochaine révolution
sera d’ordre psychologique. De tous côtés, en effet, on
voit s’affirmer la conviction que toutes nos conceptions relatives à
l’humanité, aux relations humaines, à l’organisation du
monde, sont en train de se transformer. Mais jamais transformation ne
s’est accompagnée d’autant d’angoisse et de déchirements.
Et ceci parce que, dans le bond que nous avons fait en avant, nous avons
satisfait un amour masculin des choses et avons laissé languir
un amour féminin des êtres. Le rôle de la femme doit
revenir au premier plan. Il ne suffit pas qu’elle vote. Il faut que
la femme transforme la société , qu’elle lui redonne le
sens de l’être, de la joie, de la grâce, de la chaleur des
sentiments, de la beauté de la vie incarnée.
Il ne s’agit pas de revenir en arrière. Il s’agit simplement
d’équilibrer notre progrès. Il s’agit d’aimer autant les
êtres que les choses.
Les "choses" ce sont des objets et des idées ; ce sont
des évidences et des conceptions. Des hommes y ont consacré
leur vie ; d’autres y ont sacrifié la leur. Les uns et les autres
ont bâti un monde nouveau que l’on cherche maintenant à
coordonner par des formules capables d’exprimer la solidarité
internationale dans laquelle nous nous trouvons, mais que nous n’avons
encore que médiocrement acceptée.
Ce monde est fait d’êtres dont l’existence est brève et
qui se remplacent de génération en génération
; il est fait d’êtres qui sont heureux lorsque l’amour féminin
peut se consacrer à eux et qui sont malheureux lorsqu’ils en
sont privés.
La femme commence par offrir son corps à l’enfant. Puis elle
le protège, l’entoure de soins, lui assure un foyer qui permet
l’épanouissement de ses facultés. Elle devrait avoir le
droit de défendre ce foyer avec plus d’efficacité.
Et surtout, elle a maintenant un rôle essentiel
à jouer au-delà de son propre foyer. La solidarité
internationale fait aujourd’hui du monde un grand Foyer, où les
pensées féminines et masculines doivent se compléter
comme elles le font au sein du foyer familial.
Il ne suffit plus que la société humaine soit un rapport
économique ou politique réglementé par des lois.
Elle doit devenir un cadre, un milieu, une sécurité, au
sein desquels l’être humain doit pouvoir continuer à s’épanouir
après sa "majorité".
Mais la femme est absente de la société. Lorsqu’elle y
est présente, elle joue un rôle masculin. Voilà
pourquoi nous dérapons, voilà pourquoi nous sommes emportés
par des forces que nous maîtrisons mal.
Entendons-nous bien. Je ne demande pas que la femme retourne à
ses marmites. Je demande au contraire qu’elle puisse s’en libérer.
Je voudrais qu’une organisation plus rationnelle du
"ménage particulier" libère la femme d’un assujettissement
excessif. Je voudrais que cette libération permette à
la femme, mariée ou non, de s’intéresser activement à
l’avenir de la société humaine, pour faire de celle-ci
quelque chose qui ne ressemble ni à une caserne, ni à
une usine, ni à un tribunal, mais - quelque chose qui ressemble
à un FOYER.
Alors le rôle de la femme ne sera plus "minorisé".
Certes, il est différent de celui de l’homme, mais la femme ne
voit pas la vie dans le même sens que l’homme ; mais cette différence
est justement ce qui nous protège des dérapages horribles
de la torture pour des motifs politiques et de la guerre pour des motifs
de prestige.
Dans une humanité où la femme joue un rôle féminin
majeur et où l’homme joue un rôle masculin majeur, la vie
devient digne d’être vécue. L’adolescent n’est plus projeté
dans une société hostile ; il est accueilli par une société
ordonnée pour le recevoir, pour l’aimer et pour lui permettre
de s’épanouir dans ses fonctions humaines ; il y poursuit son
existence, il est un ETRE dont le "devenir" est pleinement
sauvegardé.
Pour un tel résultat, la tâche masculine
est presque terminée. La tâche féminine commence.
C’est normal, on ne décore pas un foyer avant d’avoir construit
la maison.
Mais il est temps de comprendre le rôle de la femme. Il est surtout
temps de comprendre que le travail féminin a une "valeur
humaine" au moins aussi grande que toute "production"
du travail masculin.
Il est temps enfin que la femme ellemême prenne conscience de
ce que le monde attend d’elle, qu’elle se penche sur ses problèmes
avec attention et qu’elle apprenne à les résoudre comme
elle apprend à résoudre ceux de son enfant.