À propos de l’immigration


par  P. WALHAIN
Mise en ligne : 30 novembre 2009

Pour un choix humain et écologique en matière d’immigration :
Le point de vue d’un simple citoyen

Tant que de nombreuses populations du monde vivent dans des conditions si désespérées que l’immigration leur paraît la seule solution, elles émigreront dans les pays les mieux lotis. Moralement, nous ne pouvons leur refuser l’accueil. Cet accueil est d’autant plus nécessaire qu’une partie importante de la richesse des pays “riches” provient de régions du monde où la plupart des habitants vivent dans la misère.

Mais d’autre part, chaque migrant qui s’établit dans une société “riche”, adoptant (dès que possible) sa façon de vivre dispendieuse, contribue avec nous à surcharger non seulement l’écosystème régional, mais aussi l’écosystème terrestre, donc son pays d’origine aussi. Nous sommes ainsi confrontés à un profond dilemme éthique : alors que nous pourrions et devrions offrir l’asile à davantage de réfugiés et de migrants, cet acte, pratiqué à grande échelle, menacerait non seulement l’avenir de nos pays, mais le leur aussi.

Ces faits ne peuvent que nous engager courageusement à adopter un mode de vie simple et à stopper l’exploitation des peuples pauvres. Dénoncer les méfaits des multinationales est bien nécessaire, mais que seraient les multinationales sans les dizaines de millions de (sur)consommateurs serviles des pays “riches” ? Par nos modes de consommation, ne sommes-nous pas souvent complices du système capitaliste ?

 Priorité aux principes humanitaires

Pour des raisons humanitaires et d’équité sociale, une large régularisation des sans-papiers, une amélioration de l’accueil des réfugiés et des conditions de regroupement familial doit se réaliser. Il faudrait en même temps accorder autant d’importance à la réduction des inégalités socio-économiques entre pays “riches” et peuples pauvres, sans oublier qu’il existe des riches dans les pays pauvres et des défavorisés dans les pays “riches”. Ainsi, la meilleure politique de migration des pays “riches” devrait-elle être de concentrer leurs efforts contre leur excès de consommation et d’améliorer politiquement autant qu’économiquement les conditions d’existence dans les pays dits “sous-développés”.

 

D’autre part, il est inacceptable de recourir à l’immigration pour obtenir une main-d’œuvre peu coûteuse destinée aux tâches ingrates dont les Belges ou les Européens ne veulent plus. Inacceptable aussi est la ponction de cerveaux dont les pays “en développement” ont besoin. Pas de « l’immigration pour relancer la consommation », celle-ci est déjà trop élevée chez la plupart des habitants des pays “riches”.

 

Pas non plus de recours à une immigration supplémentaire “pour raisons démographiques”. Le vieillissement démographique est une évolution inéluctable et souhaitable. Vouloir l’arrêter, et même le ralentir, par la relance de la natalité et (ou) par le recours à une immigration supplémentaire implique une croissance continue de la population : que fera-t-on lorsque les bébés et (ou) les immigrés qu’on aura voulu plus nombreux arriveront à leur tour à l’âge de la retraite ? L’augmentation du nombre des plus de 65 ans résulte de l’allongement de la durée de vie, qui est une bonne chose. Cette augmentation s’accentuera avec l’entrée en âge de retraite du baby-boom de l’après-guerre.

Les positions en faveur d’une fécondité plus élevée et (ou) d’un recours à une immigration supplémentaire pour « combler le déficit démographique de l’Europe » sont conçues comme si l’espèce humaine, les espèces animales et végétales directement exploitables par l’homme, étaient les seules à habiter la planète. Il n’existe que peu, ou pas, de considération pour le déficit d’espace naturel nécessaire à la diversité des vies animale et végétale sauvages qui ne cesse de régresser dans l’UE. Quant au cadre de vie des êtres humains, il ne cesse de s’appauvrir en surfaces vertes : face à la demande croissante de logements, on densifie l’habitat pour « économiser l’espace et l’énergie », tout en refusant l’abandon des objectifs de croissance démographique. L’Europe se situe dans les régions les plus densément peuplées du monde. Pourquoi son haut niveau de population serait-il le meilleur ?

 

L’écologie ne se limite pas à la question du réchauffement climatique et à celle de la pollution. Il existe une autre question tout aussi importante et trop rarement posée : quel espace l’espèce humaine accepte-t-elle de laisser (et même de restituer) à la faune et à la flore sauvages pour qu’elles puissent vivre et se perpétuer dans leur milieu naturel ? Peut-on vraiment parler d’écologie sans poser cette question et y répondre positivement ?

C’est même pour maintenir le système économique basé sur l’accroissement de la consommation que certains réclament le recours à l’immigration “pour des raisons démographiques” et (ou) le renforcement des politiques natalistes. D’autres pensent que cette immigration supplémentaire favoriserait une remise en cause de notre mode de vie dispendieux grâce à « un apport de valeurs spirituelles qui manquent à notre mode de vie occidental ». Avec quelle chance de succès, lorsqu’on constate que notre hyperconsommation séduit beaucoup de défavorisés du monde ?

Sans immigration supplémentaire, la population totale de l’Europe des 27 continuera d’augmenter jusque vers 2025. N’est-ce pas une erreur écologique de vouloir « accroître l’immigration pour empêcher le déclin démographique de l’Europe », alors qu’il faut prévoir l’accueil de réfugiés environnementaux, qui peuvent devenir nombreux dans les décades à venir ?

Une large majorité de la population est convaincue, de bonne foi, que des personnes lucides, responsables et généreuses ne peuvent qu’être unanimes pour considérer la faible fécondité de l’UE comme un mal ; dès lors, il n’y aurait pas d’arguments valables en faveur d’une décroissance démographique ! Pourtant, la croissance démographique et les densités élevées de population présentent d’importants inconvénients (aggravés par une économie basée sur la stimulation de la consommation au service du profit et au nom de l’emploi). Ces inconvénients sont systématiquement ignorés ou niés par les média (toutes tendances confondues), surtout lorsque cela concerne les pays industrialisés [1].

Il ne peut donc exister qu’une position connue “crédible” et “qui va de soi” sur la démographie de nos pays. C’est ainsi que l’immense majorité des gens sont convaincus qu’on peut faire durablement de l’écologie sans arrêt de la croissance démographique et avec des fortes densités de population : « il suffit de relancer le développement économique, de modifier nos modes de production et de consommation tout en partageant équitablement les ressources de la planète ». Cependant, dans les actes, peu d’habitants des pays “riches” acceptent une réduction significative de leur haut niveau de consommation. Cela reste le plus souvent dans le domaine du discours.

L’immigration massive (réclamée par certains) n’est une solution ni pour les immigrés eux-mêmes, ni pour nous, pas plus que l’immigration zéro, qui serait un appauvrissement culturel et social (elle n’a d’ailleurs jamais existé) et retarderait le choix de solutions durables en ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie dans les pays d’origine.

 

Pour un choix humain et écologique en matière d’immigration, l’idéal est de tendre progressivement vers une immigration qui ne dépasse guère l’émigration, en accordant la priorité aux principes humanitaires ainsi qu’à la justice socio-économique entre les peuples et tous les êtres humains.


[1Pour une information plus approfondie, j’ai constitué un dossier intitulé : « L’empreinte écologique : un simple citoyen s’interroge… ». Me téléphoner au 086/322562) en Belgique.


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