A tous les candidats
par
Publication : février 1981
Mise en ligne : 15 octobre 2008
A l’occasion des élections, un de nos camarades écrit aux candidats pour leur faire comprendre nos thèses et la nécessité de les proposer au plus vite. Voici la presque totalité de sa lettre, dont nos lecteurs peuvent s’inspirer.
Conscient des dangers que nous courons, qu’il me soit permis, Monsieur
le ..........., en tant que simple citoyen, de vous exposer ici les
réflexions nées de la situation dans laquelle se trouve
notre pays et aussi, il faut bien le dire, du monde qui nous entoure.
Avant de poursuivre, permettez- moi de me présenter. Ouvrier
plombier dans une usine métallurgique de Saint-Denis depuis bientôt
40 ans, militant syndicaliste C.G.T. depuis 1936, n’ayant jamais appartenu
à aucun parti politique, j’ai toujours été animé
de sentiments humains envers mon prochain. Et c’est à partir
de l’âge de raison que mes aspirations d’honnête homme m’ont
fait découvrir les tares et les méfaits du régime
dans lequel nous nous débattons tout comme des crabes dans un
panier.
Certes, nous ne sommes pas des saints ni les uns ni les autres et nous
avons, chacun dans notre petite sphère, notre part de responsabilité
dans le fonctionnement de la Société dans laquelle nous
vivons. C’est de cela que je veux vous entretenir.
Aigri par tous ces scandales financiers, économiques, par toutes
ces destructions de richesses pendant que des gens sont privés
du nécessaire ou meurent de faim, par ces lois périmées
et par cette foire d’empoigne où le profit règne en maître
dans tous les domaines, mais soucieux de la gravité de l’ampleur
que prend de jour en jour l’incivisme, l’égoïsme et le j’menfoutisme,
je ne puis taire la grande amertume que je ressens. Je m’adresse donc
à vous, poussé par un irrésis. tible besoin d’aider
mes semblables à comprendre pour ne pas périr, pendant
qu’il en est temps encore. Je m’explique.
Des élections vont avoir lieu prochainement. Les Français
et les Françaises vont retourner aux urnes avec l’espoir que
ça changera.
Cependant, me référant aux événements de
1936 et plus près de nous à ceux de 1968, je ne peux que
constater que les Français n’ont rien appris de la grande Révolution
née du progrès des sciences et des techniques.
Depuis 1945, tous les gouvernements qui se sont succédés,
avec beaucoup de discours, de promesses et de replâtrages n’ont
fait que précipiter le désarroi parmi nous.
Je constate amèrement que tous les partis politiques et même
ceux de gauche, commettent les mêmes erreurs que celles de leurs
prédécesseurs, à savoir : que l’on ne peut apporter
de véritables réformes de structures en restant dans le
cadre vermoulu du régime capitaliste. Il faut donc sortir des
sentiers battus, ce qui suppose en premier chef le remplacement du franc
actuel - dont la valeur tend vers le zéro - par une monnaie de
consommation gagée sur la production et s’annulant à l’achat.
Il faut que l’Etat revienne à son droit régalien de battre
monnaie et de par là même instaurer un revenu social pour
tous - de la naissance à la mort - avec pour corollaire un service
social où chaque membre de la Société aura sa place
en fonction de ses aptitudes physiques ou intellectuelles. Je suis parfaitement
convaincu que toute la gauche française ne pourra résoudre
les problèmes qui découlent de la situation dans laquelle
nous sommes, tant qu’elle restera prisonnière du, système
capitaliste et je suis non moins convaincu que Marx, Engels, Lénine,
Jaurès seraient déçus - s’ils revenaient - de voir
les hommes du 20e siècle s’entre-déchirer dans le sacro-saint
régime des prix. salaires-profits.
La lutte des classes est maintenant dépassée tout comme
les nationalisations qui ne survivent que grâce aux subventions
puisées dans la poche des consommateurs.
En vérité, ce n’est que par la socialisation des grands
moyens de production que nous mettrons fin à cette oligarchie
financière et économique et que nous aurons la possibilité
de mettre hors d’état de nuire le profit égoïste
des hommes pour en faire un bien-être collectif.
Utopie, direz-vous ? Les utopistes sont ceux qui s’acharnent à
faire revivre un passé qui est définitivement mort.
La France qui a toujours été à l’avant-garde des
révolutions a, à cette heure tragique de notre histoire,
la possibilité et le devoir de montrer au monde que nous ne voulons
devenir ni des assassins, ni des assassinés.
Pendant qu’il est encore temps - car demain il sera trop tard - il est
urgent de redresser la barre et d’insufler aux Français cette
ère nouvelle qui doit nous conduire vers le Socialisme Distributif.
Ce n’est plus dans la rue que doit se faire la révolution, c’est
avant tout dans les esprits et dans le coeur des hommes.
En vous priant d’excuser le style d’un simple citoyen et non sans vous
rappeler que ce ne sont pas les idées qui sont en avance, mais
les hommes qui sont en retard, je vous prie de croire, Monsieur le .....,
à l’expression de mes sentiments distingués.
M.R., Stains.